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Législatives : François Gaudin ou le bon moment

Par Jérôme Bois • Publié le 14/05/22

Le contexte « spécifique » que l’intéressé mit en avant au moment de sa déclaration de candidature, fait de crise économique post Covid et de défiance généralisée, début avril, n’intégrait pas encore la rouste subie par la droite à la dernière présidentielle. En Savoie, le vote LR a chuté et François Gaudin, comme ses collègues, devra proposer « quelque chose de différent » pour gagner la foule. Il se dit prêt, à 53 ans, à une telle aventure, fort de son expérience née de ses responsabilités auprès des associations étudiantes, des jeunes en insertion et enfin, des habitants de Grésy, dont il est le maire et le premier interlocuteur.

C’était sans doute le bon moment. François Gaudin a choisi de faire le grand saut à 53 ans, et de se lancer dans un vaste combat, celui de la 4e circonscription de Savoie. « 14 ans que je suis maire, je trouvais important de m’engager pour quelque chose de différent, entame-t-il, c’est mon territoire de cœur, toutes mes racines sont ici, ma mère est de Grésy, mon père des Bauges et des racines me raccrochent à Chambéry-le-Haut » où son père exerçait en tant qu’enseignant et directeur d’école. De la ruralité baujue à Chambéry l’urbaine, sur un territoire inégal, la tâche ne s’annonce pas simple surtout que « les concitoyens ont du mal à se raccrocher à la politique. Or, le député doit être proche des gens, pas des Parisiens ».

De Grésy-sur-Isère, dont il est maire, à Chambéry, où il a vécu toute sa jeunesse, François Gaudin est sur territoire.

Il lui faudra réaliser le grand écart, entre ses fonctions de maire d’une commune de 1 242 âmes, celles de vice-président d’Arlysère (la communauté d’agglomération d’Ugine, d’Albertville, du val d’Arly, du Beaufortain et de la haute Combe de Savoie), et une campagne qui le conduira à devoir séduire les urbains de Chambéry comme les montagnards des Bauges. Pour ce faire, il se dit proche « des acteurs économiques » du territoire et a sa méthode, celle rôdée par de nombreuses années au service des autres, on le verra.

Le grand Charles

Une jeunesse sur les Hauts plutôt heureuse, où le sport alimentait le quotidien. C’est en arrivant en fac d’histoire politique contemporaine qu’il s’intéresse à la chose publique, via le milieu associatif étudiant. Le voici engagé dans l’association des étudiants de Montpellier, dont il finira même par prendre la présidence, puis celle de la fédération française des associations d’étudiants d’histoire. « J’étais très impliqué, comme marqué par le service et la défense des intérêts des étudiants. Et forcément, lorsque vous devenez un leader étudiant, vous êtes repéré par les élus ». Parallèlement, l’étude de l’histoire le mènera à se confronter aux idées et donc, à des inspirateurs. Ainsi François Gaudin sera fortement influencé par le grand Charles, « capable de travailler autant avec les communistes que la droite, au sein du conseil national de la résistance dont il était le président. Il a créé une société qui dure et toutes les valeurs que l’on défend viennent de là ». Il admet le modèle quelque peu « dévoyé, on peut abuser de ce système, je ne suis pas sûr que la valeur travail soit aujourd’hui la même que ce qu’elle était à l’époque mais une chose est sûre, en France, vous n’êtes jamais laissé de côté ». La solidarité, une vertu cardinale qu’il fera sienne tout au long de sa vie. « Le gaullisme, c’était le bon sens, le pardon après la deuxième guerre mondiale, l’attachement à la patrie mais l’ouverture sur le monde, aussi ». De Gaulle, sa boussole…

« Mettre les jeunes en mouvement »

En 1994, tandis que les étudiants de France manifestent au son des « Balladur, t’es foutu, les jeunes sont dans la rue » , en réponse au contrat d’insertion professionnel (CIP), le jeune François est appelé à réfléchir sur l’insertion, justement, « en pleine crise du marché de l’emploi ». Il devient responsable de l’Afij, l’association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, liquidée en 2013. De 1995 à 2005, il se charge du développement de la structure sur tout le Languedoc-Roussillon et de retour en Savoie, il implante l’Afij à Chambéry et Annecy, puis à Paris. Tout en vivant parmi les montagnes. Trop contraignant, et pour être parmi les siens, François Gaudin rejoint la mission locale jeunes d’Albertville Tarentaise, dont il prend la direction, puis celle d’Aix-les-Bains et enfin, histoire de boucler la boucle du tour des Bauges, celle d’Annecy. Son idée, « me consacrer à l’emploi des jeunes de manière innovante » , il est appelé à travailler avec le monde économique, politique, syndical. Son credo, « plus vite on se teste au travail, plus vite on trouve le goût de se bouger ». Et pour leur faire recouvrer de la confiance, il imagine des chantiers humanitaires, d’abord à l’échelle locale puis à l’étranger, au Sénégal, au Maroc, au Mali, avant que le territoire ne devienne hostile. Cette année, à partir du 15 mai, via l’opération « 100% citoyens », neuf jeunes vont prendre la route du Maroc sous l’égide des missions locales jeunes d’Annecy, Thonon, Aix, Albertville et de Chambéry.

Proximité, engagement, solidarité, ses valeurs cardinales…

« Il faut faire preuve d’ingéniosité pour financer de telles opérations mais nous tenons à montrer la capacité qu’ont ces jeunes à s’investir dans un projet. Quand ils reviennent, ils sont comme transfigurés, ils ouvrent leurs yeux aux autres, c’est leur pierre à l’édifice. Mettre les jeunes en mouvement, c’est un beau projet ».

« Je suis imprégné du local »

S’il lui est venu à l’esprit d’être journaliste, son intérêt pour la vie locale se manifeste alors qu’il étrenne ses galons de correspondant local de presse, pour le Dauphiné Libéré. Quand, en octobre 2006, Pierre Bonnet, le maire de Grésy-sur-Isère décède, François Gaudin entre au conseil municipal avant d’en devenir maire en 2008, fonction qu’il ne quittera plus. « C’est le mandat de la proximité, j’avais simplement envie de développer mon village ». Grésy avait été chef-lieu de canton avant de connaître un fracassant déclin, « les commerces fermaient, les services partaient… J’avais voulu faire en sorte que tout le monde se bouge pour redonner de son lustre à ce village. On a des idées, plein, on veut qu’elles se concrétisent toutes et vite mais le temps de réalisation est long. Il faut convaincre, maîtriser la complexité administrative des procédures, composer avec la technocratie parisienne, travailler en concertation avec les habitants comme avec nos partenaires… » Un travail harassant, à plein temps, qui ne laisse aucune place à l’indolence.

« Je suis imprégné du local » , martèle-t-il, n’hésitant pas à vertement critiquer les décisions « hors sol » venant de Paris dès lors qu’elles rognent sur les prérogatives des élus de terrain. Ainsi, il s’imagine tout à fait tenir des positions différentes de celles de son groupe politique s’il les jugeait peu pertinentes. « En 2017, de nombreux députés LREM venaient de la société civile mais manquaient d’ancrage » , ce qui les éloigne de cette proximité qu’il chérit tant. « Si des lois ne vont pas dans le sens des concitoyens, je vote contre, c’est ma règle ». En homme libre et pragmatique. Et député lui semble le mandat ad hoc, « car j’ai la connaissance des dossiers, sur l’aménagement du territoire, sur l’emploi, etc. » Suppléant d’Alexandra Turnar en 2017, l’idée de se présenter en son nom propre lui était restée dans un coin de la tête, le voici aux commandes de son destin parlementaire, secondé par Cristel Alzay sa suppléante, engagée pour faire entendre la voix des femmes.

Confronté à un sacré défi, réhabiliter une droite plongée dans un grand bain d’eau froide ici-bas comme au national, il souhaite « apporter un peu de fraîcheur » dans un combat où la personnalité des candidats joue pour beaucoup au moment de la distribution des prix. Et pour commencer, il s’est attaqué à la consultation des habitants, nouvelle « offre » visant à « rapprocher les gens de la politique ». Avec par conséquent le moins de réunions possible, une permanence ouverte et des initiatives ciblées, qui semblent signifier la fin des méthodes de campagne traditionnelles. Lancée médiatiquement le 2 avril, sa campagne sera malgré tout « rapide, il faut pouvoir rencontrer tout le monde, sur les 47 communes de la circonscription » , d’ici au 10 juin, minuit. Mais le travail de terrain, il connaît…

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