article • 3 MIN

Aix-les-Bains : la presse hebdomadaire régionale « réenchante la proximité » en famille

Par Laura Campisano • Publié le 03/06/22

La dernière édition du Congrès de la presse hebdomadaire régionale avait eu lieu à Dijon, sur l’invitation du plus vieil hebdomadaire de France, le Châtillonais-Auxois en 2019. Depuis, la grande famille de la presse de proximité n’avait pu se réunir, comme prévu, à Dunkerque ni en 2020 ni en 2021, pour les raisons mondiales que l’on connaît. En 2022, il est temps de « réenchanter la proximité » : à l’invitation de nos confrères de La Vie Nouvelle, 216 adhérents du syndicat professionnel de la PHR se réunissent jusqu’au 3 juin au Centre des congrès André-Grosjean*. Exposants, partenaires, imprimeurs, étudiants de la filière PHR de l’Ecole de journalisme de Lille et éditeurs de presse se rencontrent autour de conférences aux thèmes prégnants et de moments plus festifs. L’occasion de prendre le pouls d’un secteur essentiel qui doit sans cesse trouver les moyens de se renouveler pour perdurer.

C’est le 47e grand congrès annuel d’une presse lue, adorée même par 48,7 millions de lecteurs mensuels, et qui dans le même temps se heurte à la hausse du prix du papier, aux variations de la Poste et à la concurrence d’internet. Pour l’occasion, 90% des 216 éditeurs de presse adhérents du SPHR ont répondu présent, tous plutôt heureux de pouvoir se retrouver, de pouvoir partager leur expérience Covid, parce qu’il est de source sûre plus facile d’aller loin ensemble que tout seul dans son coin.

« Information vérifiée, de qualité et constructive »

Vincent David (Président SPHR) et Alexis Denous (Alliance Presse)

Historiquement, la presse hebdomadaire régionale voyait le jour autour d’imprimeries de villes moyennes, où l’éditeur sortait un petit bulletin de secteur, en plus des photocopies réclamées par les habitants. Depuis, elle est restée la presse des petites communes, des secteurs où le journal va se chercher en même temps que la baguette fraîche, où les nouvelles sont lues sur du papier qui parfois tache aux doigts. Aujourd’hui, presse quotidienne et presse hebdomadaire régionales occupent une grande part du lectorat dans des bassins de vie, tels que le bassin chambérien et le bassin aixois, la Tarentaise, l’avant-pays savoyard ou la Maurienne, pour ne citer qu’eux. Et loin d’être à la marge, si certains titres semblent plus petits que d’autres, en 2022, « on trouve de tout en PHR, des PME comme de grands groupes », détaille Vincent David, président du Syndicat de la presse hebdomadaire régionale et vice-président de l’Alliance de la presse d’information générale, heureux de retrouver sa famille PHR. A ses côtés, Alexis Denous, responsable communication de l’Alliance partageait sa joie « nous sommes ravis de co-organiser ce moment fort de la PHR, qui est essentiel au collectif que l’on représente, en tant que créateur de lien social. La PHR c’est un maillage exceptionnel de 240 titres, et pour nous, c’est déjà un succès puisque 227 participent au congrès s’enthousiasmait-il, la presse écrite reste un secteur attractif, le papier a toujours cet attrait ce dont nous sommes ravis. » 

Pourtant cela n’a pas été de tout repos pour les titres de presse de proximité, notamment avec tous les bouleversements qu’elle a dû vivre : le Covid et de facto, le télétravail, le digital incontournable, les annonces légales qu’il leur faut maintenant partager avec les pure-players, les droits voisins, quand bien même un accord ait été trouvé avec Google sur le sujet. Il a fallu se réinventer, redoubler d’efforts et d’ingéniosité pour revenir à un niveau de fréquentation et de lecture semblable à celui que la presse de proximité connaissait avant la crise sanitaire. En effet, les confinements successifs et principalement le premier, ont vu une hausse de fréquentation des sites d’informations, le tout-venant sur internet mais aussi « l’information vérifiée, de qualité et constructive » comme la définit Vincent David, celle de la presse locale. « Nos journalistes ont mené un travail considérable, ont bossé comme des malades pour trouver des angles originaux chaque semaine et les témoignages directs des lecteurs, qui les remerciaient, leur ont fait sentir de la reconnaissance » rappelle-t-il, lui-même éditeur de 15 hebdomadaires dans le Sud-Ouest.

