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Législatives : appel du 16 juin, communiqués en bataille et stratégies militaires

Par Jérôme Bois • Publié le 17/06/22

Dans un communiqué assez cinglant diffusé jeudi 16 juin, Christian Saint-André, le référent Savoie Renaissance et majorité présidentielle a appelé les « grands élus savoyards » à se positionner à l’aube du 2e tour des législatives qui place, pour le moment, Patrick Mignola en fort mauvaise posture. Et surtout, il a lancé un appel à « un sursaut démocratique ». En face, les soutiens aux candidats Nupes (PS, mouvement citoyen de Grand Chambéry, EELV) affluent, cette Nupes qui place ses quatre candidats en finale sur chaque circonscription savoyarde en plus d’avoir raflé la majorité des votes en Savoie… Cette semaine, les camps se sont affrontés sur tous les terrains.

Le ton est provocateur, autant que « leur silence est effrayant » , il est également choisi à dessein. Christian Saint-André est sorti de sa réserve, jeudi 16 juin, et a fermement appelé les grands élus savoyards à donner des consignes en faveur « d’une démocratie qui vacille ». Reprenant le traditionnel chant de supporters dans les stades de football « mais ils sont où… Mais ils sont où… » , le communiqué est accusateur : « Leur silence est aussi navrant qu’effrayant… Ils regardent tous ailleurs alors que notre démocratie est en train de brûler. En Savoie aucune prise de position claire de la part de nos ‘grands’ élus locaux modérés face à cette situation inédite. Quatre candidats d’extrême-gauche (trois candidats de la France Insoumise et un communiste) sont encore en lice… »

Sauver le soldat Mignola

Cette extrême-gauche qui, dit-il, représente un danger pour l’équilibre démocratique du pays. « Responsable des Républicains, responsables Socialistes et apparentés, personnalités politiques, anciens candidats, etc. Ces responsables politiques en place de tous bords habituellement si rapides à nous faire des leçons sont silencieux, aujourd’hui aveuglés par leur guéguerre de personnes oubliant les grands principes de notre démocratie… Leur flottement démocratique actuel est minable, votre mobilisation est aussi primordiale que vitale pour pallier leurs défaillances » , lance-t-il à destination des électeurs qu’il espère mobilisés dans l’optique du second tour des législatives, dimanche 19 juin.

Sandra Kadri et Patrick Mignola
Sandra Kadri et Patrick Mignola

Car si dans les 1re, 2e et 3e circonscriptions, les choses semblent bien engagées pour Marina Ferarri, Vincent Rolland et Emilie Bonnivard, la 4e place le candidat de la majorité présidentielle, député sortant et président du groupe MoDem à l’assemblée, Patrick Mignola en très mauvaise posture. Ce communiqué intervient ainsi deux jours après une lettre appelant à soutenir l’intéressé, pétition à l’appui. Parmi les premiers soutiens du député, Brigitte Bochaton, Michel Dyen, Alain Thieffenat, Cécile Trahand, maires de Jacob-Bellecombette, de Saint-Alban-Leysse, de Bassens, d’Arith, Josiane Beaud, cheffe de la délégation française de la commission intergouvernementale du Lyon-Turin, Alain Poncet, entrepreneur et président du Chambéry Savoie-Mont-Blanc handball sans parler de nombreux élus, et acteurs du territoire. Au soir du 17 juin, 1 000 signatures sont espérées (environ 750 au matin).

Mais du côté de la majorité présidentielle, on attendait encore le positionnement de Thierry Repentin, Louis Besson, Hervé Gaymard, des divers conseillers régionaux, départementaux, des sénateurs Martine Berthet, Cédric Vial, ce dernier très critique envers Patrick Mignola avant le 1er tour (il soutenait François Gaudin, NDLR), « quelqu’un qui ne vit pas dans la circonscription qu’il représente » , qui n’a « organisé aucune réunion ou permanence dans toutes les communes de sa circonscription en 5 ans de mandat » … Ces « grands » élus savoyards que cible aujourd’hui Christian Saint-André. « A ce jour (le 16 juin), seul Dominique Dord, piqué au vif par mon texte, a réagi en disant qu’il avait clairement et sans tarder appelé à voter Marina Ferrari*. Sinon, personne. Ça vaut aussi pour les candidats défaits, comme François Gaudin, qui n’a donné aucune consigne de vote, dimanche dernier. C’est irresponsable ! Chaque voix compte, explique le référent. Je peux comprendre que la personne de Patrick Mignola puisse diviser mais il faut aller au-delà de ces préjugés sur la personne. Ne pas prendre de position, c’est se faire complice ».

