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Chambéry : avec « Savoie de Femme », sensibiliser, écouter, agir

Par Laura Campisano • Publié le 01/12/21

A deux jours de la journée nationale dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes, la ville de Chambéry a signé le 23 novembre 2021 un contrat local d’engagement avec la préfecture de la Savoie et le parquet du Tribunal judiciaire de Chambéry contre les violences sexistes et sexuelles. Si ce contrat concerne tous les habitants du territoire sans distinction de genre*, il n’en demeure pas moins un nouvel engagement renforçant les moyens à disposition des différents acteurs de prévention de lutte et de sensibilisation**, pendant des nouvelles règles nationales. Des moyens, c’est justement ce que réclament de nombreuses associations, dont « Savoie de Femme », signataire de la convention. 


Le 22 septembre, municipalité, préfecture et parquet s’étaient déjà réunis pour signer un contrat de sécurité intégrée. Cette fois, c’est contre les violences sexistes et sexuelles que ce trio s’est engagé aux côtés des associations, acteurs locaux. Une nouvelle démonstration de la volonté commune de réduire ces actes, souvent dirigés vers les femmes, lesquels n’ont eu de cesse que d’augmenter (pas seulement dans le débat public) à la faveur des confinements successifs. Avec la directrice de « Savoie de Femme », Nathalie Garrera, nous avons dressé un bilan des moyens à leur disposition pour lutter contre les violences, de toute nature qu’elles soient, subies par les femmes en Savoie.
L’association « Savoie de Femme » est signataire du contrat local d’engagement conclu entre la ville de Chambéry, la préfecture de Savoie et le parquet de Chambéry ; comment a été amené ce projet ? « C’est un groupe de travail, orchestré par Dominique Bion, directeur de la prévention et tranquillité publique de Chambéry, qui s’est réuni avec les différents partenaires et associations, depuis un an. L’objectif de ce contrat local est surtout de travailler avec le réseau, pour pouvoir renforcer le travail que nous pouvons mener ensemble il fallait déjà bien se connaître : cela permet d’apporter une réponse adaptée aux demandes que chaque partenaire reçoit. Tout cela s’est mis en place dans le contexte de nouveaux textes de lois et de mesures prises pour que nous puissions tous agir plus vite et avec plus de facilité.
Quel est le cœur de votre action au quotidien ? « Savoie de Femme » n’a pas de vocation à l’accueil d’urgence, nous offrons un accueil de jour, du lundi au vendredi de 10h à 16h avec ou sans rendez-vous, au cours duquel les femmes viennent exposer leur situation de violences au sein du couple, cela leur permet de faire un point, de manière anonyme. Bien souvent elles ont tant attendu que lorsqu’elles arrivent, c’est vraiment urgent. Nous leur permettons de parler, pour certaines c’est le tout premier contact pour s’ouvrir sur la situation. Nous les aidons à définir la situation dans laquelle elles se trouvent.
L’expression « violences conjugales » renvoie souvent à la violence physique, est-ce le cas à chaque fois qu’une femme pousse la porte de votre permanence ? En effet, c’est souvent à cela que les gens font référence quand ils entendent cette expression mais il y a bien souvent des violences psychologiques, que nous expliquons également aux femmes qui viennent nous consulter. Nous les orientons vers les démarches de dépôt de plainte, en fonction de la demande notre mission est de leur apporter la réponse la plus adaptée possible. Nous avons également des places en appartement temporaire, dont l’adresse est tenue secrète, permettant à certaines femmes d’avoir un autre lieu où faire le point sur leur situation.
