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La Ravoire : pourquoi l’aire de grand passage des gens du voyage est-elle toujours là ?
Par Jérôme Bois • Publié le 10/12/21
Jeudi 9 décembre, à Saint-Alban-Leysse, les élus communautaire ont eu, à l’occasion de la dernière assemblée de l’année, à voter les tarifs 2022 pour l’aire d’accueil de la Boisse, les terrains familiaux et l’aire de grand passage de La Ravoire. L’opportunité pour Alexandre Gennaro de rappeler que sur sa commune, cette aire ne devait être que provisoire et que bientôt 7 ans plus tard, le provisoire semble devenu pérenne. Et que cela engendre quelques problématiques, comme l’accès à ce site, par la voie verte… interdite de fait aux véhicules motorisés. Les solutions manquent et l’impatience gagne.
Un peu d’histoire, récente, pour commencer. Il faut revenir à l’été 2015, lorsque fut inaugurée l’aire de grand passage devant accueillir les groupes itinérants, à La Ravoire. Un projet d’aménagement avait été mené pendant un an, pour parvenir à ce résultat qui ne devait être que provisoire, « sur cinq ans » , avait même précisé Xavier Dullin, alors président de Chambéry Métropole. Pour la collectivité, il s’agissait d’un impératif au motif qu’elle n’était pas dans les clous, d’un point de vue légal*. Il avait fallu la pleine coopération des services de l’Etat, à l’époque conduits en Savoie par le préfet Eric Jalon, des maires Patrick Mignola (La Ravoire), Jean-Marc Léoutre (Saint-Jeoire-Prieuré) et Christophe Richel (Saint-Baldoph), des élus de l’agglo et des agriculteurs locaux, qui avaient accepté de céder leurs terres. En trois mois seulement, l’espace avait pu être aménagé par l’agglomération – dont c’est la compétence – à la grande satisfaction de tous. L’enjeu, au-delà de celui consistant à se mettre en règle avec la législation, était de prévenir les implantations illicites, qui émaillent, chaque été, la vie des communes. Cette aire située le long de la voie rapide urbaine, à proximité de la sortie 20 (Saint-Baldoph – Challes-les-Eaux), inaugurée le 11 juillet 2015, peut accueillir à ce jour une centaine de caravanes et est ouverte du 1er mai au 30 septembre.
Du provisoire durable
Seulement, 6 ans plus tard, cette aire est toujours là et le provisoire s’éternise, ce que n’a pas manqué de faire savoir Alexandre Gennaro en séance, jeudi 9 décembre. « En avril 2015, le président de l’époque et le préfet Jalon avaient répondu à toutes les interrogations portant sur l’implantation de cette aire sur La Ravoire. Jusqu’ici, on ne respectait pas la loi, Patrick Mignola avait alors proposé de l’accueillir sur notre commune. Ce qui était prévu, c’est que ce terrain ne devait pas être équipé pour qu’il soit pérenne. Cela fait 6 ans maintenant ». Le problème véritable réside dans l’accès à cette aire, « par la voie verte, interdite aux véhicules à moteur » précisait le maire ravoirien. « On peut accueillir environ cent caravanes avec souvent, deux véhicules par famille ». En sa qualité de premier officier de police administrative et générale de la commune, il ne s’interdit donc pas… d’interdire « le passage par la voie verte aux véhicules non autorisés. L’été 2022 arrive bientôt, il faut faire preuve de diplomatie mais je ne peux en aucun cas laisser perdurer cette situation ». Pour mémoire, La Ravoire dispose déjà de deux terrains familiaux, « plutôt compliqués à gérer, surtout un » et Alexandre Gennaro appelait de ses vœux « des moyens supplémentaires pour accueillir ces gens dans des conditions décentes ». Chambéry Métropole avait insisté sur ce point, dans le dossier de présentation du projet datant du 9 avril 2015, « l’aménagement de l’aire de grand passage est provisoire pour une durée maximale de 5 ans et non-renouvelable. Cette durée comprend d’ailleurs les délais de remise en état du terrain ». Parallèlement, l’agglo prévoyait « l’aménagement d’un dispositif pérenne, permettant ainsi de restituer le terrain agricole à ses propriétaires. L’élément décisif pour identifier ce prochain aménagement dépend de l’élaboration du SCOT par Métropole Savoie ». Mais rien n’est venu.
