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Patrick Mignola : « Mon souhait, que l’on retrouve le sens du débat démocratique »

Par Jérôme Bois • Publié le 08/01/22

Dans ses vœux aux Savoyards, le député de la 4e circonscription et président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, Patrick Mignola, a exprimé son souhait de voir le climat général s’apaiser alors que l’année 2022, faite de polémiques hypertrophiées par l’imminence de la campagne présidentielle, a démarré sur les chapeaux de roue. La démocratie en France « ne fonctionne pas bien », a-t-il entamé. Et cette campagne, tout juste adolescente, ne risque pas d’atténuer ce sentiment. 

Des vœux courts, forcément contraints, en visioconférence, entre deux soucis de connexion comme pour mieux symboliser la friture sur la ligne entre politiques et Français, c’est ce à quoi Patrick Mignola a dû consentir, samedi 8 janvier. 50 minutes à peine, durant lesquels le député savoyard a martelé son inquiétude devant le mauvais fonctionnement de la démocratie ici-bas. Ses pensées allèrent également vers les enjeux de cette année, vampirisée certes par le débat présidentiel, mais jalonnée de nombreuses lois promises au vote d’ici au 28 février, date de la fermeture de l’Assemblée nationale.Et puis, du Covid à la petite phrase d’Emmanuel Macron, chaque polémique est l’opportunité de rompre un peu plus les digues du respectable, le débat démocratique s’en ressent, en témoigne l’âpre négociation autour du passe vaccinal, cette semaine. En somme, il y avait du grain à moudre même si Patrick Mignola a habilement évité l’écueil de la campagne présidentielle, déjà nauséabonde.

« Contraindre, ça n’empêche pas de convaincre »

Le pays ne va pas bien, c’est un fait. La crise sanitaire s’étire de tout son long et chaque jour draine sa petite polémique, d’où le flot ininterrompu d’indignations. « Par exemple, je regardais hier soir le 20 heures de France 2, Ursula Von der Leyen étant en France. Une seule question est ressortie de ce reportage, sur la petite phrase d’Emmanuel Macron » , « les non vaccinés, j’ai très envie de les emmerder » , prononcée au cours d’une longue interview de 6 pages donnée au Parisien, mardi 4 janvier. La présidente de la commission européenne depuis 2019 avait sans doute mieux à dire que confier son opinion sur le sujet qui agite le pays depuis trois jours, sans doute même a-t-il été question de tout autre chose, durant cette rencontre avec le président français, on n’en saura guère plus. « Dans le deuxième reportage autour de cette rencontre » , poursuit Patrick Mignola, « il était question de Simone Veil, ce que je peux comprendre, et du Panthéon, puis plus rien ». La France qui prend la présidence de l’Union européenne pour les six mois à venir ? « Ce qui va être fait dans les six prochains mois ? » Rien du tout. « L’Europe n’intéresse personne mais comme personne n’en parle, c’est dur d’intéresser qui que ce soit à l’Europe. On tourne à vide et on ne va plus au plus profond des choses ». Et en découlent agressivité, violences, invectives, qui bien souvent partent d’en haut… D’où la référence aux menaces de mort émises sur Twitter à l’encontre de plusieurs députés de la majorité qui se sont hasardés à voter en faveur du passe vaccinal, « on en a oublié toute notion de démocratie et de débat démocratique. Mon souhait collectif est que l’on retrouve un sens du débat démocratique et nous aurons l’occasion de le faire ». A deux reprises, pendant les fêtes, sa permanence avait été visée par des tags antisémites, les 24 et 30 décembre.Le pas vers la crise sanitaire était franchi et le vote de cette semaine, visant à transformer le passe sanitaire en passe vaccinal – dont l’entrée en vigueur est souhaitée pour le 15 janvier – a fait couler autant d’encre qu’il a généré de discorde chez les députés. « On veut offrir aux gens la vie sociale la plus large possible sur la base d’une vaccination qui, au fond, est notre meilleure arme, il a fallu trois nuits de débats » , rembobinait Patrick Mignola. « Je fais la différence entre les antivax adémocratiques, hurlants et hargneux et ceux qui ont des hésitations sincères et légitimes. C’est tout le travail de conviction que nous avons à faire. Contraindre, ça n’empêche pas de convaincre ». Au 1er jour depuis le vote, 66 000 Français se sont fait vacciner, 59 000 au 2e jour.

