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Présidentielle 2022 : quand le RN Savoie se fait discret en attendant les 500 parrainages
Par Jérôme Bois • Publié le 26/02/22
A l’image de ce qu’a décidé Marine Le Pen, à savoir interrompre sa campagne électorale le temps d’obtenir les parrainages nécessaires, la fédération savoyarde du Rassemblement national s’est également mise en sourdine, réduisant les actions militantes à quelques collages nocturnes en attendant de reprendre de plus belle. Une difficulté supplémentaire alors que « Reconquête » s’organise en Savoie. Où en est le Rassemblement national à 43 jours du 1er tour ?
Passablement fragilisé par la fuite des cerveaux à laquelle on assiste depuis plusieurs semaines, le RN doit en outre subir les départs de cadres locaux et ce jusqu’en Savoie et Haute-Savoie pour la formation d’Éric Zemmour, « Reconquête » (lire notre article du 19 février). Attaqué par ces derniers, par des militants « du-camp-d’en-face » sur fond de collage sauvage, le parti de Marine Le Pen se fait discret. Entre campagne de terrain plus que médiatique et repositionnement politique (dénoncé par beaucoup d’ex-militants), le RN essaie d’allier efficacité et maturité.
Une Marine Le Pen « au discours apaisé »
Pour le moment, l’heure est à la mobilisation car autour des parrainages, c’est la présence même de Marine Le Pen le 10 avril prochain qui est en jeu. Avec 415 sur les 500 requis (chiffres du 25 février), on s’approche du seuil sans toutefois l’atteindre. Et la fédé de Savoie doit en plus donner un coup de main à d’autres fédérations en souffrance, dont la présence militante est plus faible. Pas simple. Surtout lorsque d’après eux, tout le monde ne joue pas le jeu. « Je sais qu’il y a une intercommunalité, en Savoie, qui fait pression sur des maires pour les convaincre de ne pas nous parrainer » , s’agace Brice Bernard, délégué départemental. « On m’a même dit » si je vous parraine, je n’aurais jamais ma subvention «. Quand dans le même temps, des candidats culminent à plus de 2 000 signatures ». Heureusement, dans la dernière ligne droite, les choses se sont accélérées pour la candidate, aidée en cela par une signature inattendue, celle de Typhanie Degois, députée de la 1re circonscription, jadis LREM (et toujours affichée comme tel), aujourd’hui proche du parti radical. Par souci démocratique, s’est-elle justifiée, vendredi 25 février. « Si les mouvements politiques majeurs de notre pays ne pouvaient présenter de candidat à l’élection présidentielle, ce serait le signe avant-coureur d’une crise politique et démocratique préoccupante. » Une bonne nouvelle pour finir la semaine, donc.A chaque élection présidentielle, le RN s’agite autour de l’épineuse question d’un système de parrainages antidémocratique, il a été souvent raillé pour cette permanente victimisation. Sauf qu’aujourd’hui, la période de collecte s’achève le 4 mars, le temps presse et l’on s’interroge. Depuis le 21 février, la fédé de Savoie est bien parvenue à concrétiser deux promesses en signatures sonnantes et trébuchantes, ce qui porte son total à 4. Mais on reste loin du compte. Un signe que le message de Marine Le Pen serait devenu moins audible, peut-être ? « Non car elle est davantage invitée sur les plateaux télé qu’en 2017. Elle fait une campagne de terrain tout en faisant de gros plateaux. Je la vois évoluer, prendre de la maturité, Marine a apaisé son discours » , comme le ferait « une mère de nation ». Moins de punchlines, plus de fond, une volonté de rassembler, « sans s’enfermer dans un corner » , telle est la nouvelle Marine Le Pen, rassemblement illustré par ces propos du patriarche, « Jean-Marie Le Pen disait qu’il fallait une jambe droite et une gauche pour marcher ». Elle serait désormais devenue « la candidate qui se met au-dessus des partis ». Pas suffisant toutefois pour se défaire de cette traditionnelle problématique des parrainages, comme si en 40 ans, le FN puis le RN n’avait su faire aucun effort pour y répondre.
