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Les précieuses archives du parti communiste confiées aux bons soins des Archives départementales

Par Jérôme Bois • Publié le 25/02/22

Le symbole était fort, vendredi 25 février, lorsqu’à l’hôtel du Département, les archives de la fédération savoyarde du parti communiste ont été officiellement remises. Des décennies de documentation, de la propagande, des ouvrages, des dossiers secrets, révélés seulement à l’occasion de cette cérémonie… Un geste rare, que seul feu le RPR avait consenti à faire. 

Depuis les années 40, la mémoire écrite de la fédération départementale du PCF était conservée au dernier étage des locaux de la fédération, avenue Alsace-Lorraine. De la correspondance, de la propagande, des ouvrages, de la presse, des documents officiels et aussi – surtout – des dossiers secrets, jamais dévoilés, relatant certains douloureux épisodes du XXe siècle. Deux vitrines, présentant des documents déjà transférés, ont ainsi été présentées, hôtel du Département, vendredi 25 février au matin.

Le fonds Georges Marchais, confié en 1997 aux Archives de Seine-Saint-Denis, un premier pas

Florian Penaroyas, au milieu de quelques archives bientôt consultables auprès des Archives départementales

Tout est parti d’un courrier reçu voici deux ans émanant du ministère de la Culture, exprimant son souhait de récupérer toutes les archives du parti et de ses fédérations. Le conseil national avait déjà remis les siennes en 1997, consultables aux Archives de Seine-Saint-Denis. Tout y est, depuis 1944, et pour ce qui est antérieur, il faut aller à Moscou, autant dire que ce n’est ni la porte à côté, ni franchement de saison. « Tout avait été rapatrié en Allemagne durant l’Occupation » , souligne Florian Penaroyas, secrétaire de la section de Chambéry, « puis volé par les Russes. C’est dans les années 90 que les archives nationales avaient été confiées, dans un souci de transparence. Georges Marchais, alors premier secrétaire, avait indique que tout devait être transparent ». Le fonds Georges Marchais, c’est son nom, en dépôt aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, « est, pour l’essentiel, composé des archives politiques qu’il a produites et réunies depuis son accession aux fonctions de secrétaire général adjoint du PCF en décembre 1969 jusqu’à son décès en 1997 ». Ce fonds, comme le précise l’acte officiel, était constitué de trois grandes séries de dossiers : « la première réunissait les textes des écrits et prises de parole de Georges Marchais ; la seconde l’essentiel de sa correspondance ; la troisième les dossiers constitués à l’occasion des sessions du comité central du PCF ». Cette démarche a eu un grand mérite, au fil du temps, lorsque certaines contre-vérités pouvaient être prononcées, çà et là. « Quand François Hollande a dit que le Front national et sa présidente avaient tenu le même type de discours que le PCF, les journalistes avaient pu le vérifier et clarifier » , explique Florian Penoroyas. Nous étions en avril 2015 et le chef de l’État venait d’oser une comparaison controversée entre le PCF des années 70 et le Front national : « Marine Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970 (…) sauf que le Parti communiste, il ne demandait pas qu’on chasse les étrangers, qu’on fasse la chasse aux pauvres ». Des paroles décortiquées par le Monde. Pour construire son avenir, il faut comprendre son passé, écrivait Nicolas Machiavel, ce travail d’archivage a été nécessaire, le remettre entre les mains des Archives départementales est une assurance.

De précieux trésors tâchés de sang

La carte de la souffrance, les photos des fusillés des Charmettes…

Les archives transmises vendredi 25 février se divisent, là encore, en trois catégories : les archives de la fédération, de la section de Chambéry et des Allobroges savoyards, journal clandestin communiste entre 1942 et 1943, puis fusionné avec le Dauphiné Libéré avant de redevenir indépendant après la guerre. Et parmi les dossiers propres à la fédération figurent certains plus secrets, inconnus du grand public mais fort témoignage de ce que l’Homme a proposé de pire, au mitan du XXe siècle. Des rapports de police du parti populaire français sur des militants communistes, une carte de la souffrance, à une période où les morts sur le champ d’honneur étaient photographiés et publiés, des listings de miliciens parmi lesquels Paul Touvier, ex fonctionnaire collaborationniste du régime de Vichy, des coupures de presse du Petit Dauphinois, journal collaborationniste dont le comité de Libération a fini par en interdire la parution, des documents émanant du Comité national d’épuration, dont la tâche consistait à traquer les personnes coupables d’intelligence avec l’ennemi, des bulletins d’adhésion au SOL, le Service d’ordre légionnaire, organisation paramilitaire de choc du régime de Vichy, dont l’objectif premier consistait à construire une nouvelle France en 1940, des fichiers individuels de la Légion des volontaires français (LVF), organisation militaire fondée en 1941 pour lutter contre le bolchévisme… Autant de documents témoins d’une époque révolue mais dont l’Histoire se plaît à en répéter certains aspects, de temps à autre. Des documents qui bien souvent ne font pas honneur à l’humanisme. Par ailleurs, on trouve, dans le grenier, avenue Alsace-Lorraine, des drapeaux aux broderies cousues de fil d’or, ressortis lors des obsèques de personnalités, des drapeaux de la JRF, la Jeunesse républicaine française, fusion entre les jeunes socialistes et les jeunes communistes, de la vieille propagande de campagne, du PCF et de feu le Front de gauche, mené par Jean-Luc Mélenchon, des cartons et des cartons de documents comptables, de fiches de salaire, de correspondances… C’est riche, parfois troublant mais précieux et inestimable, toujours…Le déménagement de l’intégralité de la documentation sera pris en charge par le Département, en interne. Une documentation qui sera néanmoins toujours propriété de la fédération.

Le drapeau de la JRF

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