article

Chambéry : Photilde expose la flamboyante vieillesse au O79

Par Laura Campisano • Publié le 11/02/22

Alors que la question de la place de nos aînés dans la société a créé un profond émoi ces dernières semaines, à la sortie du livre du journaliste Victor Castanet « Les fossoyeurs », une exposition a pris place au O79, à Chambéry. Plus positive, avec un autre regard, celui de Mathilde Parquet alias Photilde, dont le sujet de prédilection se retrouve au cœur de l’actualité. Vieillir, est-ce un archétype unique, ou bien peut-on y voir plusieurs facettes différentes, plusieurs modes de vie ? Y a-t-il une ou des vieillesses ? 

« Il n’y a qu’un seul âge, vivante » disait Agnès Varda, artiste éclectique qui a su démontrer jusqu’au bout que la vieillesse était la continuité de la jeunesse. Des yeux qui pétillent, des visages qui sourient, voilà comment nous gardons en mémoire universelle l’image de nos grands-parents, et ce sont ces images que l’on voit dans l’exposition « Vieillesse(s) » de Mathilde Parquet. Vieillir ne serait donc pas si grave qu’on le vend, la vie ne s’arrête pas au tic-tac des pendules et aux mots fléchés : il semble qu’il y ait la place pour plusieurs manières d’envisager les choses, « soit comme un naufrage, soit comme un beau voyage », comme l’explique la photographe.

Un sujet universel, qui interroge notre rapport au temps

C’est un thème que Photilde définit comme « hyper transversal et pluridisciplinaire, car on en apprend toujours sur la question. » Passionnée par ce thème, la photographe l’a mis au centre de son travail. « En me documentant sur le sujet, j’ai compris ce que cette » tyrannie du bien vieillir « titre du livre de Michel Billé était réelle, on subit cette injonction, jusqu’au bout de notre vie. Alors, au travers de mon parcours j’ai souhaité prendre à rebours cette catégorie d’injonctions. En réalité, on est confronté à la vieillesse plusieurs fois dans sa vie : petit, avec nos grands-parents ou arrière-grands-parents, puis avec nos parents qui prennent de l’âge, puis nous-mêmes. Et je constate qu’il y a plusieurs manières d’envisager la vieillesse, certains la verront comme un naufrage, mais elle peut être tout autre chose. »  Ces dernières semaines, les révélations faites par le journaliste Victor Castanet ont en effet tendu un miroir affligeant de la vieillesse, ce qui pourrait faire penser que passé un certain âge on se retrouve dans ces situations terribles, systématiquement. « Cela ne concerne que 8% des plus de 80 ans », reprend Photilde, « en vérité, ils vivent dans une grande diversité de lieux, des familles d’accueil, des colocations, ce n’est pas un passage obligé. » Évoquer la vieillesse, le temps qui passe, les joues qui se creusent et les cheveux qui blanchissent interroge aussi notre rapport à un sujet très tabou, la mort. Comme si elle n’était pas naturelle, comme si on n’était pas prévenu, que c’était grave. Pourtant, les modèles de Photilde n’ont pas ce sentiment vis-à-vis de leur propre vieillesse « En interrogeant les personnes que j’ai photographiées, âgées de 65-70 ans, elles me disaient qu’elles n’avaient pas envie d’avoir de nouveau 20 ans, qu’à présent, elles se connaissaient bien, expose-t-elle, ça ne les inquiète pas de vieillir, elles sont encore en phase, font des choses. Ce sont des vieux, mais ils vivent ! » Flambants vieux, dirait Zazie, les exemples dans la littérature, au cinéma et au théâtre sont nombreux de ceux et celles qui, après 70 ans ont décidé de continuer à profiter de la vie, à vibrer, à sourire, à désirer, comme en témoigne le travail photographique d’Ariane Clément, ou encore l’association parisienne « Old-up ».

La vie, au jour le jour

Peut-être est-ce cela, la fameuse sagesse dont on nous parle depuis l’enfance : vivre la vie au jour le jour, prendre chaque moment pour ce qu’il est et occuper ses journées à l’envi, sans plans sur la comète. Certains peuvent aussi trouver le temps long, voyant tout le monde « partir » autour d’eux, mais dans l’ensemble, l’état d’esprit n’est pas à la morosité. « Certains m’ont dit, » j’ai fait mon temps, je suis prête «, sans pour autant être déprimés. Ces ressentis, je les accueille, on peut les comprendre, l’avancée en âge fait aussi le vide autour d’eux. D’autres s’accrochent à la vie, notamment dans des unités de soins palliatifs, terrorisés à l’idée de disparaître. Finalement, vieillir, c’est une chance puisqu’on n’est pas mort jeune. » Résolument en contre-pied de l’image véhiculée dans l’imaginaire collectif, l’exposition de Mathilde Parquet fait plutôt la part belle à la liberté de vieillir en paix, si l’on en croit ses modèles octogénaires et nonagénaires qui vivent « au jour le jour, entre ceux qui passent les voir, ce qu’elles vont cuisiner, sans faire de plans à plus de trois mois, et d’autres qui sont encore intéressés au monde » Cette expo montre aussi combien les photos sont teintées d’universalité, il n’est pas rare que les visiteurs commentent les photos en disant « ça me fait penser à ma grand-mère » et pour cause, la photographe a d’abord puisé son inspiration en posant son regard de petite-fille :« J’ai commencé par mes propres grands-parents, notamment mes grands-mères », reprend Photilde, « l’une d’elles m’a d’ailleurs écrit que les personnes âgées pouvaient donc encore être utiles à quelque chose. Elles encouragent mon travail, me disent que c’est bien ce que je fais. Je suis allée rencontrer des personnes qui vivaient près de chez mes parents, à qui j’ai expliqué ma démarche, et c’est ainsi que j’ai effectué une série de portraits, de parents, de grands-parents, également de résidents dans des EHPAD qui le souhaitaient, très souvent pour un souvenir pour leur famille. Très peu de personnes âgées se trouvent belles, cette expo permet de les valoriser. »  Visible jusqu’au 4 mars au O79, l’exposition « Vieillesse(s) » est donc composée de ces différents portraits parsemés de citations inspirantes autour des vieillesses. Elle pourrait bien voyager un peu sur le territoire, d’autant que la photographe a plus d’une idée autour de son thème favori, interrogeant le lien grand-parent/enfant, la transmission, les différentes notions d’âges… et des projets foisonnants, notamment avec des EHPAD de la région, avec un enthousiasme qui a l’avantage de se démarquer de la morosité ambiante.
« Vieillesse(s) » au O79, du 31 janvier au 4 mars 2022 – Entrée Libre du lundi au vendredi de 9h à 18h, rencontre avec l’artiste le 3 mars 2022 à 19h.

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter