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Vote du budget 2022 à Chambéry : comment rapprocher les citoyens des affaires financières de la ville ?

Par Jérôme Bois • Publié le 15/03/22

Gros enjeu pour gros dossier, lundi 14 mars, en soirée, lorsque le vote du budget est venu clore une séquence de plusieurs semaines consacrée à la construction d’un budget municipal pour l’année en cours, avec des projections pour la fin du mandat, en 2026. Outre le débat, usant des mêmes ressorts que pour le rapport d’orientations budgétaires de fin janvier, ce qui frappe, c’est la difficulté à rendre accessible la finance publique pour des non-initiés. C’est bien ce que s’attelle à faire cette nouvelle majorité.

Investissements, dépenses de fonctionnement, épargne nette, budgets annexes, encours, annuités… Chaque année, ils reviennent, aussi sûrement que l’impôt, le Covid ou l’élimination du PSG des coupes européennes. Ils sont, le temps de quelques semaines, votre quotidien, souvent à votre corps défendant. Eux, ce sont les éléments budgétaires, les chiffres, les postes de dépenses, les recettes. Eux forment le budget avec un B majuscule. Quoi de plus hermétique que le langage de la finance publique ? Le droit, peut-être. La médecine, sûrement.

Un débat dont on connaissait la fin…

Lundi 14 mars, le vote du budget primitif a une fois de plus été le théâtre d’affrontements idéologiques un peu vains entre deux équipes que tout oppose. Le budget a certes été voté, la hausse de la fiscalité, évoquée le 1er février dans ces colonnes, également, sans surprise, donc et ce qui a fait le corps de ces débats du 14 mars, finalement, on connaissait déjà.

La taxe foncière sur le foncier bâti, levier choisi par la ville pour se dégager des marges de manœuvre

Qu’a-t-on appris de plus par rapport à cinq semaines plus tôt ? Que chacun s’en tient à sa posture, que les uns dénoncent une hausse de la taxe foncière d’1,5 point* (soit 3,7%) alors qu’une gestion en bon père de famille eut été plus opportune, les autres s’en tenant à une hausse somme toute « pas colossale » , comme le signalait Martin Noblecourt le 15 mars au matin, pour se dégager des marges de manœuvre. Associée à l’augmentation des bases de 3,4%, le matelas reste confortable (7,1%) et chacun se trouvera des arguments-massues pour justifier ou dénoncer le recours à la fiscalité quand la crise Covid a coûté 4,5 millions d’euros à la ville « sans compensation de l’Etat » , soufflait Thierry Repentin, inquiet de se voir confronté à un « avenir imprévisible » , ce qui relève pourtant presque du pléonasme. « Il est difficile de se fixer une ligne budgétaire » , reprenait le maire, la faute à ce foutu héritage, comme un boulet enchaîné au pied (le droit, donc) et malgré une ambition jamais feinte de vouloir investir et investir encore. Bref, pour ceux qui en veulent un peu plus, il reste la vidéo des 5 heures et 7 minutes qu’a duré cette longue réunion d’élus.Voici donc venu le temps du budget « ambitieux et responsable » , dont les éléments traduisent le travail d’équilibriste  pour en venir à bout. Recours massif aux subventions exceptionnelles, arbitrages rigoureux et transparence, voilà sur quoi se base ce budget primitif année-modèle 2022. Certes, Benoît Perrotton, conseiller d’opposition et ancien adjoint aux finances, aurait souhaité une « gestion en bon père de famille » , on y revient, que l’on traduirait par « faire ce qu’on peut avec ce qu’on a » , certes, il aurait sinon privilégié le recours à l’emprunt, dans la limite d’une capacité de remboursement n’excédant pas les 10 ans ; certes, la hausse de la fiscalité fait peser sur une charge supplémentaire sur certains ménages (et potentiellement sur des locataires dont les bailleurs souffriraient de cette hausse) mais tout cela, on le savait déjà (encore). Le poids de Ravet, du stade, son financement, celui de Vétrotex ou de l’école Vert-Bois (passée de 4 à 16 millions d’euros !)… Comme un film dont on connaît à l’avance la fin. Au final, le budget primitif a été approuvé (10 voix contre), de même que les budgets annexes (10 voix contre). Seule la hausse de la fiscalité n’aura pas fait l’unanimité au sein du groupe majoritaire, Sabrina Haerinck s’étant abstenue. « Tout en approuvant le budget mais compte tenu du contexte, l’augmentation fiscale n’est vraiment pas un choix facile. Il faut prendre conscience que ça l’est pour l’ensemble des personnes autour de cette table. Ça risque d’aggraver des difficultés à venir, j’espère que l’Etat va prendre ses responsabilités parce que si nous en sommes là ce soir, c’est parce que l’Etat a mis fin à la taxe d’habitation » , s’est-elle justifiée.

Où va l’argent ?

Ce qui apparaît derrière ce théâtre annuel, c’est l’hermétisme de ce langage pour le Chambérien. Jimmy Bâabâa, adjoint en charge de la transition écologique, posa, mardi 15 mars, la question du lieu adéquat pour en parler.

