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Chambéry : à Noël, chez les Gonnet, c’est l’inspecteur Derrick qu’on revisite

Par Jérôme Bois • Publié le 29/12/21

Un rituel familial, ça se respecte. Comme l’exige la tradition, chez les Gonnet, le jour de Noël coïncidait avec le visionnage d’un film maison, dont les membres de la famille sont les héros. Cette année, pour découvrir un genre nouveau, Raphaël s’est lancé dans la fiction avec une parodie bien à lui, qui parlera aux grands et surtout pas aux petits, l’inspecteur Derrick et son impayable (et controversé) interprète, Horst Tappert. Un mini-film de 20 minutes, tourné à Chambéry, Sonnaz, Aix-les-Bains, Voglans.

 

Cyril Daviez, au premier plan, et Benjamin Gonnet.

Mais qui a bien pu tuer Winnie Muller ? Hein ? Quel apprenti assassin ou tueur confirmé a bien pu commettre l’irréparable sur cette jeune blonde à la cabèze bouclée tandis qu’elle buvait un verre au café du coin ? C’est ce que l’inspecteur Derrick aura à résoudre… une fois péniblement tiré de son sommeil. Il lui faudra mêler audace, clairvoyance, déduction et… motivation pour parvenir à démasquer l’assassin. Une intrigue vieille comme le monde et dont l’issue ne laisse planer aucun doute, sans trop spoiler le pitch.A l’écran, au moins un visage familier des locaux férus de petits plats en équilibre, Cyril Daviez, connu pour ses recettes minutes nées lors du premier confinement. Avec simplicité, il campe, favoris à l’appui, le redoutable inspecteur un poil (dans la main) paresseux et à la vaillance incertaine. Autour de lui, neveux et nièces de Raphaël Gonnet*, le deuxième larron de ces désormais fameuses recettes filmées. Au bout du compte, 20 minutes pour faire régner l’ordre et la justice dans une ville rongée par le crime.

Rituel de Noël

C’est comme ça, à chaque Noël, ils sont une vingtaine dans la famille à attendre la vidéo de l’année comme on attend un cadeau. « C’est un rite, un truc fédérateur » , abonde Raphaël, « cette vidéo-là, je devais la présenter en 2020, déjà ». Mais le temps de tout fignoler, c’était fichu. Ce 25 décembre dernier, enfin, tous ont pu apprécier la parodie. « Je ne suis pas spécialement fan de Derrick » , assure pourtant Raphaël ; l’animateur Camille Combal l’avait déjà réactualisé en en faisant un doublage un peu particulier qui avait bien fait rire les suiveurs de Touche pas à mon poste, à l’époque. Derrick est un peu une valeur sûre pour qui aime la parodie. « J’aime particulièrement la lenteur de la mise en scène, l’absence de cascades » , explique-t-il, « j’en ai fait une sorte de Gaston Lagaffe, à la fois tire-au-flanc et un poil de mauvaise foi. Heureusement, il a son collègue – Benjamin Gonnet – pour aller de l’avant. C’est une sorte de Derrick 2.0, un choc des générations avec des téléphones mobiles, des SMS, quelques clins d’œil » … Dès les premières minutes, on découvre un inspecteur assez peu vaillant, peu prompt au réveil soudain pour de suite s’emparer d’une affaire sordide. La suite sera du même acabit.

Sur le tournage, avec à droite, l’infortunée Winnie Muller.

Si, à la technique et au son, il a fait appel à Fabien Guichardan et John Rossou, deux personnes extérieures à la famille et deux professionnels de surcroît, Raphaël a fait tourner les siens, comme il le fait déjà avec Cyril sur Recette minute tv. « J’ai pris des pros pour le minimum vital, je n’avais ni script ni assistant. Je me suis chargé du montage et du scénario seul. Le scenario est limité mais c’est vraiment un prétexte à rester dans le ton de l’humour ». Les extérieurs ont été tournés à Chambéry, Aix-les-Bains et Sonnaz. Le bureau, lui, est en réalité celui de Laurent Gonnet, gérant du Jardin des plantes, à Voglans, remodelé pour l’occasion. Le bar, au début du court-métrage est le café de la Place, à Chambéry. « Il y a aussi des personnages que l’on entend seulement » , deux nièces aujourd’hui à l’étranger, l’une à Cotonou au Bénin, l’autre à Washington. « Elles avaient leur texte et ont joué le jeu à fond » , s’enthousiasme le réal’. La vieille DS des policiers appartient, elle, « à l’oncle de Cyril, je voulais, au départ, la même BMW que Derrick mais on n’a jamais pu la trouver ». Quant aux costumes et aux perruques, volontairement surréalistes, ils ont été choisis afin d’accentuer le caractère absurde et parodique du film. Et bien entendu, la cocaïne visible lors d’une séquence n’en est pas mais est-il utile de le préciser ?

Un changement total d’orientation

« Ce film, mine de rien, a pris du temps et a coûté de l’argent – environ 3 000 euros – entre l’écriture, le tournage et le montage. Ça a été trois mois de boulot en tout, répartis sur les vacances et les weekends, le tournage a commencé en septembre 2020 et on l’a seulement fini la semaine avant Noël. Le jeudi 23 décembre, je recevais l’étalonnage. Et il fallait en même temps assurer le travail, Recette minute tv et l’exposition photos » , qui a d’ailleurs connu un sérieux coup d’arrêt lorsque les autorités algériennes ont décidé, début novembre, de fermer le centre El Amel de Mascara où exerce le père Raymond et où devait se tenir l’exposition de juin à juillet 2022**.Ce coup d’essai dans le domaine de la fiction lui a donné des idées au moment où Raphaël s’apprête à quitter son travail dans une boîte de pub. « Je veux monter ma propre boîte de réalisation et de production. C’est le Covid qui m’a fait prendre ce virage et cette structure, j’espère bien la créer pour le deuxième trimestre 2022. J’ai fait une école de cinéma, j’ai travaillé sur des fictions, j’ai été intermittent dans des productions télés, ce serait un peu un retour aux sources. Je ne regrette pas mes dix ans dans le commerce, j’y ai acquis des compétences qui vont m’aider pour la suite ». Il se dit prêt à écrire une nouvelle fiction mais cette fois avec des comédiens professionnels. Un retour vers le futur qu’il n’avait sans doute pas imaginé avant que n’apparut ce foutu virus…

* Il est l’auteur de l’exposition photos « Visages d’Algérie », sur le prêtre Raymond Gonnet, installé dans un centre d’accueil à Mascara. Elle avait été présentée à la Base et à Grenoble.
** Les autorités algériennes ont reproché au centre d’avoir des activités de type culturel en un lieu répertorié comme un lieu affecté au culte. « J’espère qu’en juin prochain, la situation se sera tassée » , confie Raphaël Gonnet. « C’est dur parce que jamais le centre n’avait fermé jusqu’alors » .

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