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Chambéry : emballement sans précédent autour des blessures d’une jeune collégienne de Notre-Dame du Rocher

Par Jérôme Bois • Publié le 19/12/21

On connaissait la capacité qu’ont les réseaux sociaux à générer un emballement populaire démesuré lorsqu’un fait suscitait assez d’émotion et d’indignation ; Chambéry en fait aujourd’hui les frais. Depuis les blessures d’une collégienne, le 15 décembre dernier, au collège Notre-Dame-du-Rocher, les jours qui ont suivi ont été un déferlement d’accusations – de harcèlement et de racisme – de condamnations, de dénonciations jusqu’à conduire à la mise sous protection de la justice du directeur de l’établissement. Entre la mère de la jeune fille et l’établissement, les narrations divergent fortement, au point de pousser le procureur de la République à interrompre ses vacances.

 

Un collège dans la tourmente

Un appel du collège pour signaler à une mère que sa fille est blessée et une divergence de taille sur la cause de ces blessures, lancé en direct sur les réseaux sociaux qui font déferler un rouleau compresseur sur une ville d’ordinaire bien tranquille. « Sale nègre » , « une enfant noire tabassée par des enfants blancs » , un harcèlement de longue date en raison de sa couleur de peau… Les réseaux se font la caisse de résonance de ce saisissant concert d’indignation qui détonne depuis quatre jours. Des journalistes, des animateurs partagent, retweetent, dénoncent un racisme systémique un peu partout, même au sein d’un établissement désormais voué aux gémonies, si l’on en croit les avis Google qui ne cessent d’affluer depuis deux jours. Le hashtag #justicepourAnnaChloé apparaît sur Twitter, les appels à manifester aussi, dont un rassemblement qui a d’ailleurs lieu ce dimanche Place de la République à Paris, d’où Madeleine Lunet a diffusé un direct et demandé aux internautes de le partager. Une pétition qu’elle a lancé a atteint son objectif avec 16 995 signatures, les dons affluent… La France a un goût de sang dans la bouche, ce 19 décembre au matin, parce qu’un puissant témoignage est venu, ces dernières heures, ébranler notre Landerneau. Celui de cette mère d’une jeune fille d’origine camerounaise, scolarisée au sein du collège Notre-Dame-du-Rocher à Chambéry.

« Depuis la rentrée, ma fille subit des violences racistes… »

Les faits remontent au mercredi 15 décembre, lorsqu’à 10h30, Madeleine reçoit un appel de la CPE indiquant qu’Anna-Chloé est blessée, les pompiers sont sur place pour la prendre en charge. Dès cet instant, les paroles des uns contrediront celle des autres. Sur place, d’après une source proche du dossier, un enseignant, formé aux premiers secours intervient, les secours interviennent, tout semble se dérouler selon le protocole.

Le premier message diffusé par la mère d’Anna-Chloé sur les réseaux.

Sauf que si l’établissement assure qu’il s’agissait d’une chute, la mère, Madeleine Mengue-Lunet, dénonce une agression à caractère raciste, dernier acte d’un harcèlement, selon elle, régulier que lui relate sa fille depuis la rentrée scolaire. Son témoignage fait froid dans le dos, la vidéo, diffusée sur les réseaux, montre une femme en colère, sûre de son fait mais aussi quelque peu agitée, comme trahie par ses émotions au demeurant bien compréhensibles. Elle harangue, demande justice et réparation, réclame des têtes, derrière, l’opinion populaire prend fait et cause pour elle. « Depuis la rentrée, elle subit des violences verbales racistes et même physiques. J’avais demandé à rencontrer les responsables d’établissement à plusieurs reprises et ils ne m’ont reçu que le jour où elle s’était défendu en rendant un coup qu’une camarade lui avait donné en la traitant de » Sale négre «, a-t-elle expliqué. » Arrivée à l’hôpital, lorsque les médecins ont enlevé le pansement que les pompiers avaient mis, j’ai vu trou sur le visage avec l’œil qui se voyait de l’extérieur« , poursuit-elle. » Quelques minutes [plus tard], elle est entrée au bloc opératoire et ça a duré 2h. Ensuite, on a fait un scanner et le résultat montre qu’elle avait aussi une fracture au nez. Le comble, c’est que je n’ai pas eu de soutien de l’école, ni un appel pour se soucier de comment elle allait. Ce matin (le 16 décembre, NDLR), je me suis rendue à l’école pour savoir ce qui s’était passé et s’il était possible de voir les caméras de surveillance dans la cour ; j’ai été froidement reçue par le chef d’établissement. Il m’a dit que ses caméras n’ont pas de sauvegarde des événements qui se sont passés hier. Je veux que justice soit faite pour ma petite Chloé. #jesuisunemere #JeSuisUneFemme Un visage endommagé à 11 ans seulement«.