« C’est un PIB plus fort qu’il nous faut »

Deuxième axe de son propos, la présidence française de l’Union européenne, dont les objectifs fixés sont le plan de relance de l’économie (de la relocalisation industrielle à sa décarbonation en passant par l’investissement dans les nouveaux métiers), la fiscalité et la « juste imposition des grandes entreprises » et la mise en place d’un revenu minimum. Autre sujet d’envergure européenne, le Lyon-Turin, dont les accès seront enfin connus à la fin du mois*. « J’ai pris position pour le scenario du fret et, dans une deuxième phase, pour une ligne voyageurs. L’enjeu est dans le fret pour le quotidien des Savoyards. Enlever des trains de fret améliorera les lignes TER, notamment en prévision d’un système pendulaire de Montmélian à Aix-les-Bains ». Il évoquait ces chiffres, 40 millions de marchandises qui transitent chaque année par les Alpes, seulement 5 millions sur des rails…Restait à évoquer les perspectives pour juillet, soit après les élections législatives. « Deux ans de Covid ont montré que nous étions fragiles mais que nous étions aussi une société solide et solidaire » , a expliqué le député, non sans égratigner un protocole scolaire « pas satisfaisant » , modifié deux fois en quatre jours. « Cependant, les services publics de notre pays, alors qu’on n’a de cesse de railler les fonctionnaires, ont tenu. L’idée est de retrouver désormais et quel que soit le résultat des élections à venir, une économie à vrai niveau de croissance. Depuis 4 ou 5 ans, nous sommes en sous-croissance, ce n’est pas ce qui permet de faire vivre notre modèle social » , et d’injecter davantage dans les secteurs piliers du pays, la santé, l’école, la justice / sécurité. « Quand on se dit » , poursuit Patrick Mignola, « qu’il y a trop de dépenses publiques par rapport au PIB, ce n’est pas normal. C’est un PIB plus fort qu’il nous faut, pas la baisse des dépenses ». En ligne de mire, un meilleur pouvoir d’achat et de quoi nourrir ces fameux piliers, « ceux qui ont permis de passer la crise ». Pour conclure, il ne pouvait pas ne pas être question de la « phrase » d’Emmanuel Macron, celle qui braque les antivax, les non-vaccinés, les autres candidats. Et là-dessus, le député de la 4e circonscription a admis que, parce que « le débat public est rendu à une sorte de mutisme, parfois, pour être entendu, on met des pavés dans la mare. Cette phrase, je la comprends. Je rêverais d’une société politique dans laquelle on accepterait les points de vue divergents, les nuances, dans laquelle on pourrait dialoguer… C’est ça le débat démocratique. On a tendance à considérer son point de vue comme le seul audible. Essayons d’être plus heureux dans nos vies, avec de nouvelles relations sociales et politiques. Il y a bien le bruit et la fureur de quelques-uns, il y a surtout de belles choses à faire dans ce pays ». Sûr que le président Macron a su jeter un pavé dans la mare. Un rocher, même… Jusqu’à provoquer des ondes qui se propagent encore.

* Le Préfet de région a sollicité le 13 décembre dernier, l’avis des collectivités sur le choix du scénario à retenir, pour une première étape de réalisation de l’itinéraire. Trois scénarii ont été retenus en mars 2021 : la dominante fret, l’accès grand gabarit, et mixte. L’Assemblée départementale, lors d’une séance plénière jeudi 13 janvier, doit maintenant formaliser un avis sur le choix du scénario qu’elle remettra au Préfet de région.

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