Aix-les-Bains : Jacques Perconte met l’art à portée de pas

Mercredi 4 mai, le soleil venait de déserter les rives du lac pour faire place à un ciel tempétueux. Les éléments s’apprêtaient aussi à inaugurer le travail de Jacques Perconte, rue de Savoie, en présence du directeur général et artistique de la Brèche festival, Antoine Thiollier, de Sven l’accordéoniste, des commerçants de la rue, de l’adjointe à la culture Isabelle Moreaux-Jouannet et des représentants de la fédération des commerçants aixois, partenaires du projet. La pluie aura eu l’élégance de patienter jusqu’à la fin des discours pour apparaître, l’essentiel était ailleurs, évoqué par les senteurs de fromage fondu et d’ail des ours.

Une fresque de 38 mètres

Pour cette édition du festival, qui s’étale sur quinze jours et sur cinq communes, la Faac et la ville ont souhaité faire revenir un amoureux du coin, déjà présent il y a trois ans, sur ce même festival dédié à la musique de chambre, à l’opéra, aux musiques du monde et au jazz. Jacques Perconte est de retour, il a tenu à ce que son come-back soit des plus colorés. « Je suis attaché à revenir dans les endroits que j’aime » , confiait-il, rappelant ainsi l’expo qu’il avait offerte au musée Faure de mars à mai 2019. Sa fresque, disposée à même les vitrines des commerces de la rue de Savoie, mesure 48 mètres de long et relève d’une prouesse technologique, mettant en scène la déambulation à l’intérieur du travail plastique de l’artiste. « J’ai additionné des structures colorimétriques pour réaliser une stratigraphie des mouvements, tentait-il d’expliquer, ça donne une sorte de chaîne montagneuse » dans laquelle certains voyaient poindre la Dent du Chat. Une œuvre à l’échelle d’une rue, rien que ça. Inaugurée le 4 mai, elle sera visible jusqu’au 22 courant. Et puis, non content de redessiner une rue entière à son image, l’artiste exposera en parallèle une œuvre vidéo au musée Faure et rendra, avec Salammbô, imaginé en compagnie du compositeur Othman Louati, un vibrant hommage à Gustave Flaubert, en images et en texte, au cinéma Victoria, le 5 mai à 20h. Ce festival, comme l’indiquait Antoine Thiollier, « fait découvrir des choses que aimez déjà sans même le savoir » , une formule audacieuse validée par les regards écarquillés face à la fresque monumentale.

Un pionnier au Conseil de l’Europe

Parce que Jacques Perconte ne fait rien comme les autres. Pionnier de l’art sur internet, il se plaît à « travailler sur la force radicale de la matière numérique », comme il l’écrivit dans son ouvrage « Bien plus fort que la haute définition », en 2010. Film linéaire, film génératif, photographie, performance audiovisuelle, son travail est multiple et ne pourrait mieux être défini que par ces mots, « découvrir le travail de Jacques Perconte, c’est partir en voyage dans un pays aux paysages magiques où le temps se dilate. Les couleurs jaillissent de toutes parts. L’image devient une matière picturale pour transformer l’écran de cinéma en véritable peinture ». Et comme pour rappeler à quel point le gigantisme est l’une de ses signatures, voilà qu’il a été choisi pour représenter la France à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne. C’est une tradition, lors de chaque changement de présidence, les bâtiments du conseil européen sont redessinés, réappropriés par un artiste. « L’étoffe de l’Europe » a ainsi été inaugurée le 10 janvier dernier. Elle a été proposée par l’agence d’architecture
et de scénographie Ateliers Adeline Rispal en lien avec l’agence de design graphique Si | Studio irrésistible et mise en lumière par Les Eclaireurs. Déclinée sous plusieurs formes (numérique, textile et visuelle), elle a offert un champ d’expression à Jacques Perconte pour sa part sonore et numérique. Son œuvre, Aour Europe,  constitue un tissage vivant d’images animées, fruits de la géographie sentimentale de l’artiste et des images filmées des paysages européens qu’il a ramenés de ses voyages. Une grandiose mise en valeur de son art si rare…