C’est oublier que Renaud Beretti s’est effectivement confié au Dauphiné Libéré, le 15 juin, appelant à « ce que pas une voix n’aille à la coalition rouge » (donc sans dire explicitement qu’il invitait à voter Marina Ferrari, son adversaire au conseil municipal), à la grande fureur de Christel Granata : « De quoi ont-ils peur ? Du progrès ? De la solidarité ? De la répartition des richesses ? De l’écologie ? De l’égalité ? ». Quant à Michel Dantin, il est sorti du bois, vendredi 17 juin, en expliquant avoir « sous les yeux, à Chambéry, une experience Nupes qui n’en a pas le nom. Chacun peut juger le résultat. Pour ma part, je voterai résolument dimanche contre la démagogie et les promesses infinançables, sans sacrifier la classe moyenne ». Ambiance…

La sonnette d’urgence est tirée, côté Ensemble, pour tenter de sauver le soldat Mignola, qui écrivait, le 16 juin, qu’il restait « moins de 48 heures pour éviter que la Savoie ne s’engage sur le chemin du désordre, de la désobéissance européenne et de la faillite des comptes publics ». Beaucoup d’élus ont ainsi été approchés pour devenir signataires de cette pétition dont on ne connaît à l’heure où nous écrivons ces lignes le nombre de signataires. Xavier Trosset et Arthur Empereur (Ensemble), défaits au 1er tour, s’étaient positionnés dimanche dernier quand dans le même temps, quelques élus ou candidats se réjouissaient discrètement, à la sortie des premiers résultats de la défaite, du député sortant.

« La Nupes redonne espoir »

Le ton est un poil plus léger dans le camp d’en face. Les membres fondateurs de la Nupes (PC, PS, Génération.s et EELV) se sont eux aussi fendus d’un texte de soutien à chacun des candidats encore engagés et en ballotage défavorable (Christel Granata, Nathalie Krawezynski et Cédric Morand).

Jean-François Coulomme

« Les bons scores (de la Nupes) montrent qu’une alternative tournée vers la solidarité, le partage et l’écologie est possible et souhaitée. La Nupes et l’union redonnent espoir et c’est avec l’espoir que l’on fait reculer les idées du RN qui est, de fait, écarté du second tour sur tout le département. Ces scores, en Savoie, récompensent les efforts d’union des partis de gauche et écologiste, amorcée lors des élections départementales de 2021 avec ses résultats encourageants (…) Il est donc essentiel d’amplifier encore cette dynamique ». Une dynamique qui porte encore Jean-François Coulomme sur la 4e, le seul candidat Nupes (largement) en tête au 1er tour. Et qui ne peut qu’aider Nathalie Krawezynski, qualifiée mais à distance respectable d’Emilie Bonnivard, qui s’est émue de l’absence de débat d’entre-deux tours, sur la 3e circonscription. « Comment intéresser les électeurs et les électrices aux législatives et à l’importance d’aller voter si les médias et les candidats ne jouent pas le jeu ? Comme beaucoup de mes camarades, je ne pourrai pas défendre le programme de la Nupes face à la candidate de droite, celle-ci ayant refusé la proposition de TV8 Mont Blanc arguant un ’emploi du temps trop chargé’. Une excuse très regrettable » …**

