article

Présidentielles 2022 : Philippe Poutou, candidat offensif au service du collectif

Par Laura Campisano • Publié le 15/02/22

Les affiches qui placardaient les murs de la salle Mérande annonçaient la couleur, il allait s’agir, lundi 14 février, de parler de convergences de luttes, anticapitaliste, féministe, entre autres choses, avec le candidat à l’élection présidentielle du Nouveau Parti Anticapitaliste, Philippe Poutou. Pour qui a déjà assisté à des meetings politiques en vue de la présidentielle, il est souvent question de « shows ». A Chambéry, il y avait des applaudissements, mais le meeting tenait plus de la réunion publique, d’échanges avec le public, principalement constitué de jeunes,  que des effets de manche propres aux grands meetings

Philippe Poutou n’est pas apparu sous une lumière tamisée et des spotlights en effervescence et avec une musique de fond digne d’un match de catch. Déjà parce que ce n’est pas le genre de la maison, mais surtout, parce que le candidat à l’élection présidentielle n’est pas là pour gagner, mais pour faire exister des voix différentes, pour élargir le débat. Devant une centaine de personnes, dont des militants, des retraités, des actifs mais surtout de jeunes gens, se reconnaissant dans les idéaux du NPA, et après avoir laissé parler ses camarades, tant sur la problématique – concrète- du bureau de Poste d’Albertville, que d’une manifestation féministe en Suisse, sans oublier le contexte chambérien résumé par Laurent Ripart, Philippe Poutou a exposé les raisons de sa candidature, et l’importance de pouvoir exister dans le débat démocratique, quand bien même il y serait persona non grata.

En quête de parrainages

Et il faut reconnaître que le temps passe très vite, dans cette campagne qui semble épuiser les débats sur l’immigration, la sécurité, là où l’urgence sociale commanderait de s’intéresser à la santé, à la précarité et à l’urgence climatique. « Il reste trois semaines pour obtenir les parrainages requis », rappelle le candidat, « ce n’est pas simple de participer à cette élection, plus compliqué qu’une partie de plaisir. Alors vous allez me dire, pourquoi se jeter dans ce plan si c’est si compliqué ? On ne court pas derrière la fonction présidentielle, ce boulot ne nous intéresse pas, nous n’en avons d’ailleurs pas les compétences, le côté pouvoir personnel est antidémocratique à notre avis, on n’est pas du tout là-dessus. Je ne vais pas vous mentir, on n’est pas partis pour gagner, la question du pouvoir, on ne se la pose pas comme ça, nous on croit au pouvoir collectif, à une autre forme de démocratie, plus directe. On croit que la population doit pouvoir s’occuper de ses affaires et ne pas laisser le pouvoir entre les mains de quelques privilégiés. » Philippe Poutou ne parle jamais en son nom propre, il ne parle qu’au nom du collectif, il est le candidat choisi par un parti mais ne parle jamais de lui, de son ambition. Lui qui est déjà prié de se retirer au profit de candidats de gauche « plus importants » , que l’entourage d’Emmanuel Macron a déjà prévenu qu’il n’y aurait pas de débat de premier tour avec lui.

« Dans cette élection, on voudrait être utile pour créer des débats d’idées »

Que vient-il faire dans cette galère, si ce n’est pas pour gagner ? « Dans cette élection, on voudrait être utile à créer des débats d’idées, pour comprendre comment organiser la riposte face au système capitaliste actuel. On voudrait que la gauche se réapproprie les vraies questions de gauche, qu’il existe des confrontations, fraternelles, pas des logiques de boutiques, côte à côte. Voter pour nous, c’est faire changer le climat politique, redonner confiance, changer la donne, reconstruire les outils politiques. »On l’a vu, on l’a entendu, la gauche, il y croit, Philippe Poutou, mais une gauche militante, unie, qui souhaite relever le débat et s’opposer « au côté décomplexé des idées d’extrême droite, la gauche militante, c’est l’avenir : il faut sortir d’urgence du productivisme, de l’impunité patronale au sens large », plaide-t-il, « mais on ne pourra pas en sortir sans radicalité dans la lutte. Il faut savoir comment on renverse le système. » Révolutionnaire, mais pas anti-électoraliste, même si au NPA, on ne pense pas que l’on puisse changer la vie avec une élection, vu que « les institutions ne sont pas taillées pour, il faudrait que le camp social se mobilise, qu’il se donne les moyens », a-t-il souligné, « notre capacité à nous, c’est de faire partie de la vie politique. Le climat actuel est bizarre, on en a marre de tout et on ne peut pas faire grand chose, pour défendre nos perspectives il faudra relever la tête ensemble, pour atteindre le monde qu’on veut, sans domination, sans oppression. Dites-vous bien que le capitalisme est un système sans limites, la richesse des 43 milliardaires français n’est pas méritée ni légitime, c’est un vol légal de la richesse collective, on a tous ici des boulots, fait des études, on connaît la valeur du travail, et personne n’est devenu milliardaire. Donc ce n’est pas de cette manière que cette richesse s’acquiert, ce n’est pas possible d’obtenir autant juste en travaillant. Et c’est le point central, la répartition des richesses dans notre société. Qui décide de répartir la richesse ? Le » ruissellement « on ne le voit pas vraiment » a-t-il ironisé. Critique à l’égard de la politique menée par le premier mandat Macron, il ne s’est pas contenté de l’étriller sur la forme et a souhaité davantage développer les idées forces de son parti, dans cette élection. Revenu minimum autour de 1 800 – 2 000 euros pour vivre décemment, socialisation des banques, outils au service de la population pour empêcher l’évasion fiscale, solutions aux questions environnementales, situation des plus précaires, étudiants, personnes âgées, sort de la question animale, accueil des migrants -climatiques, politiques, économiques- ouverture des frontières et libre-circulation, gratuité des transports collectifs, levée des brevets des vaccins anti-Covid pour que les populations du monde entier puissent en bénéficier : autant de sujets mis en avant sans spoiler le programme du candidat qui devrait être prochainement  rendu public, ont été écoutés avec la plus grande attention. Puis, au temps des échanges avec le public, chacune des interventions fut applaudie par l’ensemble de l’assistance, chacune recevant une réponse, la plus complète possible, par un Philippe Poutou honnête, avenant et capable de reconnaître ses limites sur certains sujets. Deux heures plus tard, la salle s’était à peine vidée, l’heure aidant. Motivés à permettre à ces thèmes d’émerger, à ces voix de se faire entendre, à exister, pour que l’élection présidentielle soit… démocratique.

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter