Longtemps en balance avec Marina Ferrari pour la représentation de la 1re circonscription sous la bannière majorité présidentielle « Ensemble ! », le maire de Brison-Saint-Innocent a choisi d’y aller seul, contre toute attente, même sans le précieux sésame délivré par les instances nationales de cette même majorité. Lui affirme que la décision – en faveur de Marina Ferrari – était connue depuis longtemps. C’est pourquoi l’élu de terrain, comme il le martèle, s’engage. Au nom d’une majorité présidentielle… libre et d’une volonté farouche de défendre son terrain de jeu, la Savoie et principalement sa circonscription.
Pas content le représentant départemental de Renaissance (ex-LREM)… Heureux et fier d’enchaîner les présentations successives de Marina Ferrari à Jongieux et de Xavier Trosset à La Ravoire, vendredi 20 mai, mais fort contrarié par ailleurs. Christian Saint-André s’autorisa un petit mot à l’adresse de ceux qu’il appelle « les dissidents » , ceux-là même qui ont fait le choix de partir contre le gré de la majorité présidentielle (lire encadré). « Il se dit de la majorité présidentielle libre, ce n’est pas acceptable » , sifflait-il. Longtemps en balance avec Marina Ferrari pour l’investiture d' «Ensemble ! », l’intéressé affirme quant à lui que tout était joué depuis longtemps.
L’homme d’un territoire
Qu’importe, Jean-Claude Croze, puisque c’était de lui dont il s’agissait (et d’un certain Philippe Troutot, sur la 2e circonscription), laisse les attaques glisser sur lui. Lui a pris tout le monde de court en se déclarant, se dit « sans étiquette politique » et se présente « en tant qu’élu de terrain » pour défendre ses valeurs. « Les Français attendent autre chose que les tambouilles politiciennes » , pointe-il en référence à l’infortuné Damien Abad, dont les variations d’un camp à l’autre ont fait les beaux jours de la presse satirique. Sa majorité à lui sera donc libre, « c’est un espace politique qui existe mais qui n’est pas rempli ». Au centre droit, alors que le MoDem occupe le centre gauche et les Républicains, le champ de « la droite dure ». « Je suis homme d’un territoire, pas d’un parti, argue-t-il. Aussi, je n’ai pas signé la charte m’imposant de suivre l’intégralité de la ligne d’Emmanuel Macron », série de 12 engagements à tenir pour être estampillé « Ensemble » à ces législatives 2022. « Il faut redonner du pouvoir au peuple, il y a trop de députés-hors sol » , raille le maire saintinnois. Beau joueur, il salue l’action de Typhanie Degois, députée « débarquée très jeune dans ce milieu de machos mais qui a su se montrer très active ».
Adhérent « Horizons », dont il est le coordinateur local, mais sans pour autant représenter le mouvement créé par Edouard Philippe à ces élections, Jean-Claude Croze assure ne pas s’être battu pour le rôle, « j’ai été très clair avec les gens d’Horizons, j’y allais seul car je respecte l’accord national passé dans le cadre de la majorité présidentielle ». Et bien que « Macron compatible » (il avait été le premier maire savoyard à parrainer Emmanuel Macron), l’élu n’a pas souhaité jouer les groupies du président. « Il y aura de la recomposition en France, prophétise-t-il, les deux extrêmes et une sorte de ventre mou, c’est non, on ne peut pas rester comme ça. Plein de mouvements peuvent coexister mais il nous faut fixer des règles pour éviter les baronnies. La France mérite mieux que ces partis qui mettent un nom sur une circo pour toucher l’euro 42 par voix obtenue* ».
« J’ai les pieds sur terre »
Comme en 2021, le maire de Brison repart en campagne avec Linda Profit, son binôme aux départementales (perdues), sa suppléante désormais. Un tandem qui fonctionne. Et c’est à Brison même, sur la base de loisirs au bord du lac que sa candidature s’officialise, dans un cadre enchanteur bien que brassé par les vents, « là où tout a commencé pour moi, entonnait-il. J’ai une bonne connaissance du territoire, grâce notamment à mon travail sur le PLUi de Grand Lac et sur son urbanisme ».