« Les lecteurs nous réclament davantage d’immédiateté »

Renaud Beretti sur scène, en introduction du Congrès, jeudi 2 juin 2022 (Crédit Photo @presseaufutur)

Revers de la médaille, nombre de lecteurs souhaiteraient que la PHR reste telle qu’elle est tout en prenant le virage numérique de l’immédiateté. « Ils voudraient de l’information 7 jours sur 7, 24h sur 24h, mais on ne peut pas, avec des concurrents en face sur des sites quotidiens. Il nous faut inventer autre chose, du contenu différencié. Nos titres ne comptent que 2% d’abonnés numériques, tous adhérents confondus ! » soutient Vincent David. En effet, si certains titres peuvent investir à la fois dans du matériel de qualité, de bons journalistes – qui acceptent l’idée de s’engager dans un journal plus de six mois, la tendance étant plutôt inversée ces dernières années – et en plus de leurs rotatives et du papier, dans un site marchand, d’autres petites équipes ont toujours bien plus de mal à y parvenir. « Le développement du digital voit une progression certes, on voit une bonne tenue du marché publicitaire sur les 4 premiers mois de l’année 2022, mais la vente au numéro fait beaucoup souffrir les meilleurs d’entre nous, s’inquiète le président du SPHR, 40 à 45 % de nos abonnés sont adossés à des quotidiens, les autres sont des indépendants. La presse est un secteur à risque, il est très difficile de créer une entreprise dans un secteur qui n’est pas spécialement porteur, fragilisé par internet, car les citoyens s’informent différemment, lisent moins. Aujourd’hui, créer un journal c’est compliqué. Pourtant la presse fait d’énormes efforts pour se renouveler et se moderniser. » Sans parler de la hausse du coût du papier, qui a pour conséquence une hausse des prix du journal, même s’il est difficile de dépasser les 2 euros, prix psychologique ultime. Cela a aussi une conséquence sur les conditions de travail des salariés, et de facto sur les grilles de salaires, qui aujourd’hui font l’objet de négociations avec les syndicats de journalistes, mais qui vont nécessairement faire grimper le coût de la masse salariale. Un effet domino dont on ne connaît pas l’issue, car les aides à la presse ne sont pas la panacée, et le partage des annonces légales avec des sites d’information « qui n’en connaissent pas le fonctionnement car gérer des annonces légales, c’est un métier, il ne faut pas juste attendre que ça tombe » a également fragilisé de nombreux éditeurs de presse qui en vivaient jusqu’alors.

Le thème du congrès « réenchanter la proximité » est donc très bien trouvé : un peu de respiration, un peu de bonnes nouvelles, un peu de joie et d’énergie dans la presse locale, ne pouvait que faire du bien à cette grande famille après tant de tumultes.

« Non au double discours, qu’on nous laisse faire notre métier »

Le Centre des Congrès André Grosjean relooké pour accueillir le 47e congrès de la SPHR (crédit photo @tribuca)

Et cette énergie retrouvée, Vincent David la met au service de sa famille professionnelle justement, celle qu’il défend pour en faire partie depuis tant d’années et pour en être le fidèle représentant au SPHR. « Nous avons la crainte de subir un double discours de la part de nos dirigeants politiques : d’un côté nous déclarer que nous sommes un pilier de la démocratie, de l’autre, nous ajouter des taxes, nous retirer en partie les services de la Poste, par exemple. Nous souhaitons capter l’attention de ceux qui nous gouvernent, en leur demandant de nous laisser faire notre métier, de laisser circuler les journalistes lorsqu’ils se rendent sur des lieux de reportage, de les laisser s’approcher des tribunes officielles lors de la venue de ministres et de personnalités. De nous laisser distribuer nos journaux, par le biais de la Poste dans sa mission de service public, au lieu de nous pousser vers le portage. Alors pas dans le discours, mais sur le terrain, les facteurs nous le disent, la priorité est aux colis… De même, permettre la survie des points de vente, en revitalisant les zones rurales, les centre-bourgs, aider les journaux à être présents partout. » a-t-il plaidé.

Après avoir « depuis plus de deux siècles pour certains d’entre nous » su relever les défis qui s’imposaient à elle, la presse hebdomadaire régionale opère aujourd’hui un des nombreux nouveaux virages de son histoire. Et réunie en congrès, sa grande famille prépare déjà les défis suivants.

*Il se murmure que le 48e congrès se réunira à Laval, en 2023, organisé par le Courrier de la Mayenne.

Tous les commentaires

0 commentaire

Commenter