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Savoie : dans la perspective du 2e tour, le Rassemblement national ouvre la porte « à tous les patriotes »
Par Jérôme Bois • Publié le 11/04/22
Mines réjouies, dimanche soir en Préfecture. Sur les coups de 22h, tandis que les scores provisoires (les résultats sur les grandes villes n’étaient pas encore connus) leur étaient favorables, les représentants du RN en Savoie affichaient un double satisfecit : d’abord parce que Marine Le Pen caracolait en tête sur le département (avant la remontada d’Emmanuel Macron) mais surtout parce qu’on allait rejouer le remake de 2017, avec cette fois-ci, d’autres arguments à mettre dans la balance.
Y’aura-t-il un gros événement en Savoie, afin de marquer le coup ? « On réfléchit à faire venir quelqu’un » , souriait Brice Bernard dans les salons de la Préfecture, dimanche 10 avril. Parce qu’il faudra bien alimenter la dynamique du mouvement à Marine, tandis que la majorité présidentielle espérait déjà un grand meeting local pour les jours à venir. Le deuxième tour avait commencé dans les têtes, à peine les premiers résultats parvenus. Penser à demain, avoir un coup d’avance, séduire les abstentionnistes, les hésitants, les invisibles et les Zemmouriens, les représentants du Rassemblement national en étaient déjà à se projeter à demain, une fois les sourires partagés.
« Les gens sont allés voter, en Savoie, c’est une grande satisfaction » mais Brice Bernard relativisait, « le taux d’abstention a été trop élevé et ils n’ont que trop peu voté dans les grandes villes » , de France comme de Savoie. Trop peu voté Marine, défaite dans les grandes largeurs à Chambéry, à Aix-les-Bains, à La Motte-Servolex alors qu’elle était en tête dans les cantons d’Albertville et de Saint-Jean-de Maurienne…
Bis repetita
Cependant, alors que la soirée était finissante, le vote Mélenchon se rapprochait dangereusement du RN, l’idée d’un revirement prenait corps lorsque moins de 1% séparèrent le RN de la FI (0,8% d’écart à 22h30). Les résultats des grandes villes françaises montraient qu’une inédite remontada était à l’œuvre, Jean-Luc Mélenchon partait néanmoins de trop loin pour échouer à quelques 500 000 voix de Marine. Le remake de 2017 aura bien lieu.En 2017, justement, Marine Le Pen avait atteint les 21,30% au premier tour* (21,71% en Savoie), score insuffisant à l’époque pour espérer davantage qu’un 2e tour de luxe face au vainqueur annoncé. Et cette année ? Tout indique que la finale sera indécise, serrée, pas jouée d’avance et ce même si l’écart avec le président s’est creusé par rapport à il y a 5 ans**. Et quand bien même la plupart des candidats défaits appelèrent à voter Emmanuel Macron une fois la déception évacuée, lui qui avait été affublé d’une cible dans le dos par les onze autres candidats durant toute la campagne. Sans doute n’avaient-ils pas assez pris la mesure du glissement de terrain qui s’opère en France depuis plusieurs années, le Rassemblement national et la France Insoumise ont poussé sur les cendres du PS et des Républicains tandis qu’Emmanuel Macron est désormais érigé en seul rempart face aux extrêmes… Or, cette fois-ci et par rapport à 2017, « les réserves de voix sont nombreuses, de Nicolas Dupont-Aignan aux autres électeurs, mélenchonistes notamment » , nuance Brice Bernard. Sans compter les électeurs d’Eric Zemmour, dont les 7,1% (7,32% en Savoie) pourraient peser dans la bataille. Il pointait en outre les accointances idéologiques entre la FI et le RN au même moment où Jean-Luc Mélenchon annonçait vouloir faire barrage à l’extrême-droite – « pas une seule voix ne doit aller à Marine Le Pen » – avait-il martelé. « Tous contre l’extrême-droite ? Les vieilles méthodes… » ironisait le délégué départemental. « J’ai aimé certaines propositions de Mélenchon et de Roussel ». La drague venait de commencer. « Le quinquennat d’Emmanuel Macron, ce fut plus de casse, moins d’écoute. Avec Marine Le Pen, on stoppe la casse, on rassemble, autour du social, du pouvoir d’achat, de l’immigration… » Jusqu’à rassembler des électeurs de gauche ? Qui sait…
Le RN fait bien partie du paysage savoyard
En 2017 en Savoie, Marine Le Pen avait conquis 52 448 électeurs, ils ont été 56 733 cette année, démontrant ainsi que le RN est bien une composante majeure du corps électoral savoyard. Une bascule qui devra toutefois se vérifier lors des législatives de juin prochain. « Il y a eu un glissement sur le département opéré aux européennes tandis que se poursuit la désagrégation de la droite pourtant majoritaire sur le département. Quant à Anne Hidalgo, elle a fini d’enterrer le PS ». Les lignes ont bougé, le bipartisme originel de la Ve République a vécu, ici aussi. Les législatives naissantes font espérer un gain bien plus important qu’en 2017 lorsque 7 députés RN furent élus sur l’ensemble de l’Hexagone.Sur le terrain, le RN appliquera ces deux prochaines semaines, les mêmes recettes qu’hier, une campagne agressive, « les sorties d’usine, de fac, les marchés, les réseaux sociaux » , énumérait Brice Bernard, « le bus de campagne sera présent vendredi 15 avril et un grand meeting se tiendra en Avignon » , et signe que l’heure est à la mobilisation « nous appelons tous les patriotes à nous rejoindre, il n’y a pas d’autre choix ». Un message adressé aux nombreux transfuges du RN vers Reconquête – avec pertes et fracas, souvent -, une tendance qui s’était autant vérifiée à l’échelle locale que nationale (lire notre article du 19 février). « Emmanuel Macron ne dispose que d’une petite réserve de voix, le rapport est cette fois-ci égal » , jubilait-il. Les premières estimations, dimanche soir, faisant état d’un 52% – 48% en faveur du président sortant au second tour. Signe que le vent a tourné et que la France serait enfin prête à ouvrir grand ses bras à un membre de la famille Le Pen pour la troisième tentative ?
* La candidate du RN a rassemblé 8 136 369 électeurs, soit 456 876 de mieux qu’en 2017 (7 679 493).
** En 2017, un peu moins d’un million d’électeurs séparèrent les deux candidats. 5 ans plus tard, l’écart s’élève à plus 1,4 million de voix.
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