De plus en plus, des jeunes filles font état de situations d’emprises avec leurs petits amis, est-ce que ces situations sont également fréquentes dans vos entretiens ?En effet, il est important d’intervenir très vite. Les violences au sein du « couple » concernent majoritairement des femmes, dans une société encore inégalitaire où certains états de fait sont admis. Par exemple, on peut entendre « il contrôle mon portable, c’est une preuve d’amour » , « il ne veut pas que je vois mes copines » , « il ne veut pas que je mette une robe rouge pour sortir » … Tout cela n’est pas une question de caractère, il n’est pas possible de se retrancher derrière « un mari ou un garçon colérique » ce n’est pas normal ! Ainsi si auprès des adultes nous menons des actions de sensibilisation, auprès des jeunes ce sont des actions de prévention. Malheureusement nous ne disposons que de peu de moyens, aussi nous n’intervenons qu’à la demande des établissements scolaires. Il y a bien sûr d’autres acteurs qui sont amenés à intervenir, comme le Conseil départemental via le centre de planification et d’éducation. C’est un point très important qui ne doit pas être négligé : les femmes dès les premiers couples peuvent connaître des prémices de violence, elles ont parfois tendance à accepter le harcèlement, se mettant dans un rôle de soumission. 
C’est aujourd’hui un fait de société, qui reproche beaucoup à la femme : sa façon de parler, de s’habiller, trop court, trop long …Oui, le débat public y participe : encore aujourd’hui, les femmes continuent à porter la majorité des tâches, l’organisation, qui concourt à la hausse de la charge mentale. Les hommes participent davantage mais parfois, encore trop peu. Les femmes souvent se mettent en retrait « je n’aurais pas dû dire ça » nous disent-elles ou bien « c’est de ma faute » mais nous devons leur expliquer que quand bien même elles aient pu faire une bêtise, voire jusqu’à l’adultère, cela ne mérite pas de la violence en retour. Elles nous dépeignent très souvent des situations où des crises éclatent pour des choses anodines, c’est souvent comme cela que les choses dérapent.
Sur le territoire savoyard, comment les choses ont-elles évolué, sur ces situations de violences conjugales et précisément de violences faites aux femmes ? Notre association est départementale, nous avons des permanences Chambéry, Aix-les-Bains, Albertville et dans l’Avant-pays savoyard : ces permanences sont en lien avec des acteurs locaux, police, gendarmerie, assistantes sociales… Nous sommes la seule association spécialisée dans les violences au sein du couple et le constat que nous faisons est que la violence conjugale est partout. Plus on va partout, plus on va dans les territoires, y compris ruraux, plus les femmes nous contactent. Elles nous connaissent mieux et viennent à notre rencontre. En Savoie, les chiffres parlent d’eux-mêmes : nous avons reçu 500 femmes cette année, mais il n’y a pas eu de féminicide en Savoie en 2021, contre 104 au niveau national. Il y a encore du travail, mais plus nous arriverons à nous connaître entre partenaires et acteurs locaux, plus vite nous apporterons des réponses.
De quels moyens disposez-vous globalement sur le territoire, actuellement et de quoi avez-vous besoin ?Le territoire dispose de quatre places d’urgence, via la Sasson, qui sont régulièrement saturées. Il y a également quelques places dans le dispositif d’éviction du conjoint violent, lequel doit être actionné par le parquet de Chambéry. Tous les acteurs associatifs ont besoin de moyens aujourd’hui, car si nous pouvons toujours écouter ces personnes, il y a des moments où nous ne disposons pas d’assez de réponses.
Le contrat local signé avec la ville, le parquet et la préfecture est donc plus que bienvenu…En effet, même s’il s’applique à l’ensemble des violences intra-familiales, c’est une partie de ce que nous faisons. D’année en année, il y a de plus en plus de femmes*** qui viennent nous consulter, parler, communiquer, restent les premières ressources que nous pouvons leur offrir «.

* Lors de la signature du contrat local d’engagement, le maire de Chambéry avait souligné que dans les violences au sein des couples touchaient à 82% les femmes
** « Les femmes, quelles qu’elles soient, où qu’elles soient doivent pouvoir se mettre en sécurité et bénéficier d’aide » avait affirmé l’élu. De nouvelles dispositions sont mises en place un peu partout en France, pour plus d’informations : Prévention et lutte contre les violences sexistes et sexuelles – Ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances (egalite-femmes-hommes.gouv.fr).
*** En 2019, 900 femmes ont été accueilles en Savoie par les différentes associations, en 2020 elles étaient 1100. Pour plus d’informations sur l’action de Savoie de Femme : SaVoie de femme – Dire non à la violence conjugale.

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