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Présidentielle en Savoie : un premier tour au goût amer pour LR, opportun pour la majorité présidentielle et le RN

Par Laura Campisano • Publié le 11/04/22

Au terme d’une campagne qui n’a jamais vraiment décollé, les résultats du premier tour ont finalement tenu les promesses des sondages de ces derniers jours : Emmanuel Macron et Marine Le Pen seront face à face pour le second tour, même si Jean-Luc Mélenchon était sur le fil jusqu’à la dernière minute, tard dans la nuit. Dans le département, si durant une bonne partie de la soirée, les résultats partiels montraient la tendance inverse, plaçant la candidate frontiste en haut du tableau, c’est finalement Emmanuel Macron qui sort vainqueur de ce premier tour, tandis que Valérie Pécresse, candidate du parti majoritaire en terres de Savoie, a obtenu des résultats très faibles. Un premier tour au goût amer pour de nombreuses formations politiques, qui n’annonce pas un second tour gagné haut la main, loin de là.

Chambéry, Aix-les-Bains et Albertville auront dévoilé trois résultats bien différents qui finalement se retrouvent dans le classement de tête : la cité des Ducs a placé Jean-Luc Mélenchon en tête, Aix-les-Bains a penché pour Emmanuel Macron et Albertville, hissé Marine Le Pen en tête de peloton. La preuve que rien n’est si évident dans cette élection, aucune avancée si nette et une issue du second tour plus qu’incertaine. Du côté des militants et responsables politiques présents en Préfecture lors de la soirée électorale, dimanche 10 avril, mis à part le camp des Républicains, grand absent de la soirée, certains se sont montrés pragmatiques, d’autres visaient déjà les législatives car « quel que soit le gagnant, le Parlement devra rééquilibrer les choses » comme l’indiquaient les militants écologistes.

Peu de surprises, dans ce que certains nomment déjà « le match retour »

En effet, face à Emmanuel Macron en « finale », l’autre grande famille politique gagnante de la soirée était celle du Rassemblement national, dont le délégué en Savoie se montrait à la fois « content que les gens soient allés voter » , mais déçu « qu’ils ne soient pas plus allés voter dans les grandes villes. » Pour Brice Bernard, « Marine Le Pen dispose toutefois cette fois d’une plus grosse réserves de voix. »  En effet, la candidate frontiste pourra compter sur les voix de son homologue d’extrême-droite, Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, qui a immédiatement appelé à voter pour Marine Le Pen, tout comme Nicolas Dupont-Aignan. « De cette soirée, il y a deux choses à retenir », expliquait le référent Reconquête local David Berton, « le premier sentiment est qu’il ne s’agit pas du résultat que nous avions espéré, nous souhaitions rassembler toute la droite contre Emmanuel Macron. Aujourd’hui, nous retenons une chose c’est que notre mouvement a trois mois, et qu’il a rassemblé 4 millions d’électeurs, plus de 120 000 adhérents. Notre but est de bâtir l’avenir, et c’est pourquoi nous souhaitons présenter rapidement des candidats dans chaque circonscription sur le territoire national. Vous le savez, Eric Zemmour n’est pas un politicien, son but est de servir la France et devant le bilan catastrophique et l’absence de débat imposé par Emmanuel Macron, il faut que nous soyons tous unis face à lui. » Pour Emmanuel Macron, ce n’est donc pas une simple formalité de se hisser sur le podium le 24 avril prochain : si de nombreuses formations politiques ont dès dimanche soir appelé à le soutenir, pour d’autres, qui ont combattu le bilan du président sortant durant toute la campagne du 1er tour, ça n’allait pas de soi. « Pas une seule voix pour Marine Le Pen » a répété à trois reprises Jean-Luc Mélenchon dimanche 10 avril, tout comme Philippe Poutou, qui n’appelait pas à voter Emmanuel Macron. Quelle est donc la consigne de vote ? Pour Nathalie Arthaud en tout cas, c’est bien simple, ce sera le vote blanc. Voilà les électeurs de gauche une fois de plus bien perdus.

