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Savoie : comptes de campagne insincères et inéligibilité en suspens pour deux élus départementaux
Par Laura Campisano • Publié le 01/04/22
C’est une décision qui est passée sous les radars et qui pourtant pourrait bien changer la donne dans un des cantons savoyards. Une décision du Tribunal administratif de Grenoble, en date du 7 mars 2022 et rendue à l’issue de l’audience du 3 mars précédent a déclaré démissionnaires d’office deux conseillers départementaux de Savoie, Christian Grange et Nathalie Furebeyre, en raison de l’insincérité de leurs comptes de campagne, les condamnant à une année d’inéligibilité. Si le Conseil d’Etat est saisi, puisque les élus ont fait appel de la décision, il n’en demeure pas moins que la situation mérite un éclairage.
Un petit séisme à bas bruit dans l’hémicycle départemental que cette décision du 7 mars 2022, à la suite d’une saisine du Tribunal administratif par la commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP) du 17 décembre 2021, suite au rejet des comptes de campagne de deux candidats, élus depuis dans le canton de Modane, aux élections départementales des 20 et 27 juin 2021. La décision anonymisée, en libre accès sur le site de la juridiction, précise les raisons d’une telle décision : le non-respect des délais impartis pour déposer leurs comptes de campagne, et les justifications, semble-t-il non-concluantes, les intéressés « demandant la bienveillance du tribunal ».
Obligation de dépôt des comptes de campagne
Pour comprendre la genèse du problème, il faut se référer aux règles électorales, notamment prévues à l’article L 52-12 du code électoral : les candidats aux élections départementales doivent déclarer un mandataire financier auprès de la Préfecture ; de plus, pour se faire rembourser leurs frais de campagne, tirés sur un compte ad hoc, ils doivent respecter non seulement des plafonds mais aussi des délais, que la CDCCFP vérifie. En l’occurrence, ce sont les conditions de forme qui font défaut aux deux élus savoyards. En effet, alors qu’ils devaient déposer leurs comptes de campagne via un expert-comptable avant le 27 août 2021, le compte déposé le 10 août ne remplissait pas l’obligation de certification. Le 20 octobre 2021, les intéressés ont déposé un second compte de campagne, hors délai, certifié cette fois, mais présentant des différences notables avec le précédent. Le Tribunal administratif relève donc « qu’il ne peut être regardé comme une simple régularisation. Dans ces conditions c’est à bon droit que la CNCCFP a prononcé le rejet du compte de campagne des intéressés et saisi le tribunal administratif sur le fondement de l’article L 52-15 du code électoral. » Cette situation a donc entraîné le non-remboursement des dépenses de campagne par la préfecture de Savoie, mais bien plus, elle a eu pour conséquence le prononcé de la démission d’office des élus et leur condamnation à un an d’inéligibilité.
Elections partielles à organiser ?
Pourquoi une telle sévérité ? Les élus ont sollicité la clémence du tribunal qui n’a pas entendu leurs arguments. Au contraire, la juridiction a estimé qu’ « en s’abstenant de déposer un compte de campagne présenté par un expert-comptable dans les délais prescrits, les défendeurs ont commis un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales que les intéressés ne pouvaient raisonnablement ignorer […] Dans ces conditions, cette irrégularité, qui doit être regardée comme présentant un caractère délibéré, est constitutive d’un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. » En effet, le second compte déposé présentait des sommes inférieures de moitié au premier compte, « du fait de la non prise en compte de frais de réception et d’impression des documents de propagande. » Une faute que la juridiction a donc sanctionné en prononçant l’inéligibilité des deux conseillers départementaux. Démissionnaires d’office, si le Conseil d’Etat confirme cette décision en appel, le binôme d’élus – Christian Grange et Nathalie Furbeyre – devra céder son fauteuil, tout comme leurs suppléants – Rozenn Hars et Florian Chinal – car des élections partielles devront de facto être organisées dans un délai de trois mois, au terme de l’article L 221 du code électoral « En cas de démission d’office déclarée en application de l’article L. 118-3 ou en cas d’annulation de l’élection d’un candidat ou d’un binôme de candidats, il est procédé à une élection partielle, dans les conditions prévues au point VI du présent article, dans le délai de trois mois à compter de cette déclaration ou de cette annulation. » Toutefois, l’appel, suspensif, ne donnera pas lieu à l’application immédiate de la décision de démission d’office immédiate, les élus demeurant pour l’heure dans leur siège. Contacté par nos soins, Christian Grange n’a pas encore donné suite à notre demande d’entretien.De même, la Préfecture de Savoie, destinataire au même titre que les intéressés et la CNCCFP de la décision du 7 mars 2022, n’a fait aucun commentaire sur le sujet suite à nos sollicitations, à l’instar du Conseil départemental. Cette décision démontre toutefois si besoin, l’extrême importance de la forme comme du fond dans l’organisation électorale, et, à quelques encablures de l’échéance présidentielle, que tout n’est pas permis ou impuni, en politique.
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