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Chambéry : deux quais, une avenue et un lifting attendu de longue date

Par Laura Campisano • Publié le 21/03/22

Le sujet aura maintes fois été évoqué depuis ces cinquante dernières années à Chambéry, et toujours repoussé aux calendes grecques : trop ambitieux, trop lourd, trop cher, l’aménagement de l’avenue des Ducs-de-Savoie n’a finalement jamais été concrétisé. C’est pourquoi la ville et l’agglo ont décidé de travailler ensemble à un projet d’aménagement en plusieurs phases, répondant au Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de Grand Chambéry approuvé en 2019. Ses objectifs étant de maîtriser et de diminuer les flux de trafic et de favoriser les modes actifs en lien avec la fréquentation accrue des espaces. Les travaux démarreront par l’avenue des Ducs, pour s’étendre jusqu’au quai Ravet en passant par le quai Borrel. Pour y parvenir, agglo et municipalité ont opté pour la technique des petits pas, avec avant toute chose, l’ambition de faciliter le partage de l’espace public entre automobilistes, piétons, usagers des transports en commun et cyclistes, ce qui demande une certaine dextérité. 

Débats animés et salle comble mercredi 16 mars, pour la réunion publique de présentation des futurs aménagements prévus par la ville de Chambéry et Grand Chambéry sur une des artères les plus fréquentées du centre-ville. Autour d’Alain Caraco et d’Isabelle Dunod, respectivement Vice-président en charge des mobilités à l’agglo et adjointe au maire chargée de la mobilité durable, les services techniques de la ville ayant planché sur l’aménagement de l’avenue des Ducs, du quai Borrel et du quai Ravet. Plusieurs mois de travail à retourner la situation dans tous les sens pour le meilleur des scénarii possible en l’état. Parce qu’à chercher la perfection, il semble qu’il ne se passe rien.

De vrais problèmes de partage de l’espace sans solution idéale

Que vous habitiez ou non dans ce secteur, vous y passez sans doute fréquemment, car c’est un des axes d’entrée de la ville. Et comme c’est également le cas de 18 000 automobilistes et de 500 bus par jour, l’engorgement n’est pas une vue de l’esprit. En matière de pollution, de sécurité, de densité du trafic, tout est donc à construire, puisqu’aux dires des riverains historiques, rien n’a été fait concrètement, depuis 50 ans, au bas mot. Pourtant il devient urgent d’agir, car la sécurité tant des vélos que des piétons, des usagers des transports en commun, tout comme des automobilistes est aujourd’hui au centre des préoccupations de tous, notamment des pouvoirs publics. Avec un constat empreint de lucidité « On n’arrivera pas à trouver de solution idéale tout de suite, mais il faut bien commencer par résoudre des questions sur cette avenue, en apportant des solutions pour une cohérence d’ensemble. » soulignait Isabelle Dunod. Le projet est calé « sur ses principes d’aménagement », mais nécessitera encore quelques ajustements. La ville, chef de file de ce chantier important à plus d’un titre, en aura la maîtrise d’ouvrage, l’agglo se concentrant sur les aménagements des déplacements en bus et en vélo. « Ce sont des sujets que nous travaillons en relation permanente », assurait Alain Caraco, « qui sont d’une extrême complexité. » Des besoins urgents, des sites assez contraints, ça a l’air évident mais cela ressemble davantage à un casse-tête chinois, dont la résolution ne sera jamais totalement parfaite et ne satisfera pas tout le monde, bien que ville et agglo puissent compter sur le très actif et dynamique conseil de quartier du Laurier pour des suggestions in situ. 

Une salle Grenette pleine à craquer pour visualiser un projet longtemps évoqué, jamais traité

Objectif des travaux, sécuriser l’attente et la descente des bus et leur circulation, sécuriser les pistes cyclables et les embranchements sans interdire la circulation des véhicules automobiles. Bien entendu, l’idée est de réduire l’utilisation des voitures en ville, c’est pourquoi le stationnement en surface sera largement revu à la baisse, laissant davantage de place aux modes de circulation doux, dont la circulation bidirectionnelle devrait être améliorée, sinon sécurisée, en comparaison avec la « coronapiste » provisoire actuelle. Des propositions qui n’ont pas manqué de faire réagir les habitants de ce quartier très fréquenté. « Il y a 142 places sur les trois quais aujourd’hui et il faut bien se dire que les habitants ne prennent pas leur voiture pour le plaisir ! Or, ce sont toujours les automobilistes qui sont pénalisés, » pestait l’un des membres du comité de quartier des Lauriers, « pourquoi n’est-il pas envisageable de réserver les places existantes aux habitants du quartier, plutôt que de les faire marcher jusqu’au parking Ravet, à plus de 450 mètres de chez eux, pour un stationnement qui leur coûterait 5 fois plus que le stationnement en voirie ? »  L’idée semble pertinente mais techniquement irréalisable, pour une raison légale, comme l’a expliqué Marie-Paule Morisset directrice des services techniques, de l’aménagement du territoire et de la transition écologique de la ville, « il n’est pas possible de privatiser l’espace public, si des bornes existent en centre ville, c’est pour l’accès des véhicules autorisés de livraison ou les pompiers », expliquait-elle, « cela ne permet pas aux gens de stationner, car le stationnement sur le domaine public ne peut pas être gardé pour une catégorie d’usagers. »  Et comme des places de stationnement en surface vont disparaître, il faudra trouver des solutions, nécessairement. En effet, en tout 135 places en surface vont être supprimées sur l’ensemble des quais. Avenue des Ducs, le stationnement passera de 65 places en zone orange et 24 places spécifiques à 17 places de stationnement spécifiques, avec la création de 48 places spécifiques ; Quai Borrel, ce sont 14 places qui disparaîtront passant de 50 places en zone verte à 36 places qui basculeront en zone orange à terme ; enfin quai Ravet, 56 places de stationnement en surface seront supprimées, passant de 108 en zone verte à 52, vouées également à basculer en tarif zone orange progressivement. L’idée, assumée, étant de rediriger les 135 potentiels automobilistes cherchant à stationner… au parking Ravet. Un changement de paradigme en projet qui a du mal à passer inaperçu : le changement oui, mais pas trop vite…