Le Parquet de Chambéry s’est saisi du dossier

Sur les réseaux sociaux toujours, la mère affirme être allée en mairie de Chambéry afin d’y rencontrer le maire, en vain, puis en Préfecture qui lui a recommandé d’écrire un courrier. Apprenant par la suite que le principal du collège n’était autre qu’un élu de La Ravoire, elle a aussitôt divulgué l’information dans une vidéo du 17 décembre, en direct sur les réseaux « C’est pour cela que ça n’avance pas », expliquait-elle, « c’est parce que c’est un élu ! Un élu de la République, élu par le peuple, pour le protéger! » Celui-ci est, à l’heure actuelle selon son avocat, sous protection par des gendarmes devant son domicile. Des éléments que le directeur réfute par la voix de son avocat, Pierre Pérez. « Il y avait 200 personnes dans la cour, après la chute, la jeune fille a été prise en charge comme il se devait. Et lorsque la maman est arrivée, elle a réclamé de voir les vidéos des caméras qui sont aujourd’hui obsolètes et inexploitables. Il était impossible de discuter. Le directeur m’a assuré que jamais il n’avait été informé d’un quelconque harcèlement à caractère raciste. Par le passé, il avait eu à régler une situation de ce genre, il l’aurait fait de la même manière si ça avait été le cas. Il se dit intransigeant avec toute forme de harcèlement, comme il me l’a soutenu ». La maman avait déposé une plainte aussitôt les faits constatés conduisant à l’audition des enseignants du collège, dans la journée de vendredi, dernier jour de classe avant les vacances. L’établissement aurait, toujours selon son conseil, le soutien total des services départementaux de l’éducation nationale lequel a pris position officiellement le jour même. (Dasen)*. Ce que l’on sait, à ce jour, est que cinq personnes étaient sur place, lors de l’incident, quatre jeunes et un adulte. Tous ont affirmé aux autorités que la classe d’Anna-Chloé était déjà entrée en cours et que cette dernière, en retard, a couru vers le banc où se trouvait son sac, a glissé et son visage a violemment cogné l’assise du banc en métal. Un choc brutal qui aurait occasionné une incapacité temporaire totale de 10 jours. Souffrant d’une fracture du nez, son état nécessitera une opération prochaine.** Pour l’heure, Anna-Chloé n’a toujours pas été entendue par les services enquêteurs, et sa version devra nécessairement être confrontée aux informations que nous avons recueillies.*** Une enquête sur cet incident a été ouverte par le Procureur de la république de Chambéry, suite à la plainte déposée par la mère de la collégienne, mais pas uniquement ; en effet, nous indiquions qu’une autre étant également ouverte après des menaces de mort à l’encontre du proviseur, largement diffusées et partagées sur les réseaux sociaux, ce que Madeleine Mengue-Lunet conteste largement dans sa dernière vidéo : « Je ne veux pas, je le répète, de violence à l’encontre du chef d’établissement, ce que je veux c’est que justice soit faite pour Chloé, qu’on nous dise ce qui s’est passé, qu’on ne nous cache rien. », a-t-elle exprimé. Informée des derniers rebondissements qu’ont suscité ses précédentes vidéos, et alors qu’elle se rendait à Paris, Madeleine Mengue-Lunet, qui n’a jamais donné suite à nos demandes d’interviews, a semble-t-il perdu le contrôle sur l’ensemble de la situation, nous le verrons par la suite.

