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Chambéry : « Et vous, trouvez-vous acceptable l’augmentation de la fiscalité ? »

Par Jérôme Bois • Publié le 02/03/22

Chambé Citoyenne avait pris un risque en conviant le grand public à une réunion/débat autour des orientations budgétaires de la ville de Chambéry, un mardi soir à 20h, orientations affichées et déjà bien débattues en séance du conseil municipal du 1er février. Que disaient-elles ? Que la fiscalité et l’emprunt devaient être les seuls leviers viables afin de poursuivre une politique d’investissements ambitieuse. D’accord, ont dit les citoyens, mais pas à n’importe quel prix et pas sans pédagogie.

Les finances publiques ne sont pas le sujet le plus évident à évoquer en repas de famille le dimanche, ni le plus simple, car souvent affaire d’initiés. Suivre un débat d’orientation budgétaire est loin d’être une sinécure, tant la comptabilité et la finance peinent à se mettre à hauteur d’homme. C’est pourquoi Chambé Citoyenne a jugé utile d’en vulgariser les grandes tendances à l’occasion d’une soirée d’échanges et de débats, mardi 1er mars, à la Dynamo, dont les enjeux étaient quadruples : partager les éléments de construction budgétaire, effectuer un retour du ROB du 1er février aux habitants, définir les priorités à donner et évaluer l’opportunité d’augmenter la fiscalité, la grande leçon de ce DOB du mois dernier. Une fois ces clés de compréhension acquises, tout devait s’éclairer à 12 jours du vote du budget, le 14 mars prochain.

L’un des ateliers les plus populaires portait sur l’urbanisme

Une soirée pour influer sur certains arbitrages

L’héritage des « coups partis », le contexte national, la baisse des dotations de l’Etat, la disparition progressive de la taxe d’habitation devenaient autant de bosses sur la tête, étouffant dans l’œuf toute velléité d’investir. Le recours à la fiscalité ne pouvait que ressurgir après le précédent 2015, lorsque les emprunts dits toxiques avaient largement plombé des finances municipales déjà exsangues. Cette séance de travail impliqua donc une quarantaine de personnes, parmi lesquelles des élus du mouvement citoyen, de Chambéry et de La Ravoire, des militants et quelques habitants, courageusement venus causer chiffres un mardi soir de mars. « Cette soirée a valeur de test » , nous indiquait Gérard Blanc, membre du mouvement, « ce qui en ressort peut influer sur certains arbitrages qui restent à définir avant le vote du budget le 14 mars ». Ce serait une façon d’entamer un processus de co-construction d’un budget avec la communauté, afin de remettre la finance communale à l’échelle du citoyen et plus seulement de quelques élus. La soirée commença donc par un petit quizz sur des éléments qui peuvent rebuter, comme le PPI (programmation pluriannuelle d’investissements, à définir sur l’ensemble d’un mandat), le ROB, rapport d’orientation budgétaire, les impôts versés à la ville (à ne pas confondre avec ceux versés à l’agglo ou à l’Etat), le budget de la ville (145 millions d’euros), la différence entre budget de fonctionnement et d’investissement… Des éléments chiffrés « à grands traits » étaient donnés, sur la dette, la dette par habitant, le montant du budget général, des budgets de fonctionnement et d’investissement… Un moment de familiarisation avec cet univers des plus hostiles.

Une majorité trouve le recours à la fiscalité acceptable

Puis, à force d’ateliers, de discussions autour des principales thématiques propres à la vie municipale (urbanisme-mobilités, éducation-enfance-sports, culture, transition écologique, solidarité, démocratie-vie associative), d’interrogations, venait le moment où le public devait se prononcer sur cette épineuse question : est-il acceptable d’augmenter la fiscalité à la lueur de ce qui avait été présenté au préalable ? Et c’est une majorité – large – de « oui » qui se dégagea. Un « oui » mais pas sans explications et transparence sur la destination de cette manne financière. « En termes de pouvoir d’achat, nous y avons gagné avec la suppression de la taxe d’habitation, aussi, nous pouvons supporter une légère augmentation de la taxe foncière » , puisque c’est elle dont il s’agit*, avança un habitant. « Nous avons plutôt gagné en pouvoir d’achat ces dernières années » , expliqua-t-il, « il faudra veiller à ce que ces hausses ne nous fassent pas revenir au niveau d’avant ».

