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Marché de Noël de Chambéry, une ouverture dans la douleur
Par Jérôme Bois • Publié le 07/12/21
Il devait symboliser la joie et la simplicité, la convivialité et le partage, il n’est plus sujet qu’à quolibets voire à polémique. Lundi 6 décembre, la pose de barrières métalliques a eu le don de remonter les artisans comme des coucous, leur réaction fut immédiate. Trop sans doute, puisque ces éléments de sécurité répondaient à une directive d’Etat. Mais cet épisode a mis le doigt sur un agacement palpable autant chez les créateurs – artisans que chez les passants : ce marché ne répond pas aux attentes.
Ouvert le 4 décembre sous une pluie qui semble n’avoir jamais cessé de tomber depuis… Un marché de Noël artisanal et créatif, voici ce que devait être l’événement de la fin d’année à Chambéry, place Saint-Léger. Seulement, les premières griffures n’ont pas attendu son inauguration, Aloïs Chassot avait évoqué bien en amont sa crainte de voir ce marché réduit à sa plus simple expression – 25 chalets, plus de scène musicale, peu d’animations. L’épisode – malheureux – du 6 décembre aura apporté de l’eau à son moulin, lui qui reproche à cette majorité d’avoir mis de côté toute forme d’événement populaire depuis sa prise de fonction en juillet 2020.
Les barrières du désaccord
Que s’est-il passé ce fameux 6 décembre ? Un coup de force, selon les commerçants, en même temps qu’un coup de poignard dans le dos, la pose de barrières dites « vauban », qui encadrent ordinairement toute sorte de manifestations. La cause ? Les manifestations, justement, d’antipass et d’antivax du samedi précédent, rendez-vous hebdomadaire des artères chambériennes ; les potelets avec les rubans devant encadrer le marché de Noël pour répondre aux préconisations de l’Etat en matière de sécurité avaient été arrachés. « Chambéry est une ville attractive, chaque samedi, les gens manifestent. Samedi, ils ont fait sauter ces potelets et les rubans » , explique Raphaëlle Mouric, adjointe en charge du commerce, « c’est vraiment dommage qu’une poignée de gens bousille le travail des artisans alors lundi matin, il nous a fallu poser en urgence des barrières métalliques, ce qui a fait râler ». A tel point qu’à midi, les commerçants présents dans les chalets décidèrent de faire grève, tout simplement. Une colère justifiée par le sentiment de se retrouver parqués et sans concertation préalable. « A 16h, ils ont rouvert, voyant qu’il y avait du passage, place Saint-Léger » , poursuit l’adjointe.Le soir, en mairie, s’est tenue une réunion entre le maire, Thierry Repentin, les services de l’Etat, Raphaëlle Mouric et Ludovic Goupil, de Créa Savoie, organisateur attitré de cette édition, réunion qui a confirmé que « ceindre le marché de Noël est une obligation, nous avons donc remis des potelets » , confie l’adjointe, tout en admettant que la pose des barrières « vauban » a sans doute manqué d’un peu de concertation. La réaction fut sans appel, « ils ont tout de suite mis le feu, ça a été contre-productif, je trouve, pour l’image du marché » , nuance-t-elle. Rappelons que lundi soir, le premier ministre Jean Castex appelait à lever le pied sur les rassemblements festifs et que les protocoles sanitaires allaient être renforcés dans les manifestations populaires telles que les marchés de Noël, en raison de la recrudescence des contaminations. Une incompréhension, au final, qui aurait pu ne pas tourner au règlement de comptes et qui a même fini par se tasser assez vite, in fine.
Créa Savoie avait répondu à l’appel d’offre mais…
Sauf que se pose en parallèle la question de la taille, de la vigueur de ce marché, raillé pour sa petitesse, pour le faible nombre d’animations, pour le peu de décorations… « Un marché de Noël sans décorations, sans sapin, sans animation, sans féerie, sans communication, sans lumière, sans magie » , pointait Aloïs Chassot, lundi après-midi, sur Facebook. Et sur ce point, Raphaëlle Mouric admet qu’une erreur a été commise. « On a lancé un appel à projets pour l’organisation du marché, l’association Créa Savoie a répondu. Cela devait inclure la décoration et les animations, ça n’a pas été fait, ils sont débordés car ce n’est pas leur cœur de métier ». Cette association assure d’ordinaire la promotion de la création et du fait main en Savoie, « elle nous avait aidé à faire le marché de Noël de l’année dernière que nous avons été parmi les seuls à maintenir, en France » , se souvient l’adjointe, « nous trouvions bien de les faire revenir ».
Les marchés de créateurs mensuels et le marché du fait main sont leurs bébés, le marché de Noël était d’une toute autre envergure. « Je pense qu’ils n’avaient pas mesuré ce que cela impliquait et nous, nous nous sommes fourvoyés en estimant mal leur capacité à gérer un tel événement » * « On ne tient pas à être tenus responsables de ce qui n’a pas été fait », poursuit-elle, « mais on ne veut pas non plus leur briser les genoux, nous ne leur en voulons pas ». Un début d’amende honorable envers une association qui, effectivement, n’a pas vocation à assumer pareille logistique. « L’an passé, nous avions été mandatés pour sélectionner les artisans et producteurs qui composeraient le marché de Noël » , détaille Ludovic Goupil, en charge de l’organisation pour Créa Savoie, laquelle était partenaire mais ne s’imaginait pas devenir chef d’orchestre. « Cette année, on s’y est pris tard, à partir d’octobre seulement nous avons pu commencer à travailler, là où il faudrait démarrer en janvier. Et on a eu des obligations élargies, ce n’était pas forcément notre demande, cela faisait beaucoup alors que nous ne sommes qu’une association, nous voulions juste avoir à trouver des artisans ». En tout cas, il assure que les animations ne revenaient pas à l’association mais bien à la ville, contrairement à ce que pu dire Raphaëlle Mouric. La date limite de réception des offres (l’appel avait été lancé le 6 août) était fixée au 13 septembre, Créa Savoie n’a donc pu s’y mettre qu’en octobre, ce qui a été problématique à plus d’un titre, « les chalets sont trop petits mais c’est tout ce qu’il restait à cet instant au prestataire » , se justifie Ludovic Goupil. Comment en sont-ils arrivés à avoir ce dossier entre les mains, alors ? « Nous étions les seuls à avoir répondu à l’appel » , tranche cet artisan joaillier, lui-même présent sur le marché de Noël. S’ensuivront des nuits d’insomnies, de la fatigue, une lassitude qui lui fait attendre le 24 décembre avec impatience, quand tout cela sera terminé. « Nous n’aurions pas dû répondre à l’appel d’offre, nous ne sommes que deux, bénévoles de surcroît, avec un métier à côté, on a fait ce qu’on a pu, avec la meilleure volonté du monde et je suis navré de tout ça. Ça a été dur, franchement, j’y ai laissé trop de plumes ».Mais c’est promis, la mairie est d’ores et déjà en contact avec des professionnels pour l’édition 2022 que l’on souhaite tous plus chaleureuse. Et moins polémique.
* Créa Savoie disposait d’une enveloppe de 35 000 euros pour tout mettre en œuvre (gardiennage du soir, éclairage, un vigile pour le pass sanitaire, distribution électrique et sonorisation).
Le marché de Noël a ouvert le 4 décembre et se clôturera le 24.
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1 commentaire
paul
07/12/2021 à 13:46
Raphaëlle Mouric admet qu'une erreur a été commise...On ne tient pas à être tenus responsables de ce qui n'a pas été fait"...mais on ne veut pas non plus leur briser les genoux.
SYMPA !!!