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Chambéry : en meeting au Scarabée, la France insoumise sort la sulfateuse et annonce la couleur à deux semaines du 1er tour

Par Jérôme Bois • Publié le 28/03/22

Un peu moins de 300 personnes ont pris part au meeting donné par la France insoumise, vendredi 25 mars, au Scarabée, Chambéry le Haut. Deux fortes personnalités de la FI, Danièle Obonno et Thomas Portes, ont relayé avec force et vigueur la parole de Jean-Luc Mélenchon dont c’est la troisième candidature à une présidentielle. La bonne ? Ils en sont persuadés. Le contenu ? VIe République, aides à gogo, RIC et retraite à 60 ans…

Si le président Macron a eu les oreilles qui sifflent, vendredi soir, c’est sans doute qu’il se passait quelque chose de strident, plusieurs centaines de kilomètres plus bas, sur les Hauts de Chambéry. Pendant une heure et demi, la députée Danièle Obonno et Thomas Portes se sont fait fort d’en démolir la présidence à grand renfort de formules choc, pour mieux justifier l’urgence d’un recours à une VIe République, valeur cardinale du programme de la France Insoumise. Les deux représentants insoumis avaient bien répondu à l’appel de la FI de Chambéry, au contraire d’Alexis Corbière, retenu par d’autres obligations.

Danièle Obonno, députée de la France Insoumise

Face à quelque 280 personnes, au Scarabée, bien plein, les éléments programmatiques ont succédé aux charges incendiaires à l’encontre du président-candidat, sur le modèle du changement pour maintenant, d’un nouveau monde possible. Fait intéressant, du reste, la présence concomitante, à quelques kilomètres de là, d’Olivier Véran, à Montmélian pour un duel populaire à distance (qui bénéficierait de la plus forte assistance ?). Comme une course avec le candidat Mélenchon dans le rôle de la tortue, une analogie que reprendra Thomas Portes : « Il se définit comme une tortue, qui ne recule jamais ». Parce que la tortue Luth possède en effet la caractéristique de ne pouvoir faire marche arrière lorsqu’elle chemine. Eux y verront l’affirmation d’un fonceur que rien ne dévie de sa route, ses détracteurs, celle d’un candidat peu avare en revirements.

Réforme des retraites vs réforme des cercueils

Thomas Portes, ancien porte-parole de Sandrine Rousseau, ancien de Génération(s) et du PCF, n’a rejoint l’équipe de Jean-Luc Mélenchon qu’en décembre dernier mais en a vite saisi les codes.
Son discours ne pouvait que démarrer par une pique adressée au gouvernement et au « président des riches » qui venaient tout juste de subir une – réjouissante à leurs yeux – défaite avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, « battue à plate couture » par Gilbert Houngbo, dans la course à la présidence de l’organisation internationale du travail (OIT)*. Il égratigna ensuite l’immédiate trajectoire macroniste prise dès son entrée en fonction en mai 2017, symbolisée par « la suppression de l’ISF et la baisse de 5 euros des APL » ou encore par le recours aux cabinets de consulting, « notamment sur la politique vaccinale ». Pour la FI, il appartiendra « aux experts de ce pays » de conseiller le futur gouvernement et non pas à d’onéreux cabinets. Il poursuivait, toujours véhément : « Durant ce quinquennat, on n’aura pas vu beaucoup de démocratie ni d’humanité » , poursuivait-il, réforme des retraites en tête. « Nous sommes les seuls à proposer la retraite à 60 ans avec un minimum de 1 400 euros net. Ce que préparent la droite et l’extrême droite, ce qui inclut ce gouvernement, c’est plutôt la réforme des cercueils » , hommage appuyé à la retraite à 65 ans préconisée par Emmanuel Macron. « Il faut se baser sur un seul indicateur, l’espérance de vie en bonne santé, seul marqueur viable mais aujourd’hui en stagnation » , insistait Thomas Portes. Il maniait la formule choc, avait le verbe haut (et coloré, bien aidé en cela par son inimitable accent du sud ouest), il distillait ses attaques, placées, le plus souvent, et d’aucuns diront parfois déplacées (sommes-nous réellement en dictature, comme il l’affirma haut et fort ?). « Nous sommes une société de souffrance alors qu’un autre monde est possible » , assèna le président de l’observatoire national de l’extrême droite. Il promit la généralisation des 35 heures, « la dernière mesure ayant créé des emplois » , à tous les corps de métier avant d’aboutir, en fin de mandat, aux 32 heures. Il promit la garantie autonomie à 1 063 euros, l’accueil des demandeurs d’asile sans discrimination aucune. Il promit de rendre l’école publique laïque et gratuite, l’université 100% gratuite également. « Les enseignants ont tenu l’école à bout de bras pendant la crise Covid, le point d’indice est gelé depuis 10 ans, nous rétablirons l’augmentation des salaires ». Le public n’en réclamait pas davantage pour exulter…