Aurélie Le Meur, 1re adjointe, ouvrait la soirée débat.

« Mais la question, c’est ce que vous en ferez » , réagit un autre, « on constate que certains coûts, notamment en termes de fonctionnement, sont inutiles ». Pour la majorité, la hausse promise de la taxe foncière demeure « relativement faible ». « J’étais mitigée » , fit remarquer une habitante, « parce que lorsqu’on dit qu’on est propriétaire, on imagine que nous sommes des gens aisés. Si hausse il y a, il faudra l’expliquer et surtout, qu’elle reste exceptionnelle. Il existe bien d’autres leviers à actionner, comme la lutte contre certaines dépenses qui relèvent du gaspillage ». Certains s’interrogèrent sur la possibilité pour la municipalité d’opérer une baisse une fois que les manques avaient été comblés, un espoir vite douché par Martin Noblecourt, adjoint en charge de l’administration générale, la tendance ne va clairement pas vers une baisse de l’investissement dans les années à venir, ne serait-ce qu’avec la nécessaire transition écologique à intégrer.Dans le camp d’en face, une poignée de personnes seulement, réfractaires à une hausse de la fiscalité, « pas très importante, certes, mais qui s’ajoute à beaucoup d’autres augmentations » , disait l’un d’eux. « Durant la campagne**, il avait été écrit que la fiscalité devait être stabilisée, d’une part, et dans ce budget, il y a des choses qui peuvent être coupées ». « Notre société fonctionne sur la dépense inutile, c’est un principe de fonctionnement. On a besoin de 2,8 planètes pour vivre aujourd’hui et Chambéry n’échappe pas à ce mécanisme du » toujours plus de dépenses «. Je m’occupe d’une copropriété depuis 7 ans, à qui j’ai fait faire de grosses économies en dépenses inutiles ». Sous-entendu, sans recourir à une augmentation de charges. En définitive, le recours à l’impôt est tolérable s’il est bien explicité mais d’autres leviers existent au premier rang desquels la chasse au gaspi. Vertueux, les Chambériens…Rendez-vous le 14 mars pour le vote du budget qui ne devrait pas se faire sans débats.

* Il s’agit de la taxe foncière sur le bâti et touche les propriétaires. Son taux de base avait augmenté de 0,2% l’année dernière, de 3,4% cette année.
** Dans le programme de campagne de la liste commune Demain Chambéry, il était précisé que parmi les sources de financement, le recours à l’impôt pouvait être requis mais seulement ceux ne touchant qu’un minimum de Chambériens, à savoir la taxe sur les logements vacants ou sur les publicités lumineuses. Le programme notait enfin que l’équipe allait hériter d’investissements massifs, d’un encours de la dette élevé, d’une épargne nette très faible et surtout, d’un taux de taxe foncière déjà élevé.

Martin Noblecourt, sur la thématique transition écologique.

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1 commentaire

gerard Blanc

03/03/2022 à 04:59

Bravo pour votre traitement juste et représentatif de cet évênement malgré votre format limité. Oui, ce sujet du budget, des marges de manoeuvre, des leviers pour financer les engagements pris devant les citoyen.nes est complexe. Et il n'est pas facile d'innover pour commencer à faire participer les citoyen.nes et faire de la pédagogie, alors que d'habitude ces choix sont "réservés" au maire, à son adjoint aux finances et à quelques conseillers. Cette 1ere soirée participative du Mouvement Citoyen avec les élu.es de la liste Chambécitoyenne n'est qu'un premier pas. Pour élargir, pourquoi ne pas consulter l'année prochaine assez en amont les conseils citoyens dans les quartiers ? Et pourquoi ne pas soumettre à la population plusieurs scénarios budgétaires, tout en respectant et priorisant les engagements validés lors de l'élection municipale ? Un subtil équilibre à co-construire entre démocratie participative et représentative pour réduire la fracture démocratique ?

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