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Michel Barnier à Aix-les-Bains : « L’heure est venue d’étonner le monde »
Par Jérôme Bois • Publié le 29/11/21
En rugby, on dirait qu’il a joué à la piaule, le candidat à l’investiture LR. A Aix-les-Bains, dimanche 28 novembre, Michel Barnier était en terrain conquis, là où trônèrent respectivement de glorieux anciens et plus jeunes héritiers, d’André Grosjean à Gratien Ferrari, de Dominique Dord – présent, lui, au premier rang – à Renaud Beretti, son successeur. En face, 6 à 700 personnes, acquises à sa cause, à une semaine du vote qui déterminera qui ira affronter la meute dans la perspective de la présidentielle 2022.
Le one man show a commencé avec un retard de coutume, occupé qu’il était à répondre à la presse, enfin à donner le ton, plutôt, à quelques jours du congrès des Républicains, de ce que sera l’après, une fois l’investiture acquise. Parce que ces gens ne doutent pas, c’est même ce qui fait leur force. Rien de tapageur dans ses réponses, il se met à distance respectable des polémiques, comme toujours imperméable aux rumeurs et aux attaques, le Savoyard a été fidèle à ce qu’il est, limpide et rigoureux. Face aux caméras, il s’en tiendra à un discours consensuel, gardant le fond de son programme pour les quelques centaines de militants et de sympathisants présents dans la salle.
Une ode à la France d’antan
Habillé d’un costume bleu – choix passe-partout – Michel Barnier (à lire, notre article du 15 novembre) s’exhibait sur nos terres pour la dernière fois avant de savoir qui de lui ou de Philippe Juvin, d’Eric Ciotti, de Xavier Bertrand ou de Valérie Pécresse allait avoir le droit de se confronter à l’épaisse cohorte de prétendants au trône de fer. Ce bleu qui symbolise la maîtrise de soi et la sincérité – c’est ainsi – semble seoir à souhait à l’homme du terroir, fidèle et loyal que décrivent ses suiveurs. Sur la scène du centre de congrès André-Grosjean, deux grandes affiches qui rappellent le « Obama Hope » de 2008 du street artist Franck Shepard Fairey, dit Obey, image iconique de la campagne de l’ancien président américain. Il y a de la modernité dans la forme, le contraste avec son discours n’en sera que plus grand tant le propos du candidat savoyard fut teinté d’un paternalisme enveloppé de valeurs originelles faites France, ce que ses suiveurs appellent de leurs vœux. Il n’est ni le plus moderne ni le plus médiatique, ce qu’il a de nouveau reconnu, sur la scène, mais il est bien l’héritier d’un gaullisme dont beaucoup de candidats se drapent, alors que lui le revendique depuis l’adolescence. N’a-t-il pas cité, d’ailleurs, le général De Gaulle, lorsque Michel Barnier asséna qu’un « grand pays, c’est un pays qui le veut » ?
On le surprit même à évoquer Pompidou quand Renaud Beretti, plus tôt, mentionna le président Coty avec une redite de son « je ne suis pas d’un côté, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France ». Peu après, c’était au tour de Cédric Vial de nous renvoyer 70 ans en arrière avec cette griffe acerbe tirée à Sacha Guitry et adressée à un certain « toujours-pas-candidat », « les critiques sont comme les eunuques: ils savent mais ne peuvent pas ». «Ils croient savoir comment il faut faire, mais ils ne peuvent pas » , replaçait le sénateur savoyard. Eric Z. appréciera. Ce fut, du reste, la seule fois que le polémiste eut droit à ce que son nom soit prononcé. La salle se retrouvait ainsi plongée dans une ode à la France d’antan, celle dont on chante les louanges avec nostalgie comme pour se prémunir d’un avenir sombre. Barnier, c’est cette France-là, la tradition du bon pain, la politique moins tape-à-l’œil mais plus élégante, se posant en serviteur d’Etat (il ne brigue qu’un seul et unique mandat) revenu de son Europe pour remettre son pays sur de bons rails. « C’est la raison et le bon sens » , consent-il, lui qui se félicitait de « n’avoir jamais quitté le navire dans la tempête quand des girouettes prétendaient en finir avec les Républicains ». Encore cette valeur cardinale qui lui colle à la peau, la fidélité envers et contre tout, saluée de tous ou presque. L’homme du renouveau avec des valeurs de jadis, c’est un peu ça, Michel Barnier.
En Savoie, avec la famille
Il était, à l’avant-veille de son dernier tour de piste télévisé avec ses quatre camarades de jeu, dans son environnement, « dans cette région où j’ai tout reçu de vous. Je vais vous rendre ce que vous m’avez donné en vous emmenant vers la victoire » , augurait-il. On ne saurait faire plus haranguant. Lui le Tarin, malicieusement houspillé par Emilie Bonnivard, la Mauriennaise. Nous étions en famille. Il faut dire que la famille savoyarde le lui rend bien, ne serait-ce qu’à travers l’explosion du nombre d’encartés ; « De 320 cet été, nous sommes passés à 2 127 militants aujourd’hui » , saluait Renaud Beretti, dans son propos liminaire. Un record en France, un signe fort quand s’affaiblit « l’Etat, la République. Ça suffit, il est possible de changer, tout est possible ! » lança le maire aixois. « Il est celui qui connaît le mieux la France par sa diversité, le plus capable » , abondait Cédric Vial. Si la Savoie n’a pas tardé à se rappeler à son bon souvenir, son autre maison, branlante depuis une décennie, semble enfin se tenir droit, celle des Républicains. « Notre famille politique s’est reconstruite » , nous disait Michel Barnier en préambule, « nous sommes revenus de loin ». Il relevait que la campagne avait jusqu’ici été respectueuse, « j’y ai personnellement veillé ».
Son plan, quoique connu de tous, il le déclina en trois temps : l’électrochoc d’autorité, le coup d’arrêt porté à l’immigration et l’enrayement du grand déclassement de la France. Ou comment remettre la France sur le devant de la scène et comment faire des Français les acteurs de ce renouveau, avec Barnier en meneur de revue. Jusqu’ici, les débats avaient (trop) tourné autour de la sécurité et de la problématique des migrants, au grand dam de son équipe, qui attend qu’il soit davantage question de culture, de jeunesse, d’éducation, d’emploi, de sport… Ca viendra, peut-être pour mardi soir, déjà.Il se voit ainsi en président « sérieux » , même s’il se trouve « des efforts à faire en termes d’humour » , il sera l’anti-bureaucratie, remettra la valeur travail au centre de tout, lui, le gestionnaire de « la négociation sur le Brexit avec en face des gens qui se comportaient comme des flibustiers ». Il ne craindra rien. « Ce que nous ne ferons pas pour notre pays, personne ne viendra le faire à notre place » , prophétisait-il, « l’heure est venue d’étonner le monde ». Sa « longue habitude des campagnes » sera son plus sûr atout, il sait que « la personnalité et l’expérience feront la différence » à l’heure du choix. Sans plan de carrière mais avec un plan de vol bien défini, Michel Barnier a su, déjà, gagner la foule. Seule une Marseillaise pouvait clore cette pluvieuse soirée « made in France » …
Le dernier débat des Républicains se tiendra mardi 30 novembre, sur France 2 et en simultané sur France Inter, à partir de 21h05.Le congrès des Républicains débutera le 1er décembre jusqu’au 4.
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