Chambéry : des platanes et des hommes, Avenue de la Boisse

Quarante-six platanes : voilà le sujet central sur lequel les services techniques de Chambéry, maîtresse d’ouvrage de ces travaux d’aménagement de l’avenue de la Boisse, en co-financement avec le département et Grand Chambéry, ont dû se pencher afin de proposer des alternatives au projet initial d’aménagement. Il a fallu composer avec la santé de ces arbres majestueux, le cadre de vie et le trafic à cet endroit phare de l’entrée de ville. Et si quelques idées ont pu émerger, on ne pouvait prédire par avance lequel des trois scenari proposés allait être finalement le gagnant.

Diagnostic des platanes avant de proposer de nouvelles options

C’est un projet qui date de quelques années et qui doit composer avec la mutation d’un quartier en constante évolution : l’avenue de la Boisse et l’avenue du Grand-Verger sont, à l’échangeur 15, les axes d’entrée de ville quotidiennement empruntés par plusieurs milliers d’automobilistes. Avec l’éco-quartier Vetrotex, le futur nouveau stade, la piscine aqualudique, le centre funéraire mais aussi le parc d’activités du grand verger, il était apparu nécessaire d’aménager les voies de circulation pour que l’accès au centre ville soit facilité tant pour les véhicules automobiles que les usagers des transports en commun et les cyclistes, tout en préservant le cadre de vie. Pour mémoire, le projet initial prévoyait la suppression du carrefour à feux du pont des Chèvres, la mise en sens unique entrant de l’avenue du Grand-Verger, la mise en sens unique sortant de l’avenue de la Boisse, un nouveau barreau en sens unique Grand-Verger/Boisse, la création d’une voie réservée aux bus entrants sur la Boisse et le nouveau pont, pour les lignes A et 2, le développement d’un réseau cyclable sur des pistes cyclables, maillé par trois axes : nord/sud et est/ouest, ainsi que l’aménagement systématique de cheminements piétons et traversées piétonnes. Le 9 juin 2021, une consultation des habitants a été menée par la ville et a conduit à la suspension du projet en attendant de nouvelles enquêtes de faisabilité. Dans le même temps, un diagnostic était mené sur les 46 platanes longeant l’avenue de la Boisse afin de savoir lesquels allaient pouvoir être conservés. Sur 46 arbres diagnostiqués il apparaît que 18 peuvent être conservés, 19 devront être abattus sous 4 ou 5 ans, un seul sous 2 à 3 ans, 5 sous un à deux ans, et 3 ont déjà dû être abattus en juin 2021. C’est principalement l’état mécanique des arbres qui est à l’origine de cette nécessité d’abattage, tant des branches, du système racinaire ou du collet de ces grands platanes. Toutefois, les élus présents à la réunion publique du 13 avril ont tenu à rassurer les habitants : abattage ne signifie pas absence de replantation. Les projets proposés prévoient en effet de maintenir le verdissement de ces axes.

Les nouvelles options après les contributions des habitants

Bien sûr, le sujet des arbres était plus que sensible tant sous cette mandature que sous l’ancienne, ainsi que nous l’écrivions dans ces colonnes à l’été 2021 alors qu’un collectif était intervenu en début de séance du conseil municipal, le 5 juillet dernier : pétition, recueillant 474 signatures, afin de conserver l’ensemble des arbres avenue de la Boisse, malgré leur état sanitaire, création d’un collectif Boisse, dont l’idée était de geler le projet, ni plus, ni moins, la défense des arbres était alors totale. Après la réunion publique du 9 juin, la ville a donc recensé sur son site les contributions des habitants, afin de proposer deux nouveaux scenarii d’aménagement de ces axes, tenant compte, au mieux des desiderata des chambériens qui s’étaient exprimés. Le résultat de cette consultation est intéressant à plus d’un titre : préservation et pérennité des plantations, en cas d’abattage, qualité des aménagements paysagers en entrée et sortie de ville, transports en commun privilégiés, voies cyclables aménagées, avec même une proposition de site propre aux vélos… Si certaines propositions ont été écartées car techniquement trop complexes à mettre en œuvre, deux nouvelles suggestions ont été retenues et présentées aux habitants à la seconde réunion publique du 13 avril dernier. La première suggère une voie sortante sur l’avenue de la Boisse et le report d’une voie sur l’avenue du Grand-Verger ainsi qu’un carrefour entre l’avenue du Grand Verger et la voie nouvelle, ainsi que le maintien d’un carrefour à feux au pont des Chèvres. La seconde, préconise de reporter la circulation de sortie de ville par l’avenue de la Boisse vers la nouvelle voie, pour réserver l’avenue de la Boisse à la circulation des bus, sur deux voies en double sens, et des vélos. Elle propose également d’instaurer deux voies entrantes et une voie sortante avenue du Grand-Verger, et de maintenir un carrefour à feux au pont des Chèvres. De ces propositions, la ville a tiré deux variantes, avec un impact différent du projet initial sur la circulation mais aussi sur la végétation.

Variantes végétales… et financières

La première variante, dont l’idée forte est de supprimer la voie de bus sur la Boisse, s’accompagne de la création d’une voie dédiée avenue du Grand-Verger, mais également de la suppression soit d’une piste cyclable soit d’une noue plantée sur ce même axe. Cette variante permettrait la plantation de 6 400m² de nouvelles surfaces ainsi que 65 à 75 arbres plantés en compensation des arbres supprimés avenue de la Boisse. Avec la seconde variante, la surface de nouvelles plantations se réduit à 4 800 m² et 50 à 60 arbres seront plantés en contrepartie des arbres coupés avenue de la Boisse. Pour mémoire, le scénario de base proposé par la ville en juin 2021 préconisait certes de supprimer 50 arbres dont 39 avenue de la Boisse, mais d’en replanter entre 95 et 105, en plus des 6 400m² de nouvelles surfaces plantées. Or ce qui varie notablement d’une variante à l’autre, c’est bien entendu la surface et le nombre d’arbres conservés, mais aussi le prix des aménagements. Si les aménagements suivant le plan initial s’élèvent à un coût de 5 400 000 euros HT, la variante 2 s’élève à 6 250 000 euros HT, tandis que la voie médiane de la variante 1 s’avère la moins onéreuse, avec un montant de 4 900 000 euros HT. « La variante 1 pour la ville peut être intéressante pour sauver les platanes, avec d’autres inconvénients », soulignait Isabelle Dunod, « dans le scénario de base la végétalisation est déjà importante. La variante n°2 en revanche préserve plus de platanes, mais elle est pénalisante en matière de gaz à effet de serre, et d’impact sur le réseau cyclable. » Difficile de trouver un scénario parfaitement vertueux. C’est pourquoi les habitants ont encore jusqu’au 8 mai 2022, pour donner leur avis sur les projets d’aménagements proposés. Une manière de devenir acteurs du territoire, d’en saisir les enjeux et de mieux connaître également, les arcanes de la prise de décision au-delà des effets d’annonce, qui sait ?