Thomas Portes

« L’exemple de JLM inspire le monde entier »

Puis lorsque Danièle Obonno prit la parole, le ton ne varia pas d’un iota, le fond si, puisqu’elle s’aventura sur les thèmes de la démocratie, de la lutte contre le racisme, l’extrême droite, de l’écologie et de la sécurité. « Nous faisons vivre le débat démocratique, que Macron le veuille ou non. Nous sommes engagés pour gagner, le vote Mélenchon n’est pas seulement le plus efficace, il est vital. C’est un choix à faire entre la guerre et la paix. Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat pour la paix, en pleine guerre ». La députée plaida pour une « France non alignée, ce qui ne veut pas dire neutre » , reprenant mot pour mot la formule du leader de la France Insoumise en meeting place de la République à Paris, le 20 mars dernier. « Nous sommes devant le choix entre la société de l’accaparement et du partageux (sic) ». Elle définit la ligne du parti comme « la seule écologiste ». « Le 10 avril, vous aurez un bulletin pour instaurer la règle verte, à savoir que l’on ne pourra plus prendre à la nature plus que ce qu’elle peut produire ». Sur le volet démocratique, jugée défaillante là encore, le choix devra s’opérer « entre le développement et l’accroissement de la démocratie ou sa destruction ». Parce que des « dizaines de lois ont remis en cause l’état de droit : la loi asile et immigration (votée en septembre 2018, NDLR), contre les manifestants**, de sécurité globale, de lutte contre le séparatisme qui n’a fait que stigmatiser davantage les musulmans de ce pays ». Au président « autoritaire » d’un système « autoritaire » , « au bilan de répression jamais atteint » , à l’origine d’un pass plus « autoritaire que sanitaire », elle adressa cette mise en garde : « nous n’oublierons pas ». Ainsi, les gilets jaunes visés par des poursuites judiciaires seront amnistiés, sans autre forme de procès***. Elle indiqua que les policiers et représentants de l’ordre seraient mis face à leurs responsabilités durant ces mois de manifestations, « de même que les préfets (parmi lesquels, au premier plan, Didier Lallemand, véritablement hué par la foule), les élus, les ministres alors en exercice ». Enfin, Danièle Obonno évoqua l’assemblée constituante, clé de voûte de la XVe République réclamée de tous ses vœux, et le référendum d’initiative citoyenne (RIC) « pour mettre fin à la monarchie présidentielle ». Que l’on se rassure, si besoin en était, « un pays qui a connu les gilets jaunes, qui s’est mobilisé contre la réforme des retraites et contre les pass n’est pas macronisé. L’extrême-droitisation de ce pays créée de toute pièce par la classe dirigeante, nous devons la battre à plate couture le 10 avril ». D’Eric Zemmour « fasciste et délinquant multirécidiviste » à Marine Le Pen, « normalisée mais dangereuse » , elle distribua les mauvais points avec agilité. Sa conclusion, elle, fut sans appel, « l’exemple de Jean-Luc Mélenchon inspire le monde entier ». Le public, lui, était ravi.

* Une victoire obtenue dès le 2e tour par Gilbert Houngbo, ancien premier ministre du Togo, par 30 voix contre 23. Il est ainsi le premier Africain à accéder à ce poste fort convoité.
** Qui vise à lutter contre les individus violents lors des manifestations, loi présentée en février 2021.
*** Manuel Bompard, le directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, avait nuancé, sur France Info, les propos tenus par ce dernier lors du meeting du 20 mars : « Il faut regarder en détail les situations. Jean-Luc Mélenchon parle bien évidemment, dans cette proposition, de celles et ceux qui ont manifesté pacifiquement, qui ont participé à des occupations de rond-points et qui ont été réprimés (…) Je n’ai pas l’intention d’amnistier une personne qui est manifestement membre d’un groupe d’extrême-droite, et qui a décidé d’infiltrer des manifestations comme celles des gilets jaunes » .

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