La stratégie risquée de la diabolisation

Plus tôt, le 15 juin, le mouvement citoyen de Grand Chambéry y était allé de son propre communiqué de soutien à la Nupes, dans lequel il déplorait à la fois l’abstention (à près de 53% en France, 50% en Savoie) et « le système électoral actuel majoritaire à 2 tours, sans proportionnelle, qui ne permet pas une juste représentation des différentes sensibilités politiques, et prive de nombreux citoyens de représentants, entretenant cette abstention massive ». Enfin, il dénonçait « le dénigrement systématique du programme et du positionnement de la Nupes (par la majorité, NDLR), accusée sans fondement d’être une force extrémiste ‘anti-républicaine’ au même rang que l’extrême-droite, oubliant que ces électeurs et électrices de gauche et écologistes ont fortement permis l’élection du président Macron en barrage à la candidate d’extrême-droite ». On imagine dès lors assez mal la moitié du conseil municipal de Chambéry prendre le contre-pied du mouvement citoyen (qui en compose l’autre moitié) et appeler à voter Mignola. Du reste, de nombreux élus chambériens se sont affichés aux côtés du candidat Nupes alors que beaucoup avaient été heurtés par les banderoles hostiles à la majorité déployées lors de la dernière séance du conseil, le 9 mai, banderoles portées par les militants et… futurs candidats Nupes sur la 4e, faisant état de la problématique des loyers sur les Hauts de Chambéry…

En communiquant plus tôt, le mouvement citoyen n’a fait qu’anticiper la rhétorique soutenue par Christian Saint-André, la diabolisation de la Nupes comme argument massue, stratégie entretenue, aux dires des représentants de la nouvelle union populaire, par Emmanuel Macron lui-même, pour avoir refusé de donner des consignes de vote sur les secteurs où s’opposent Nupes et RN. « J’y vais volontairement un peu fort dans mon texte, c’est vrai, insistait Christian Saint-André, mais ce sont des extrêmes ». Le parti Horizon, via le référent Grand Chambéry Philippe Cordier, a publiquement plaidé en faveur des candidats Ensemble Ferrari – Mignola et LR, Bonnivard – Rolland, face aux « candidats se présentant au nom de mouvements populistes, extrémistes et remettant en cause nos valeurs républicaines ». Là encore, en adoptant la stratégie risquée de la diabolisation.

Guerre des urnes, guerre des mots, guerre de communiqués… On aura vraiment tout lu, cette semaine…

* Au lendemain du 1er tour, l’ancien député maire avait posté le message suivant : « Pour le second tour, je voterai sans aucun état d’âme pour Marina Ferrari. Si j’ai des désaccords politiques nombreux avec M. Macron, je connais en revanche très bien Marina qui a été mon adjointe pendant plus de 10 ans et dont j’apprécie les qualités personnelles et politiques. Elle saura être une députée de terrain dont nous avons besoin pour la Savoie, et freiner, j’en suis certain, la folie centralisatrice d’Emmanuel Macron ».

** La députée sortante a réagi à ces propos : « Nous avons eu deux débats, donc elle ne peut prétendre que je refuse le débat, c’est faux ! J’ai des priorités, j’avais calé plein de rendez-vous dans cet entre-deux tours, rendez-vous qui me tenaient à cœur. Lors des deux débats du 1er tour, on a pu voir les différences fondamentales entre nous. Par ailleurs, mon agenda étant rempli, je ne pouvais me permettre de consacrer une demi-journée entière à me rendre à Epagny, en Haute-Savoie, pour un troisième débat. J’ai choisi mes concitoyens et je suis encore libre de faire ce que je veux ! » 

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1 commentaire

Solignac

18/06/2022 à 18:13

Bonjour, si P Mignola n'est pas élu, et bien il retournera travailler comme tout le monde. A un moment donné ces gens croient qu'ils sont élus de père en fils, ou élus à vie... Etre élu est une fonction honorifique qui doit honorer l'Homme qui oeuvre pour l'ensemble de ses concitoyens et non pas pour sa propre personne. M. Mignola a voté pour le pass sanitaire, ce qui a pourri mon quotidien durant 6 mois ( plus de sport, plus de spectacle etc...) Donc s'il dégage, personnellement, je ne le plaindrai pas...

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