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Ecole de 2e chance de Voglans : éloge de l’adaptabilité et de la constance

Par Jérôme Bois • Publié le 02/11/21

2021, année charnière pour l’école de la 2e chance. Créé en octobre 2011, l’établissement voglanais vient de célébrer ses 10 ans d’existence. Et dans quelques mois, un événement sans équivalent dans la courte vie de l’E2C aura lieu, les rencontres nationales des écoles de la 2e chance, rassemblant entre 400 et 500 personnes et une quarantaines d’écoles sur une semaine. De quoi bousculer un quotidien déjà bien fourni au sein de la petite structure savoyarde, dont la capacité d’adaptation, face à des bénéficiaires au parcours plus chaotique et atypique, force l’admiration.

 

Lors d’un cours avec les primo-arrivants.

Au bout de dix années d’existence, la tentation du bilan est grande, un bilan chiffré dans un premier temps puisqu’avec 800 jeunes accueillis en son sein, l’E2C a prouvé son efficacité pour remettre sur les bons rails une jeunesse oubliée, handicapée, fragilisée. Chaque année, l’école reçoit 80 nouveaux entrants sortis du système scolaire et sans diplôme pour un total de 130 jeunes environ dans l’établissement. « Notre bilan d’activité est positif » , s’éclaire le directeur Vincent Jaeg, fraîchement arrivé. Une action finalement à peine contrariée par « un certain déficit de popularité ». Association indépendante, créée à Marseille en 1998 à l’initiative d’Edith Cresson, alors commissaire européen en charge de la science, de la recherche et du développement ; l’Ecole de la 2e chance a pour ambition de lutter contre l’exclusion et de permettre aux jeunes sortis du système d’accéder à l’emploi ou à des formations diplômantes. En trois ans, de 1997 à 2000, 10 écoles voient le jour en France. Le maillage s’est poursuivi, le réseau s’est structuré, on dénombre aujourd’hui près de 135 établissements. « L’E2C, c’est avant tout un label qu’il faut mériter, nous sommes ainsi audités tous les deux ans pour conserver le droit de porter ce nom » , détaille Vincent Jaeg, « cela concerne autant les références pédagogiques que le suivi des évaluations et les points-étapes d’un parcours jeune ».

Trop d’acteurs, moins de jeunes

En dix ans, le paysage a évolué, pas toujours en bien malheureusement: il y a 10 ans, les Missions locales, dont la mission première est d’orienter les jeunes vers la solution la plus appropriée, « n’avaient pas les mêmes moyens, la situation institutionnelle évolue beaucoup, les publics aussi » , et pour cause ; si depuis 2011, l’E2C recevait tout individu de 18 à 25 ans, l’âge minimum a été abaissé à 16 ans. « L’école a toujours dû s’adapter à de nouveaux publics » , explique Vincent Jaeg.

Une équipe pédagogique joyeuse et dynamique

Ce public se compose désormais de jeunes en situation de handicap, de ceux placés en foyer, en passant par ceux suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les publics SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation), les migrants… « Du jour au lendemain, il a fallu intégrer les mineurs, puis les migrants, depuis 2019 » , ceux-là même qui constituent 30% des effectifs aujourd’hui. « Ça change nos méthodes de travail parce qu’il faut insister sur l’apprentissage du français. Nos formateurs n’étaient pas habitués à ces publics si variés » et face à ces diverses problématiques, il a fallu répondre, et vite.
Si la Mission locale reste le principal « pourvoyeur » de jeunes au sein de l’école de la 2e chance (environ 40%), les foyers d’accueil, les maisons de l’enfance, les structures spécialisées dans le handicap ne sont pas en reste, « sans parler des arrivées spontanées » , ajoute le directeur. Seulement, entre-temps, la Mission locale a vu ses attributions évoluer notamment par le gouvernement actuel, « ils étaient pourvoyeurs, ils sont devenus opérateurs, via la garantie jeune » , sorte de parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi ou l’insertion. Cette garantie ouvre le droit à une indemnité de 497,50 euros par mois, un modèle qui s’apparente fortement à celui proposé par l’Ecole de la 2e chance. « Les places ont été doublées, mais cette garantie jeunes est devenue davantage un RSA jeunes, sans véritable contrepartie » , soupire Vincent Jaeg, « elle ne fonctionne que si le jeune est autonome avec une véritable envie de trouver du travail ». De fait, la multiplication des acteurs jeunesse est problématique « au lieu de renforcer l’existant ». Le résultat ne s’est pas fait attendre, « nous avons eu de moins en moins de jeunes, 130 par an, ce n’est pas assez ». Malgré une volonté de ne laisser personne sur le bas-côté.