Des stars aux procureurs du dimanche

Le deuxième volet de cette sinistre histoire tient au fait que l’identité du proviseur a été révélée, une vindicte populaire s’est élevée et le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’y va pas avec subtilité : « C’est quoi l’orthographe exacte du nom de ce chef d’établissement ? Photo à l’appui, on lui fait sa fête ». « Si j’étais le père, j’irai envoyer 3 personnes à l’hôpital et dans le coma : je vais envoyer tous les responsables à l’hôpital y compris l’enseignant de mon enfant ». « Il refuse de montrer les vidéos, il est complice » … et ce ne sont que de rares exemples de la litanie de commentaires d’apprentis justiciers un peu trop zélés. C’est ce qui a motivé le conseil du proviseur à saisir le Parquet « Je pense que nous allons la poursuivre, elle joue clairement avec la vie de ce directeur, nous sortons d’un tragique précédent avec Samuel Paty » , a-t-il martelé. Et effectivement, c’est pour « dénonciation calomnieuse » que le chef d’établissement compte poursuivre Madeleine Mengue-Lunet. Dans une vidéo publiée le 20 décembre, cette dernière affirme toutefois n’avoir jamais jeté le nom du directeur d’établissement en pâture.****

Parallèlement, la magie des réseaux a également frappé de sa baguette de plus hautes personnalités, comme l’animateur Cyril Hanouna, tagué et interpellé par de nombreux internautes ainsi que par Madeleine elle-même – « J’ai pris connaissance de cette affaire, ce qui est arrivé à Anna-Chloé est juste inadmissible. Dès la rentrée, on va faire le maximum pour tenter de faire bouger les choses, on ne la lâchera pas elle et sa famille » a promptement tweeté l’animateur vedette de C8 -, ou encore Aïda Touihri : « Quelle indignité ! Honte à ceux qui savaient et qui n’ont rien fait. Plein soutien à la famille. Que justice soit faite ! » réclame la journaliste de RMC Story. Alizée ou encore Christophe Dechavanne se sont joints au cortège, une effervescence qui a sans doute aidé la cagnotte à croître. Destinée à permettre l’embauche d’un avocat et les frais médicaux, celle-ci doit atteindre la coquette somme de 30 000 euros… « Je ne viens pas sur Internet pour attiser la haine, je veux que justice soit faite parce que c’est mon enfant, c’est votre enfant c’est l’enfant de la Nation » , avait pourtant nuancé Madeleine Mengue-Lunet, dans une première vidéo, avant, dans un autre direct devant le collège où elle manifestait avec quelques personnes, d’afficher les photos du visage tuméfié de sa fille, précisant que sa fille avait été défigurée « parce qu’elle est noire » et que le personnel de l’établissement « préparait les enfants à dire qu’elle est tombée toute seule ». Dans la foulée, nous apprenions lundi 20 décembre que la mère d’Anna-Chloé, qui avait au préalable contracté un premier avocat – Yann Le Bras – l’a finalement dessaisi au profit de Maître Fabien Ndoumou, avocat au barreau de Paris.  Ce dernier tiendra un point presse le 21 décembre à Paris en présence de Madeleine Lunet.En réalité, à l’heure actuelle, deux thèses s’opposent toujours sur les blessures assez effrayantes dont a été victime Anna-Chloé, auxquelles s’ajoute la protection policière d’un chef d’établissement scolaire. Et c’est dans ce vacarme assourdissant que la justice va devoir, sereinement, démêler le vrai du faux, et donner une réponse judiciaire à l’origine des blessures de la jeune collégienne.

* Le ministère de l’Education a sollicité l’académie de Grenoble pour ouvrir une enquête sur cette tortueuse affaire. Selon Madeleine Lunet, cette dernière lui aurait assuré son plein soutien pour l’épanouissement de sa fille et pour qu’elle puisse obtenir tous les cours manquants.

