Aix-les-Bains : « l’Épicerie culturelle du territoire » ouvre les portes de la culture créole

Anne-Pia Dugelay est une artiste qui s’ignore, capable d’imaginer une scénographie, de mettre en lien des cultures, de créer des galeries d’art partagé sous une forme radiophonique, et de mettre en avant les autres, plutôt qu’elle-même. Et c’est exactement ce qui l’a amenée durant le confinement à imaginer une galerie des rêves, qu’elle espérait pouvoir installer en plein centre ville, amenant le visiteur curieux à voyager à travers différentes cultures, une sorte de grand marché aux puces du monde, mettant en lumière tout ce qui est culturel et artistique permettant d’assumer le rêve. Une chose en entraînant une autre, elle a retravaillé sa matière sous forme d’émission de radio, et pour que cela soit palpable, elle est sortie des ondes pour une exposition et une projection de film grandeur nature.

« Ici, on rêve »

Comme dans son rêve, Anne-Pia Dugelay a donc décidé de monter sa galerie en « Épicerie culturelle du territoire » plutôt qu’une galerie-boutique-workshop. « J’ai été invitée sur Radio Grand Lac pour parler de ComuniT dans le cadre d’une exposition où j’avais photographié des commerçants dans la vitrine de leurs magasins, se souvient-elle, la radio m’a alors proposé d’animer une émission, j’ai accepté et c’est ainsi qu’est née » l’épicerie culturelle du territoire « avec comme idée de réunir ceux qui écoutent et ceux qui viennent à l’émission. J’aime qu’il y ait une interaction, c’est pourquoi il y a toujours un thème autour duquel les invités vont réfléchir, par exemple la beauté, l’engagement ou encore le polar : pourquoi sommes-nous attirés par ce genre cinématographique et littéraire ? »  Et finalement, Anne-Pia a créé sa boutique de rêves comme un cabinet où la curiosité est une qualité, les invités des ressources qui « donnent du sens au projet. » Ne manquait plus qu’une exposition pour rendre tout cela palpable.

(Re)visiter la mémoire créole

Le lien se fait donc tout naturellement avec la mise en avant de la culture créole, un des sujets d’exploration de Gilles Elie-Dit-Cosaque, avec lequel Anne-Pia a imaginé cette exposition. Artiste visuel, réalisateur de documentaires, photographe reconnu, c’est en s’inspirant de ses travaux que le premier événement de l’Épicerie culturelle voit le jour à Aix-les-Bains.

« Les gens que je rencontre me donnent de l’énergie, ça me donne envie de les mettre en lumière et c’est pour ça que les choses se font, sourit Anne Pia, j’aime bien le travail de Gilles, notamment l’exposition qu’il a réalisé au Ministère des Outre-Mer, dont il était commissaire de l’exposition. » L’artiste est discret mais néanmoins incontournable dans l’art contemporain, graphiste aimant allier dans ses travaux, notamment vidéos, écriture graphique et rythmée de l’image, dessin, illustration et typographie.

En 2000, Gilles Elie-Dit-Cosaque s’illustre déjà dans la culture créole par Kamo, série de 20 films de 3’30 instantanés sur la vie quotidienne en Martinique, puis en 2013, par une série de programmes courts à l’occasion de l’anniversaire de la naissance d’Aimé Césaire, Un air de Césaire. Même s’il ne souhaite pas s’enfermer dans un seul sujet, ce qui, vu sa carrière artistique, semble assez périlleux, la culture créole reste un véritable fil rouge de son travail, comme en 2004 avec la série ma Grena’ et moi, série de portraits de propriétaires de la mob’ légendaire, prolongée en exposition photos et en livre. C’est assez ressemblant avec l’exposition Katalog, série de photos de l’artiste à découvrir à la galerie S by Exit du 17 juin à fin juillet à Aix-les-Bains conjuguée à trois projections du film Zepon, réalisé par Gilles Elie Dit-Cosaque, organisée avec la complicité de CinéfilAix au cinéma Victoria d’Aix-les-Bains et dont la première projection a lieu le 15 juin à 20h. « L’objectif était de travailler sur l’universalité des cœurs, détaille Anne Pia Dugelay, on peut s’ouvrir à toutes les cultures du monde. Le documentaire avait été sélectionné par Cinéfilaix, c’est un travail remarquable sur la mémoire créole, il a un véritable sens de l’image, une sensibilité. C’est un mélange de la mémoire collective et de la culture, que Gilles fait naturellement. Il refuse d’être cloisonné, il a un vrai recul et en même temps une vision antillaise, pour être issu d’une famille martiniquaise. » Pour embarquer dans ce grand melting-pot culturel, trois projections sont prévues à découvrir avec les photographies de l’exposition pour s’immerger totalement dans une ambiance antillaise pour nombre d’entre nous méconnue.