Parcours type

Dès son accueil dans les locaux de l’E2C, le jeune participe à un entretien allant de 60 à 90 minutes. S’ensuit une période d’intégration d’un mois. Puis, durant quatre semaines, le projet professionnel est approfondi, il subit des tests de niveau de français, de maths, d’informatique et participe à une semaine de stage en entreprise. A l’issue de ces quatre semaines, le jeune signe un contrat d’engagement au rythme de trois semaines de cours et deux semaines de stage, au sein de diverses entreprises. Il est alors indemnisé au titre de stagiaire de la formation professionnelle par la région Auvergne Rhône-Alpes, une indemnité dépendante de la rigueur et de l’assiduité que le bénéficiaire porte à sa formation sur place. « Une fois sorti de chez nous, il a soit un travail, soit la formation souhaitée ». Rares sont les cas d’abandons, même s’ils existent. A son entrée, un binôme de référents – pédagogique et d’insertion – lui est attribué. En moyenne, la durée du parcours varie de 7 à 8 mois, elle ne dépassera pas 24 mois. Ensuite, le jeune sera suivi un an après sa sortie. Les problématiques annexes, telles que les addictions ou les problèmes psychologiques, peuvent être abordées en plus du cursus classique ce qui fait dire au directeur de l’E2C que « là où l’Education nationale n’est plus en mesure d’individualiser ses programmes, nous, nous pouvons le faire » , sourit-il, pas peu fier de cette particularité, témoin du succès de cette entreprise depuis 1997. Pour permettre l’accueil de migrants en son sein, l’E2C a aussi mis les grands moyens : dans un premier temps, les enseignants et intervenants ont été formés avec l’ADDCAES (association départementale de développement et de coordination des actions auprès des étrangers de Savoie) en interculturalité, trois d’entre eux se sont formés en français langues étrangères avec l’Université Savoie-Mont-Blanc et l’association Bien Lire Ecrire a été mise à contribution pour des cours d’alphabétisation. « Tout cela a été hyper positif » se réjouit le directeur de l’école, « les effectifs sont stables, les intervenants sont en CDI » , la continuité est assurée et ce en dépit de l’évolution des profils accueillis. 

Les rencontres nationales des E2C en Savoie en 2022 !

Ce gros plan ne saurait être complet sans en évoquer un aspect plus festif. Le 18 novembre, l’E2C de Voglans célébrera ses 10 ans dans la salle des fêtes, mais plus que cela, chaque année, un établissement volontaire reçoit les rencontres nationales des E2C et en 2022, comme un symbole, c’est bien Voglans qui sera, fin juin, l’hôte de près de 400 personnes et quarante écoles pour des rencontres à la fois sportives et culturelles. A cette occasion se tiendra également l’Assemblée générale de l’association. « C’est un coup de projecteur sur le territoire mais aussi une tâche immense car ce rassemblement, c’est 100 000 euros de budget, il nous faut donc trouver des sponsors et 50 000 euros encore » , souligne Vincent Jaeg. Ça reste néanmoins une formidable opportunité de faire rayonner l’E2C de Voglans ainsi que la Savoie en général puisque 2022 marque les 30 ans des Jeux olympiques d’Albertville, d’où le souhait d’organiser l’événement en station ou du moins à leurs pieds. Sans parler des Jeux de Paris 2024 dont la Savoie sera partie prenante puisque « terre de jeux ». « Nous allons donc placer l’événement sous le thème de l’olympisme, il faut que ce soit important et réussi pour le territoire. Notre gouvernance est intégralement savoyarde, cela doit être mis en valeur ». Les élèves seront donc mis à contribution pour préparer au mieux ces rencontres. « Pour nous, c’est assez fort » , concède Vincent Jaeg, qui rappelle qu’habituellement, ce sont bien de plus gros établissements qui en sont les instigateurs. Un sacré pari comme l’E2C aime les relever.

L’Ecole de la 2e chance, c’est 750 000 euros de budget, 130 jeunes, 12 salariés. Elle dépend de subventions émanant de l’Etat, de la Région, des collectivités locales et de fonds européens, privés ainsi que de la taxe d’apprentissage. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site de l’E2C.

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