 

** Dans une nouvelle vidéo, publiée le 20 décembre sur sa page Facebook (la mère n’ayant toujours pas donné suite à nos demandes) celle-ci donne des nouvelles de sa fille « Anna-Chloé arrive à dormir, mais elle a une gêne du côté de sa blessure. Elle a du mal à reconnaître les couleurs nous avons donc rendez-vous avec un ophtalmologiste à Chambéry dans les jours qui viennent. » a-t-elle déclaré.

 

*** Dans la vidéo du 20 décembre, Madeleine Lunet présente ses excuses aux enquêteurs pour n’avoir pas pu se présenter au commissariat étant toujours à Paris « le rendez-vous avec mon avocat a duré plus longtemps que prévu », s’excuse-t-elle, « je n’ai pas pu revenir sur Chambéry, je vous présente mes excuses Messieurs les policiers. En entendant ce qu’avait dit le Procureur de la République, j’ai pensé que l’affaire était bouclée, alors j’ai voulu voir ce qu’il fallait faire avec mon avocat. »

 

**** Dans cette vidéo, publiée en direct et accessible sur la page Facebook de la mère, à 1:15‘, le nom du proviseur est dévoilé.

Tous les commentaires

9 commentaires

Unknown

19/12/2021 à 08:39

oui sa mère a raison on vie dans un monde de merde

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Unknown

19/12/2021 à 08:49

on s'en prend pas a un enfant qu'il soit jaune vert ou rouge car pour moi personne est blanc . il y a plus aucun respect ou que ce soi

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Unknown

20/12/2021 à 16:40

Le racisme est contre Dieu.

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ellyre

21/12/2021 à 02:19

Quelle impartialité! C'est extraordinaire comme seule la version de la mère est prise en compte! Le fait que le chef d'établissement soit vraiment quelqu'un de bien,intègre et qui se bat, entre autre, contre le harcèlement et les discriminations, n'est pas assez sensationnel, je suppose ! Les professeurs et les élèves présents, témoins des faits, sont nécessairement des menteurs alors que la femme qui brandit la photo dramatique de cette pauvre petite, en faisant des commentaires tels que: "J'ai Halloween à la maison!" a nécessairement raison ! Franchement, quelle mère dans ces circonstances irait à Paris organiser une manif plutôt qu'être au chevet de son enfant? Ça ne vous parait pas suspect ?

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LC

21/12/2021 à 03:44

Bonjour, nous pensons que vous n'avez pas lu correctement l'article qui se garde de tout parti pris et qui ne fait que reprendre les faits connus jusqu'ici. Nous n'irons ni hurler avec les loups, ni vers le sensationnel. Seuls les faits nous importent et l'enquête nous dira assez tôt ce qu'il en est exactement.

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pouet

01/01/2022 à 17:44

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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pouet

01/01/2022 à 17:46

il est assez evident que la mere ment, et crie au racisme (dans la plus pure tradition). Les idiots de service sont "woke" et prets a foncer, d'ailleurs ils ont deja remplis la cagnotte pour les "frais" (imaginaires). SOS racuisme est dans les starting blocks.

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pouet

01/01/2022 à 17:53

Je vous prie de bien vouloir annuler vos participations Leetchi 🙏🏾🙏🏾🙏🏾Car ils veulent verser la totalité pour les frais…

Publiée par KM-Fécondité Divine sur Jeudi 23 décembre 2021

Hahaha, le comentaire de la mere. Et voila, La messe est dite. Donc finalement la cagnotte n'etait pas pour payer les "frais", puisque cela lui pose probleme que lychee veuille verser les fonds a l'avocat. Chassez le naturel...

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pouet

01/01/2022 à 18:07

Je vous prie de bien vouloir annuler vos participations Leetchi 🙏🏾🙏🏾🙏🏾Car ils veulent verser la totalité pour les frais d’honoraires directement à l’avocat.Alors que vos participations étaient aussi pour gérer le psychologue,la chirurgie esthétique,les frais de déplacements,des petits Cadeaux pour Faire plaisir à Anna-Chloe… Pour Ceux qui souhaite soutenir la cause Anna-Chloe vous pouvez le faire ici 👇🏽👇🏽 paypal.me/Justicepourchloe

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