« Où va mon argent ? » La question qui inquiète le contribuable

« Le conseil municipal est-il le bon endroit pour parler impôts et finances publiques ? A-t-on le temps d’entrer dans les détails ? » Les initiés répondront par l’affirmative mais les autres, ceux qui, comme l’auteur de ces lignes, n’ont jamais excellé en comptabilité ? Interrogé sur l’opportunité de la co-construction d’un budget municipal avec les habitants, Martin Noblecourt balaie toutefois l’idée : « Sur de petites communes, oui, à Chambéry, cela demande une ingénierie que nous n’avons pas ». Il faut trouver autre chose et ça existe. « Ce pourrait être en conseil de quartier que nous pourrions flécher avec les habitants une partie du budget sur des sujets donnés, car ces conseils se nourrissent d’échanges. Une collectivité, elle, n’est pas prête à cela » , avance Claire Plateaux, adjointe en charge de la démocratie locale et de la vie associative. Le budget ne parle pas que de chiffres, il est l’écho d’une politique menée par une majorité. Il y aurait donc matière à partager cette direction prise, à la rendre lisible ou digeste autrement qu’en se nourrissant d’une rituelle salade de chiffres trop gras, c’est pourquoi à Chambéry, chaque élu s’est emparé de son sujet de prédilection avec pour mission d’en vulgariser les tenants financiers et de les rendre transparents. N’a-t-on pas entendu, mardi 1er mars, lors de la réunion-débat sur le budget de la ville à la Dynamo (organisée par le mouvement citoyen), des habitants se demander où allait leur argent ? Existe-il impératif plus absolu pour le contribuable que de connaître la destination de ses contributions ?

PPI, transparence et carte interactive

Une PPI, qu’est-ce que c’est ? Une programmation pluriannuelle d’investissements, soit le plan prévisionnel d’investissements nous conduisant à la fin du mandat en 2026. Il reprend, sous réserve d’impondérables ou de changements de direction en cours de route, les actions à venir, autant en termes d’aménagement urbain que de petits travaux microlocaux. Il est la traduction de cette fameuse politique conduite par la ville et il sera prochainement disponible sur le site chambery.fr d’ici peu.
« C’est un exercice assez classique » , poursuit Martin Noblecourt, « sur lequel il faut faire de la pédagogie, nous irons donc travailler autour de ce PPI avec les conseils de quartiers. Nous allons interroger les gens sur ce sur quoi ils souhaiteraient être consultés. Le citoyen est en demande d’être approché sur des choix techniques » , une consultation sur certains grands sujets est à attendre. Et pas seulement sur les travaux structurants mais sur des thèmes moins flagrants, comme la végétalisation de la ville, le réaménagement d’espaces publics, le renouvellement des bornes d’accès aux zones piétonnes ou la restauration du musée des beaux-arts. Chacun des postes ayant été chiffré. Un document au demeurant plus facile à appréhender qu’un long pensum de près de trois heures. « Je pourrait citer aussi les actions réalisées autour du projet de ville perméable** » , insiste Jimmy Bâabâa, « avec cette question, comment outiller les habitants pour mieux appréhender les efforts à faire ? » Des efforts parfois invisibles. « Cette pédagogie doit être faite de manière récurrente. Nous devons rendre accessibles nos choix et les enjeux ».

Le conseiller en charge des affaires financières, Pierre Brun, durant la présentation du budget primitif 2022

Ce travail de transparence se traduira, entre autres, par une carte virtuelle et interactive situant les petits travaux à réaliser dans les quartiers, les rues, au plus près des habitants. « Ce peut être l’installation de nouvelles poubelles, de nouveaux lampadaires, le fleurissement, la rénovation de cheminements… » , confient les élus, « cela donnera à voir de façon ludique ces petites choses du quotidien que nous réalisons aussi, sans que ça se sache » , à grande échelle s’entend. Des petits travaux du quotidien évalués à 4 millions d’euros chaque année, « pour lesquels nous recevons des courriers tous les jours » , sourient-ils « et là, la ville se retrouve à l’échelle de sa rue, de son quartier, de son îlot » , poursuivait Gaëtan Pauchet, adjoint en charge de la politique de la ville. « C’est à cette échelle, modeste, que l’on peut intéresser à la vie publique ». Partager une PPI avec les citoyens devient alors « normal ».Il est sûr qu’en s’appropriant ces données financières préalablement expliquées, les Chambériens comprendraient avec plus d’acuité le sens d’une direction ou d’une décision aussi ferme qu’une hausse de la fiscalité. « L’important est de donner du sens à nos actes » , assénait Claire Plateaux. L’expérimentation des questions citoyennes au conseil municipal, votée et approuvée en séance le 14 mars va dans le sens de cette transparence de façon à réintéresser à la vie publique et à favoriser le dialogue entre les élus et les Chambériens. Pas mince, comme affaire, alors que via les réseaux sociaux, la culture du buzz et de l’attaque prévaut.

* La taxe foncière sur le foncier non bâti restera stable à 50,11% tandis que la taxe foncière sur le foncier bâti passera de 40,4 à 41,9%.
** La désimperméabilisation de la ville a consisté à rendre perméables les sols de la ville par le désencroûtage de 6 000m² d’enrobés pour permettre l’infiltration des eaux pluviales dans les sols. Cela allait de pair avec la plantation de 354 arbres sur l’automne-hiver 202 (dont une trentaine dans les cours d’école). C’est une partie du projet « ville perméable » pour faire face au réchauffement climatique et aux pollutions diverses.

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1 commentaire

paul

15/03/2022 à 11:49

difficile à rendre accessible la finance publique quand la municipalité ne sait même pas le montant des investissements 115? 127? 140? 150? a la louche... disons 157 MILLIONS !!!!!

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