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Collège Notre-Dame du Rocher : après avoir enflammé les réseaux sociaux, l’affaire Anna-Chloé en direct chez Hanouna…
Par Jérôme Bois • Publié le 03/01/22
Ne nous y trompons pas, l’affaire qui a secoué le petit monde chambérien depuis la mi-décembre n’a pas connu de trêve, durant ces quinze jours de vacances. De nombreux éléments, parfois infimes, sont venus alourdir un dossier déjà bien chargé pour aboutir, lundi 3 janvier, à la présence de Madeleine Mengue-Lunet et de sa fille, Anna-Chloé, sur le plateau de « Touche pas à mon post ». Cela est devenu coutumier ces dix dernières années, la justice se rend d’abord sur les réseaux sociaux mais aussi en direct à la télé. Alors que l’enquête officielle, qui se poursuit en coulisses, n’a pas encore tout révélé.
Est-il encore nécessaire de rappeler les faits, tant ils ont été commentés, hypertrophiés et souvent mal digérés ? La petite Anna-Chloé, 11 ans, collégienne inscrite jusqu’alors à Notre-Dame du Rocher, victime d’un accident suffisamment violent pour la laisser dévisagée, une mère en panique – certains témoins diront hystérique – qui débarque en force dans l’établissement criant au harcèlement et au racisme, une communauté qui prend fait et cause pour la mère dont les appels à la justice enflamment les réseaux sociaux, un chef d’établissement qui passera les fêtes sous protection policière parce que visé par des menaces de mort, un établissement voué aux gémonies, des stars et personnalités publiques qui s’emparent – au mieux maladroitement mais principalement de façon incompréhensible – d’une affaire dont ils n’ont ni tenants ni aboutissants, des pétitions, un appel à Jean-Michel Blanquer, des cagnottes, des invectives, des plaintes… Un grand show devenu médiatique avant même d’être judiciaire, dont le point d’orgue a été la venue de la mère et de sa fille sur le plateau de « Touche pas à mon poste », lundi 3 janvier. Ou quand la justice se rend sur les plateaux, ou quand des animateurs s’improvisent juges et parties (voire bourreaux), ou quand le public choisit de faire rendre gorge ou de rendre grâce avant même de connaître les éléments qui constituent cette troublante affaire.
Une nouvelle plainte contre… Anna-Chloé
Nous pouvions espérer envisager une accalmie durant les dix derniers jours de l’année, il n’en a rien été tant les menaces n’ont pas cessé. Contre l’établissement, pour commencer, contre son directeur, conduisant maître Pierre Pérez à déposer plainte, le 21 décembre contre Madeleine Mengue-Lunet et les auteurs des menaces de mort, pour « incitation à la violence et à la haine ». Suite à quoi, le procureur Pierre-Yves Michaud désignera le service régional de police judiciaire (SRPJ) pour s’emparer de l’enquête. De nombreux collégiens doivent encore être entendus, nous a-t-on expliqué, sachant que les premiers témoins ont affirmé que la petite n’a pas été poussée ce fameux 15 décembre, comme elle le prétend, mais qu’elle aurait chuté seule, contre un banc, occasionnant de terribles contusions au visage. Pour mémoire, ce jour-là, à 10h30, Madeleine reçoit un appel de la CPE indiquant qu’Anna-Chloé est blessée, les pompiers sont déjà sur place pour la prendre en charge après l’intervention rapide du surveillant et d’un professeur formé aux premiers secours. Tout semble alors s’être déroulé selon le protocole. Dans sa plainte initiale, ni la mère, ni même la petite n’ont été en mesure de dire si cette dernière avait été poussée, encore moins par qui, a-t-on appris d’une source proche du dossier. Pourtant, depuis la révélation des faits par la mère elle-même sur les réseaux, ce fut l’escalade, du tweet inconsidéré de l’animateur en chef de TPMP aux multiples vidéos postées par Madeleine (lire notre article du 19 décembre) dénonçant du harcèlement lié à ses origines camerounaises et à son poids. Jusqu’à ces « snaps » de la jeune fille dans lesquels elle menace ouvertement une autre collégienne : « Salut les gars, passez une bonne journée et X, oui, X, si je vois que tu as regardé mon snap, t’es morte. Continue à lire et tu verras ». Un « snap » posté le 20 ou 21 décembre puisque figurant dans les éléments à charge constituant la plainte déposée par maître Pérez. Mais ce message n’était pas le seul puisqu’un autre du même acabit visait la même jeune fille : « Merci à tous et toutes du fond du cœur, je vous remercie pour le soutien et le ou la pute qui a fait ça, je vais la démonter en commençant par X ». Les parents ont, selon l’avocat, déposé plainte contre Anna-Chloé. « Aujourd’hui » , assure Pierre Pérez, « l’établissement continue de recevoir des menaces, je compte me constituer partie civile pour les membres du personnel qui vivent très mal cette situation ».