« D’autres chats à fouetter que de nous occuper des déçus de la politique »
Et les choses seraient sans doute plus limpides sans l’encombrante présence des Zemmouriens, bien que cette concurrence toute nouvelle à droite soit encore minimisée, pour ne pas dire moquée au sein du parti mariniste. « Ils nous font plus rire qu’autre chose » , sourit Brice Bernard, en évoquant ces personnalités parties du RN pour garnir les rangs de Reconquête. « Ça nous a permis de nous débarrasser de quelques-uns aux propos inadmissibles ». Visée en premier lieu, Manon Decorte, fraîchement intronisée déléguée départementale de Reconquête, vue à l’époque comme l’un des très grands espoirs pour le rassemblement national local.
« Je la mettais en avant mais elle a fini par avoir des propos pas très justes, elle faisait du prosélytisme pro-Zemmour au sein de notre groupe. J’ai fini par la remercier. De toute façon, je ne suis pas sûr que leur aventure auprès de Zemmour dure très longtemps ». Il rappelle que « c’est elle qui est venue à nous, je ne lui ai jamais mis le couteau sous la gorge. Elle avait peut-être des velléités personnelles. Ce n’est pas une perte. Manon pouvait constituer une forte personnalité sur la Tarentaise mais elle n’avait pas de fond politique ». Il dénombre officiellement quatre départs du RN vers le polémiste quand Manon Decorte assurait que la saignée était d’une toute autre importance. « Globalement, tous sont restés, il y a plus eu de départ des Républicains que de chez nous ». L’ancienne maire déléguée de Bonneval n’était pourtant pas seule sur le départ, suivie de près par Tanguy Burnet-Merlin, ancien candidat aux municipales de Saint-Nicolas-La-Chapelle en 2020, autre départ a priori digéré. A priori seulement, « ils pouvaient vraiment être des gens intéressants. Mais leurs propos inadmissibles… Ils parlaient de national sans connaître le national. J’aime la vérité » , assène le délégué départemental, « quand on défend des idées, on les défend jusqu’au bout ». Pour le RN, un seul adversaire, quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron. « C’est lui qui a fait chuter le pouvoir d’achat des Français et augmenter l’insécurité. Nous avons donc d’autres chats à fouetter que de nous soucier des déçus de la politique ».
La jeunesse, le point fort
Et parmi ces dossiers en souffrance, les législatives. Il apparaît, fin février, que le RN disposerait de tous ses candidats sur les quatre circonscriptions de Savoie, bien qu’aucun nom n’ait été dévoilé à ce jour. Y compris sur deux circos difficiles d’accès pour lui, la 1re et la 4e, Aix-les-Bains et Chambéry. Sera-ce l’année des jeunes ? On l’a vu en 2021, avec les départementales (lire notre article du 9 juin 2021), le RN avait fait confiance à sa nouvelle vague, au premier rang de laquelle, Johan Level, 19 ans, engagé sur le canton de La Motte-Servolex. Au point d’être intronisé président de Génération Savoie, le RN des jeunes en Savoie. Présidence qui… lui a été retirée depuis. « Il est bon » , confesse Brice Bernard, « mais moins avec les jeunes, il est plus candidat que recruteur ».
C’est Emmanuel Bernard (aucun lien avec Brice) qui a été nommé, plus généreux puisqu’il a fait venir 6 jeunes. Outre un militantisme dans les lycées et les campus, ce sont surtout les réseaux sociaux qui font la différence et qui font du RN un parti fort sur les jeunes. Ils étaient 5 candidats aux départementales et si aucun n’a été élu, ils ont bénéficié d’une rapide mise en avant. « On leur donne des responsabilités, on leur fait confiance. On a eu la plus jeune députée (Marion Maréchal, en 2012, plus jeune députée de l’histoire. Aujourd’hui, le plus jeune est aussi membre du RN, Ludovic Pajot élu en 2017, NDLR), le plus jeune sénateur et maire à 26 ans (David Rachline, à Fréjus). On sent une ferveur militante, chez nous, on sent que tout le monde fait partie d’une grande famille, la recette fonctionne bien ». Et l’on voit venir au loin Jordan Bardella, probable successeur de Marine Le Pen. « Il a de l’avenir », nuance Brice Bernard, « mais je vois Marine rester encore quelques temps, c’est mon souhait. Elle est admirable dans cette bataille, plus préparée qu’en 2012 et 2017. Jordan prendra la suite ». Mais plus tard.
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