article • 4 MIN

Législatives : Marina Ferrari, libre dans sa tête

Par Jérôme Bois • Publié le 30/05/22

Incontournable sur Aix-les-Bains, où elle étrenne ses habits d’élue depuis près de 15 ans, Marina Ferrari, habituée jusqu’à 2020, à siéger dans les majorités, qu’elles soient municipales ou départementales, arrive en outsider dans ces législatives très ouvertes sur la 1re circonscription de Savoie (13 candidats !). Son oncle, Gratien Ferrari, avait été parlementaire, qui sait si une deuxième Ferrari n’obtiendrait pas, dans trois semaines, une place toute chaude à l’Assemblée nationale ?

D’entrée de jeu, on échappera aux traditionnels discours d’intention, sur la manière de pratiquer la politique, « autrement » , comme l’envisagent la plupart des candidats, sans trop savoir ce que cela peut bien signifier dans les faits. Marina Ferrari s’amuserait presque de ces éléments de langage un poil tarte à la crème, « la politique autrement, clairement, je n’y crois pas. C’est quelque chose de sérieux, qui réclame un savoir-faire. Je vois la politique au sens des affaires publiques, l’art de répondre aux problématiques des citoyens ». Il n’y aurait donc pas de bonne façon de faire, « on la pratique comme on est. J’ai toujours considéré qu’il y avait des règles : le respect de l’engagement, savoir dire non, même si cela vous coûte, et le fait de rester ancré dans son territoire ».

Opération tractage sur la 1re circonscription…

Fi des grandes envolées d’intention, ce n’est pas le genre de la maison. Du reste, Gratien Ferrari, son oncle, se considérait-il comme « un amateur de la politique » , lui qui pourtant, avait été maire d’Aix-les-Bains et député… « Votre façon de faire de la politique doit coller à ce que vous êtes intrinsèquement » , confie-t-elle. En d’autres termes ? « Je suis assez abordable et j’aime les gens. Vous ne pouvez pas être aux affaires si vous ne les aimez pas. Nous servons les autres, nous écoutons et tranchons dans le sens de l’intérêt général ». Prendre les avis, avoir une vue d’ensemble et trancher, quitte à dire non et à en décevoir certains, c’est le bon ordre des choses. « Quand on est à l’écoute, la moitié du chemin est faite ».

« J’ai pris ma liberté »

Son modèle, pas besoin d’aller le chercher bien loin, est une femme, une icône, Simone Veil, symbole d’un combat mené contre le plus grand nombre, à l’Assemblée, « il lui avait fallu convaincre » , ne pas courber l’échine dans un milieu d’hommes. Elle est un peu l’inspiratrice de toutes les guerrières de la politique. En face, Robert Badinter, autre forte personnalité, autre source d’élévation, « des gens qui ont fait avancer les choses en combattant avec respect, des personnes admirables » , s’éclaire Marina Ferrari.

De combat, il en sera question, par la suite, dans le parcours de l’élue aixoise, engagée dans ses premières législatives alors qu’investie en 2017, elle n’ira finalement pas « par loyauté à Dominique Dord. Il faut savoir renoncer, parfois, pour ne pas perdre votre âme ». Sa proximité avec l’ex député-maire d’Aix-les-Bains lui a valu, par la suite, de renoncer à suivre son second, Renaud Beretti, avec qui elle croisa le fer, aux municipales de 2020, tandis qu’elle était encore sa première adjointe. Aujourd’hui, le moment est le bon, « je me sens plus sereine, j’ai pris beaucoup de coups mais je me suis endurcie, explique-t-elle. Car quand on est libre, on dérange, ça enquiquine les appareils politiques. J’ai toujours mené ma vie politique en restant qui je suis ». On doit à Jean-Pierre Chevènement cette célèbre clameur, « un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l’ouvrir, ça démissionne » en 1983, au plus fort de la tempête lorsqu’il quitta le gouvernement. Marina Ferrari, elle aussi, a choisi, « en 2019, j’ai pris ma liberté ». Et puis, on aurait tort de ne voir en elle que la femme politique, elle qui affirme que « dans l’écologie personnelle, il ne peut pas y avoir uniquement de la politique. Jamais je ne voudrais renoncer à ma vie ».