Moins de stationnement en surface, plus d’espaces verts et de voies cyclables

Avec ce projet en cours de chiffrage, pour lequel une enveloppe de 250 000 euros a été prévue par la ville, à laquelle s’ajoute un budget de 330 000 euros, prévu par Grand Chambéry, l’idée est de créer un espace de respiration sur des bords de Leysse engorgés par une dense circulation. En effet, l’espace gagné ne sera pas inutilisé : le projet présenté aux habitants prévoit une nette amélioration du paysage avec des plantations provisoires en pot, hors sol, sur la couverture de la Leysse, sur une surface de 500 m², avenue des Ducs de Savoie, la végétalisation au pied des arbres quai Borrel, sur une surface de 250 m², ainsi que la végétalisation entre les espaces circulés et piétons au pied des arbres quai Ravet, sur 250 m².« La nature est un atout pour le quartier », soulignait un habitant, « la rivière, la végétation, on y gagne en qualité de vie, d’autant plus s’il y a moins de voitures. »

Cette partie des aménagements est loin d’être anecdotique, puisque la question de l’élagage des arbres, notamment quai Ravet, est revenue sur le tapis, sujet hautement inflammable à Chambéry, si l’on en croit le soulèvement des habitants contre les différentes municipalités ces dernières années, avant même le mandat de l’actuelle majorité (lire notre article du 6 juillet 2021). « Les arbres sont des éléments vivants qu’il convient de gérer », a rappelé Marie-Paule Morisset, « certains tombent parfois malades et doivent être enlevés pour une question de sécurité. Le renouvellement des arbres permet de garantir dans le temps ce que les arbres peuvent apporter. La question de l’arbre se pose dans tous les projets, et nous savons que le sujet tient beaucoup à cœur aux Chambériens, c’est pourquoi nous allons mettre en place une concertation territoriale pour poser la question de l’arbre dans la ville. » Avec 10% d’arbres sur le domaine public, mais également une grande partie sur le domaine privé, la question de l’arbre est en effet centrale, tant sur le plan de la responsabilité des collectivités territoriales, en termes de sécurité, que sur le plan des souhaits et des contraintes des habitants. « Il faut tenir compte aussi du fait que le quai Ravet est un îlot de chaleur urbain », reprenait la directrice des services techniques de la ville, « c’est pourquoi échanger et communiquer avec les habitants est primordial. Sous le mandat précédent des arbres ont été coupés mais non remplacés et cela a des conséquences. Nous devons rester une ville responsable et gérer le patrimoine dans le respect de l’arbre, nous disposons d’un budget dédié, pour gérer les arbres et la sécurité des gens, nous sommes vraiment convaincus de l’importance de ce sujet. »  On l’aura compris, l’aménagement de cette artère importante de la ville n’implique pas uniquement la place des moyens de transport mais aussi la prise en compte de la nature et du vivant. Pour faciliter la compréhension de l’ensemble des habitants, la ville a décidé de mettre en ligne l’ensemble du projet avec les plans ainsi que l’ensemble des aménagements prévus. Idéalement, le projet devrait être finalisé au printemps 2022, pour un démarrage des travaux de la première phase en août 2022. Il semble que les choses commencent à se mettre en mouvement, avec pragmatisme, car comme l’a conclu Alain Caraco  « si l’on veut passer une rivière avec une barque que l’on charge à bloc, par ambition ou parce que l’on est trop gourmand, le poids sera trop lourd à porter et la barque aura coulé avant d’atteindre son but. » Chi va piano, va lontano, en résumé.

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3 commentaires

gerard Blanc

21/03/2022 à 15:46

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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gerard Blanc

22/03/2022 à 15:28

Il serait intéressant d'avoir un 1er bilan d'occupation des nouveaux parking Ravet et Cassine (2 x 500 places en proximité de centre ville !), ouvrages "hérités" et censés permettre de libérer de la voiture le centre ville. Face à la crise climatique, à la pollution de l'air et à la dépendance mortifère au pétrole de Poutine, la priorité est aux économies, aux transports en commun et aux modes "doux", à l'extension des zones 30km/h et Zones à Faibles Emissions, au 70km/h sur la VRU, non ?

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paul

26/03/2022 à 14:13

La suppression des places de stationnement assurera le remplissement du parking Ravet ! 135 places , c'est 25% des capactésd'un parking dont ils ne voulaient pas ... VINCY vous remercie Mr-Mme le-la maire ...

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