Le grand « mediatic circus »
Lundi 3 janvier, Madeleine et Anna-Chloé étaient en direct sur TPMP. Un tout premier plateau pour elles. Occasion – sans contradicteur, précisons-le puisque le collège, via maître Pérez, doit être reçu le lendemain – d’alimenter la thèse du harcèlement et du racisme systémique que la jeune fille subirait depuis la rentrée. « Si c’est une affaire de racisme » , confiera l’animateur vedette de C8, « il faut le dénoncer ». Un conditionnel dont il ne s’embarrassa étrangement guère lorsqu’il se fit fort de dénoncer ce qu’a vécu Anna-Chloé, dans un tweet sans appel trois jours après les faits (« J’ai pris connaissance de cette affaire, ce qui est arrivé à Anna-Chloé est juste inadmissible. Dès la rentrée, nous ferons le maximum pour tenter de faire bouger les choses. on ne la lâchera pas, elle et sa famille » ). De nombreuses personnalités avaient également, dans un ballet indécent, relayé le paragraphe d’une mère désormais engagée dans un combat pour la justice alors que l’enquête n’en était qu’à ses balbutiements. « Ce que je peux dire, c’est qu’Anna-Chloé a subi des violences, des harcèlements, je peux le dire, j’en suis sûr et certain » , se lâchera Cyril Hanouna à l’antenne, ému par les mots de la jeune fille prononcés par sa mère. Des certitudes qui restent à déterminer, mais encore une fois, on est en direct…
Avec aplomb, la fillette détailla ce qui lui était arrivé ce 15 décembre. « Je discutais avec des camarades d’un projet que nous devions faire, lorsqu’un garçon de ma classe m’a frappé, deux fois, sur le bras. Il a dit » sale pute «. Ça m’a énervé, j’ai failli lui rendre mais je me suis souvenue de ce que m’a dit ma mère, d’aller voir un adulte. Je me suis faufilée, des mains m’ont poussé et je suis tombée la tête la première ». Selon l’animateur, l’établissement s’était défendu en évoquant une chute dans un escalier. « Même la justice a dit que vous étiez en tort, vous êtes abandonnée de tous, clamera avec empathie Gilles Verdez, chroniqueur régulier. Et votre fille n’a pas été entendue par la justice » , s’étonna-t-il. Si, le 22 décembre. « Il vous est reproché d’avoir communiqué l’adresse du chef d’établissement aujourd’hui menacé de mort » , interrogea Cyril Hanouna. « L’adresse, c’est des chiffres, des noms, des numéros. Il est élu, à La Ravoire, je n’ai jamais donné son adresse » , rétorqua Madeleine Mengue-Lunet. Avec un nom et une ville, les pages jaunes suffisent, en effet.
Les règles du « je »
Il a fallu attendre 20 minutes avant l’intervention – enfin – contradictoire d’Isabelle Morini-Bosc, journaliste de profession, habituée de Chambéry et des Savoie. « L’affaire n’est peut-être pas aussi nette que cela. De nombreux amis journalistes ont rapidement pris position en votre faveur sur ce sujet avant de se rendre compte que ce n’était pas aussi simple… Par ailleurs, les caméras du collège ne marchaient pas depuis de nombreuses années. Et il semble que la scène ait eu lieu dans un angle mort » … La mère avait en effet affirmé avoir déposé plainte après avoir appris que les images des caméras n’étaient pas consultables, du fait de la vétusté des appareils. Anna-Chloé conclura cet étrange manège par sa volonté de changer d’établissement, son envie de ne plus retourner à l’école, ce qui semble bien compréhensible. Dans son texte, lu par sa mère, elle demandait à vivre normalement, s’imaginant d’abord devenir biologiste avant de bifurquer ces derniers jours vers le métier d’avocat, pour se battre contre toutes les formes de persécutions comparables à celles qu’elle soutient subir depuis de longs mois. Fermez le ban.
Dans une vidéo en date du 27 décembre, Madeleine Mengue-Lunet, sans montrer son visage, le ton affligé, annonça vouloir s’éloigner un temps des réseaux sociaux et de ce grand « mediatic circus ». « J’ai besoin de me retirer un peu, de me concentrer sur Anna-Chloé. Mais je n’ai pas l’intention d’abandonner, je me battrai, je veux protéger ma progéniture (…) Je veux prendre du recul, j’ai besoin de me retrouver. Quand il y aura du nouveau, je ferai un message. Dans le cadre de mon problème, je veux aussi remercier les gens. J’ai remis le problème entre les mains de la justice, je me retire des réseaux sociaux pour ma santé mentale et celle d’Anna-Chloé ». Un monologue d’une quinzaine de minutes dans lequel il ne fut finalement question… que d’elle-même. Qu’à cela ne tienne, elle retrouvera le chemin des réseaux trois jours plus tard pour partager une nouvelle vidéo, puis une pétition dans laquelle elle en appelle à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, une photo, des posts dont une photo de sa fille avec leur avocat, Fabien Ndoumou – qui n’a pour le moment pas donné suite à notre demande d’entretien- et bien sûr, cette rentrée en fanfare sur C8…Place, dès demain soir, à la défense… alors que l’enquête, toujours en cours, n’a de facto toujours pas été audiencée… Parce que le show lui, ne s’arrête jamais.
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