Sa vie professionnelle épouse les contours de ses passé et présent politiques, marquée du sceau du terroir. Directeur de la FDSEA (la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles), trait d’union entre les territoires urbain et rural, le voici prêt à exercer son rôle de député auquel il n’avait jamais prétendu jusqu’ici. Jean-Claude Croze se dit favorable à la simplification des lois – « pour une loi créée, deux lois doivent être supprimées » -, se veut le garant du contrôle de l’action gouvernementale car « je ne vois pas comment des députés quasiment nommés par le président lui-même peuvent exercer ce pouvoir de contrôle » , et de la mise en place des politiques publiques. « J’ai aussi des propositions à faire, souffle-t-il, la voix éteinte par un vent qui ne faiblissait pas, sur les retraites, qui doivent être réindexées sur l’inflation, sur la loi de finances votée chaque année et dont il est nécessaire d’analyser chaque ligne, comme nous le faisons dans nos communes ».
Attentif au devenir des agriculteurs, il entend faire bouger les lignes dans un milieu d’initiés . «J’ai les pieds sur terre » , confirme l’homme. « Nous sommes tous de passage, reprend Linda Profit, y compris les responsables politiques, avoir des politiques qui se professionnalisent nous pose problème. Jean-Claude n’est pas là pour lui mais pour servir les citoyens ». « Oui, nous avons besoin de ré-oxygéner la vie démocratique qui manifeste pourtant plus de résistances. On est dans l’entre-soi ! Les engagements trop longs, c’est non ! Nous devons être capables de susciter des vocations et être inspirants » , poursuit Jean-Claude Croze, par ailleurs seul maire de Savoie à se présenter.
Sans local de campagne, sans grands moyens mais avec une équipe de bénévoles qu’il espère bien conserver une fois élu, Jean-Claude Croze se présente tel l’électron libre dans un univers d’atomes crochus. Il cessera tout autre activité si élu, s’appliquera la retraite à 65 ans si la réforme venait à être entérinée et s’attachera à préparer la relève. « Mon ADN, c’est le territoire » , conclut le candidat… libre mais drôlement observé.
* En effet, il s’agit du montant qui correspond à l’enveloppe destinée chaque année aux financements des partis, sur la base des résultats obtenus aux législatives. Depuis 1988, les formations qui font plus d’1 % dans au moins 50 circonscriptions touchent une première tranche d’aides, sur la base du nombre de voix récoltées.
Selon « Ensemble ! », une tentative d’usurpation
Lundi 23 mai, « Ensemble ! » nous faisait parvenir un communiqué lequel dénonçait ces candidats qui « cherchent à semer le doute » dans l’esprit des électeurs. Un texte copié-collé où seul le nom et la circo étaient modifiés et qui a fait bondir de nombreux candidats, rapportait Libération. « Marina Ferrari est sa seule candidate dans la circonscription (…) Si d’autres candidats se revendiquent comme appartenant à la majorité présidentielle, il s’agit alors d’une usurpation. Des procédures seront engagées à leur encontre car cette confusion ne peut persister, et il est plus que regrettable que certains cherchent à semer le doute chez les électeurs » , indiquait ce communiqué signé Richard Ferrand, président d’Ensemble !, François Bayrou, Edouard Philippe, vice-présidents, et Stanislas Guerini, secrétaire général. Par ailleurs, le terme « naturellement » appliqué sur l’affiche de campagne du candidat rappelle, selon Christian Saint-André, le nom de la liste portée par Marina Ferrari lors des municipales 2020, « Pour Aix naturellement ». « Oui, effectivement, on me l’a dit après, sourit l’intéressé, ce terme me caractérise et je ne pense pas que ce soit un modèle déposé. Je trouve que ces gens manquent un peu de sérénité et je ne pense pas que m’attaquer soit à leur avantage, je les laisse faire quoi qu’il en soit ».
Plus globalement, Jean-Claude Croze semble semble presque s’amuser de la situation : « Moi, je demande que la future majorité présidentielle soit libre et ne colle pas à ce que des gens vont lui dicter. On n’a pas à s’adapter à des discours venus d’en haut ». Lundi 30 mai, la commission de propagande de la Préfecture sera réunie afin d’analyser la validité des documents de campagne de chacun des candidats sur le département. « Nous surveillons, souligne Christian Saint-André, nous serons présents car nous ne voulons pas qu’il y ait de confusion dans l’esprit des électeurs. Nous envisagerons d’éventuelles actions en justice, si nous devions découvrir des cas d’usurpation ». Affaire à suivre…
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