A Chambéry, Jean-Luc Mélenchon plébiscité, Marine Le Pen en recul

Car à Chambéry, c’est bien Jean-Luc Mélenchon qui sort vainqueur du 1er tour. Un résultat plus qu’honorable pour Bernard Trigon, relais savoyard de la FI : « C’est un très bon score, on voit que l’Union populaire existe y compris en Savoie qui est pourtant très à droite, très réactionnaire. On voit que des forces progressistes existent. Nous proposions principalement une transformation sociale, notamment de la constitution, parce que tout est verrouillé, nous sommes dans une forme d’oligarchie. La grande idée de Jean-Luc Mélenchon, le projet de loi était prêt d’ailleurs, c’est de mettre en place des RIC (référendum d’initiative citoyenne) comme en Suisse ou en Uruguay, pour permettre à la population de participer à la politique. On ne vote jamais les lois entre les élections: on est spectateurs. Je remercie tous les militants, les électeurs, les classes populaires. Nous devons nous appuyer sur l’union populaire pour lutter contre la politique régressive d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen. » Une avance sur le RN notamment, qui ne surprend pas Christelle Favetta-Sieyès, troisième adjointe au maire de Chambéry, mais également présidente départementale de l’UDI, « Chambéry n’a jamais été attirée par le RN, il n’y a jamais eu de candidat RN sur les dernières années, la ville n’est pas frappée par les extrêmes », a-t-elle rappelé, « la leçon à retenir de cette campagne est que Eric Zemmour a décomplexé le vote RN, Marine Le Pen a progressé sur le fond et la forme, a une image adoucie et professionnelle certes, mais elle ne gagne pas à Chambéry. Le score du RN n’est donc pas une surprise à Chambéry, mais qu’elle soit en tête dans le département si » (les résultats définitifs plaçant Emmanuel Macron en tête n’étaient pas encore sortis au moment de cette interview, NDLR). L’élue était très claire sur la consigne de vote au second tour, « vu ma famille politique et faisant partie du bureau, je défends le vote en faveur d’Emmanuel Macron », a-t-elle repris, « j’ai beaucoup d’inquiétude pour ce 2e tour, je suis très inquiète car les réserves de voix sont comptablement supérieures chez Marine Le Pen. De plus, 1/4 des électeurs de Jean-Luc Mélenchon ne se sont pas rendus aux urnes au premier tour. Il y a trop d’incertitudes, et ce 48/52 au second tour, personne ne sait encore dans quel sens, je ne saurais le dire. Quand on entend ce soir parler Emmanuel Macron de » grand rassemblement «, justement, le vote en faveur de Marine Le Pen, de l’ex-droite décomplexée, pourrait s’élever contre ce rassemblement, cet » anti-système « des électeurs plus traditionnels aurait la tentation de casser tout ça. Cela fait 20 ans qu’on nous promet le chaos, là on est à minuit moins trente secondes d’un mini-cataclysme. » a-t-elle estimé. L’arrivée d’Emmanuel Macron et ce qu’il représente, le « ni de droite ni de gauche » qui se veut rassembleur, a semble-t-il brouillé les ondes des grands partis traditionnels, tels que Les Républicains et le Parti socialiste, grands perdants de la soirée électorale, comme l’analysent les socialistes « Nous essayons de rester pragmatiques, c’était le résultat qui nous était annoncé », commente Damien Ancrenaz, premier secrétaire du PS Savoie, « et nous voyons une tendance qui se confirme : alors qu’il y avait précédemment deux pôles de gauche et de droite, Emmanuel Macron a provoqué une recomposition de tendances attachées autour de sa candidature, et d’autres plus radicaux comme les extrêmes. Désormais il y a trois pôles, l’un très social, un autre très libéral et un dernier très conservateur. » Ce qui amène certains à se positionner d’ores et déjà pour les législatives, alors que le 2e tour n’a pas encore eu lieu.

Des législatives à préparer dés maintenant pour créer un équilibre parlementaire

Des déçus il y en a eu plus d’un, tant sur le plan des idées que des institutions, trop verrouillées pour exprimer une véritable opinion politique, donnant donc le seul choix du vote utile ou de l’abstention à de nombreux électeurs. Pour rééquilibrer cette situation, certaines formations anticipent le résultat du second tour, en se remettant tout de suite au travail pour les élections législatives.  C’est le cas d’EELV, dont le candidat Yannick Jadot ne dépassait pas dimanche soir, la barre des 5% des voix au national EELV : « Les législatives vont devoir rééquilibrer ce qu’il se passe ce soir », a ainsi réagi Alexandra Caron Cusey, « qu’il s’agisse des méthodes brutales sous le règne d’Emmanuel Macron, le rapport du GIEC, il n’est pas possible de continuer de cette manière durant 5 ans. Le Parlement doit rééquilibrer les choses et c’est pourquoi nous devons dès maintenant on est en campagne, pour remettre le Parlement au centre. » Nous appelons à faire barrage à l’extrême-droite «, renchérit Marc Pascal, » tout en ayant conscience que si certains votants écologistes voteront pour Emmanuel Macron, d’autres s’abstiendront. Ce sont deux périls qui ne sont pas de même nature. «  » Face à la crise démocratique que nous traversons, il nous faut quelques gages de la part du Président-candidat «, reprend Alexandra Caron Cusey, » ce quinquennat ne peut pas se reproduire à l’identique, il faudra des modifications démocratiques pour sortir de l’ornière. Tous les enjeux, on les connaît, nous n’avons pas le luxe de poursuivre cinq ans, sans se battre pour le climat ou la justice sociale. Il va falloir que l’Assemblée Nationale joue son rôle de contre-pouvoir. Les législatives vont venir porter ces enjeux. La brutalisation de la société, la criminalisation des mouvements sociaux, le mépris démocratique, cela amène à la banalisation des thèses de l’extrême-droite, même si ce n’est pas la même chose si c’est Emmanuel Macron qui passe le second tour, dans les deux cas, il faudra y aller, parce qu’il est urgent de tenir compte des enjeux majeurs de notre temps. « Un raisonnement que tempère toutefois Christelle Favetta-Sieyès, pour qui  » chaque chose viendra en son temps, et à ce moment-là, j’espère que chaque formation politique prendra ses responsabilités et qu’elles porteront également un programme. « Une chose est sûre, ce premier tour, à l’image de l’ambiance étrange qui régnait en préfecture dimanche 10  avril à mi-chemin entre satisfaction, prudence et désolation, prouve une fois de plus que rien n’est jamais gagné d’avance en politique, quelles que soient les tendances dessinées par les sondages d’opinion.

En bref : sur le département, l’abstention s’élève à 21,32% pour 78,68% de votants. En 2017, la participation était légèrement supérieure (79,77%).

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