Un schéma d’accueil 2019 – 2025 mal perçu
Il faut se souvenir que le 26 septembre 2019, Grand Chambéry avait voté le projet de schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage, portant sur la période 2019 – 2025 et qu’à l’époque, Frédéric Bret, le maire – tout comme les élus ravoiriens et de Saint-Baldoph – s’était déjà élevé contre cette situation. Et pointait les nuisances occasionnées pour les riverains (bruits, problèmes de salubrité, incivilités). Du reste, lors du conseil municipal du 16 septembre 2019, soit 10 jours avant, ce point avait généré un débat animé en séance. Gérard Blanc, alors dans l’opposition, fit remarquer que la mention « provisoire » avait progressivement disparu du projet de schéma. Frédéric Bret indiqua que « comme le démontre ce nouveau projet, la présence de l’aire est imposée à la commune encore au moins pour 5 ans. Il est certain que la collectivité doit refuser la pérennisation de cette aire à cet endroit puisqu’elle était provisoire. La nouvelle réglementation** rebat encore les cartes car il faut pouvoir trouver un terrain de 4 hectares d’un seul tenant, d’autant que si la communauté d’agglomération n’est pas en conformité avec le schéma d’accueil, il sera très difficile de faire accélérer les procédures d’expulsion pour occupation illicite des terrains par les gens du voyage ». Ce schéma*** prévoira toutefois le maintien de cette aire sur la commune, jusqu’à qu’une solution soit trouvée, au grand dam des élus locaux. «Je suis d’accord avec M. Gennaro mais il nous faut trouver un autre terrain avec une superficie comparable » , se justifiait Brigitte Bochaton, vice-présidente en charge des ressources humaines et des gens du voyage, le 9 décembre, « ce n’est pas faute d’avoir cherché et il faut reconnaître que cette aire nous dépanne bien ». L’élue révélait ne disposer que d’un budget d’investissement d’1,5 million d’euros pour l’ensemble des espaces d’accueil, les recherches de nouveaux terrains se poursuivant. « On ne cesse d’en chercher » , abonda Philippe Gamen, président de l’assemblée. Christophe Richel, maire de Saint-Baldoph et directement concerné par cette aire, rappela que « pour la première fois cet été, le terrain de foot que l’on pensait inabordable a été pris par les gens du voyage ». Les discussions avec Cœur de Savoie se poursuivent donc, en vue de tenter de trouver une solution pour à la fois soulager La Ravoire et surtout, pour se mettre en conformité avec les dispositions légales toujours plus contraignantes pour les communes. Mais trouver un terrain disponible, éloigné des habitations, proche de la VRU et facilement aménageable n’est vraiment pas chose aisée.
* La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, dite Besson, rend obligatoire la réalisation d’un schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage dans chaque département. Ce schéma, révisable tous les 6 ans, constitue la base de la politique d’accueil et d’habitat concernant les gens du voyage. Ce schéma « fixe des secteurs géographiques où les communes doivent réaliser des aires permanentes d’accueil, des terrains familiaux locatifs et des aires de grand passage. Celui-ci intègre obligatoirement les communes de plus de 5 000 habitants, lesquelles doivent disposer d’aires ou de terrains adaptés sur leur territoire, ou contribuer financièrement à la réalisation de tels espaces sur le territoire d’autres communes » .
** Suite au décret du 5 mars 2019, la surface d’une aire de grand passage est obligatoirement d’au moins 4 hectares, celle de La Ravoire n’en fait que deux.
*** Grand Chambéry dispose à ce jour de dix terrains familiaux répartis sur 6 communes (Barberaz, Chambéry, Cognin, La Motte-Servolex, La Ravoire et Saint-Alban-Leysse), d’une aire de grand passage, pour une halte de 8 à 10 jours, et d’une aire d’accueil, pour les itinérants ne stationnant pas plus de trois mois par an.
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