Tonton plutôt que papa

Une vie remplie, du reste, elle qui a longtemps vécu à l’étranger, au Mexique, inscrite en classes internationales et où elle prend goût « à vouloir défendre les intérêts de la France. J’avais alors 16 ou 17 ans ». Le bac en poche, elle file étudier les relations internationales « par goût pour la diplomatie. J’étais passionnée par les questions de défense ». Elle effectuera deux DEA, l’un de sciences politiques validé, et l’autre en droit de la défense, non validé. Restait alors à trouver un point de chute : l’armée ou une vie maritale. Malgré un intérêt certain pour l’uniforme comme pour les armes non létales, elle se tournera vers sa vie de femme.

De ses premiers jobs d’intérim (« à bac + 7 ! ») à son emploi d’assistante de direction et responsable RH qu’elle occupe depuis 10 ans, sa carrière professionnelle aura été chaotique mais à chaque fois, ses aptitudes ont été remarquées. « Je travaillais pour une entreprise à Technolac et à côté, je donnais un coup de main à une petite boîte dans laquelle le dirigeant était seul. Un jour, il est allé voir mon patron, qui était OK pour que je fasse quelques heures pour lui. Son produit m’intéressait davantage, je suis partie, finalement. Ce sont des opportunités de vie » , qui doivent alors cohabiter avec son engagement politique.

Côté chose publique, elle avait déjà participé à la campagne d’un certain Jacques Chirac, en 1995, « une période enthousiasmante » pour celle qui se dit « de droite économiquement et de gauche socialement ». Un enthousiasme douché par la dissolution de 97… Cinq ans plus tard, lors du meeting fondateur de l’UMP, elle entend François Bayrou dire que « l’UDF n’intégrera pas » cette nouvelle famille politique. « Il était libre, je me suis naturellement intéressée à lui ». Trois ans plus tard, la voici encartée. Entre un oncle UDF et un père chiraquien, son choix venait d’être fait. L’UDF pour ses valeurs sociales, libérales sur l’économie, humanistes, européennes… Dans la foulée, elle est approchée en 2007, à l’orée des législatives. « A l’époque, je n’avais pas voulu y aller, me considérant trop jeune ». Elle accepte néanmoins d’épauler Yann Bezat (UDF – MoDem), engagé sur la 1re circo de Savoie, « ça a été très enrichissant, j’ai beaucoup appris de cette campagne » , sur le terrain, en direct avec les acteurs de la vie locale.

Favorable à l’instauration d’un statut de l’élu

Puis les choses s’enchaînent, Dominique Dord l’appelle en 2008, lui qui se plaisait à rassembler tous azimuts, au conseil, à « faire du Macron avant Macron » , disait-il en 2017. Et ainsi commença la carrière politique de Marina Ferrari, devenue par la suite adjointe et conseillère départementale. « Je comprends les mécanismes et pour prétendre à un mandat de parlementaire, il faut avoir été dans les rouages ». Et en cas de doutes, il reste un atout dans sa manche, la présence de Patrick Mignola, « capé, expérimenté. Il nous prépare, je lui demande parfois des conseils » , jusqu’à adopter le système de visios mensuelles pour rendre compte de son action à l’Assemblée. Une action qu’elle imagine « à temps plein » d’où sa volonté de militer « pour un statut de l’élu, pour une reconnaissance de son statut. En sécurisant son parcours, on évite que les gens soient verrouillés par leur mandat » , un projet proposé par la majorité présidentielle* qu’elle représente aujourd’hui. « En moralisant la vie publique, on évite qu’une famille ne dépende que de l’activité politique d’un de ses membres. Il faut clairement aller plus loin sur son statut ». Car en favorisant un va-et-vient entre activité pro et politique, en permettant à l’élu de cotiser au chômage, en faisant cesser toute dépendance vis-à-vis d’un statut politique, « on garde la tête froide et on atténue dans le même temps les fantasmes. C’est une attente des Français ».

Et si Marina Ferrari venait à être élue, elle s’engagerait aussi à faire connaître le rôle du parlementaire, notamment auprès des jeunes, « le parlement des enfants font venir des classes entières à l’Assemblée nationale pour assister au travail des députés, ça fait partie du job » , explique-t-elle. Le député pédagogue, celui qui fait comprendre la politique, jusqu’au rôle du parlementaire, ainsi que la citoyenneté dans son ensemble, un rôle auquel elle goûterait volontiers…

* La loi organique pour la confiance dans la vie publique de septembre 2017 prévoyait l’impossibilité pour les membres du Gouvernement, parlementaires et titulaires de fonctions exécutives locales d’employer des membres de leur famille proche. Elle visait aussi à prévenir les risques de conflits d’intérêt et disposait d’un chapitre sur le financement de la vie publique.

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter