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Législatives : au cœur de la stabilité, la Nupes perce

Par Jérôme Bois • Publié le 20/06/22

Les élections législatives ont livré leur verdict : trois résultats attendus sur quatre, une demi surprise, une abstention inquiétante sur laquelle il conviendra de se pencher sérieusement et pas seulement un soir d’élections et des cartes, in fine, pas vraiment rebattues sur la Savoie où subsistent les deux députés Républicains tandis que la majorité présidentielle place la MoDem Marina Ferrari victorieuse sur la 1re à la place du MoDem Patrick Mignola, battu par le Nupes, Jean-François Coulomme, sur la 4e et Chambéry.

Le plus long pourcent de l’histoire… Bloqué à 99% de résultats sur la 4e circonscription pendant de longues minutes, le compteur de la Préfecture de Savoie s’obstinait à ne pas vouloir officialiser l’indiscutable. Nanti de plusieurs centaines de voix d’avance, Jean-François Coulomme savait mais ne fanfaronnait guère, jamais on ne baisse le rideau avant le grand air de la diva. Le sourire aux lèvres, il répondait d’un regard, d’un hochement de tête aux multiples félicitations de son camp, venu en grand nombre fêter l’inéluctable.

Un MoDem pour un autre

Il valait mieux s’en tenir à l’exactitude mathématique, en effet, car durant deux heures, le va-et-vient entre lui et son adversaire était notre fil rouge. Déjà parce que sur les trois autres circonscriptions, les dés étaient jetés depuis belle lurette et parce qu’une victoire possible de la Nupes sur la circo de Chambéry conjuguée à la défaite de Patrick Mignola signifiaient un séisme de grande magnitude sur l’échelle savoyarde.

Patrick Mignola après son échec à ces législatives

Exit le représentant de la majorité présidentielle, le porte-voix du gouvernement Castex sur la Savoie, dont le parisianisme autant que la personnification du programme Macron, en particulier durant la crise sanitaire – la plupart des reproches exprimés – ont fini par lasser l’électeur. « C’est la démocratie, c’est la vie » , exprima l’ex-député MoDem, après coup, en préambule d’un court message adressé à l’ensemble des médias. L’heure n’était pas à la fête en dépit de la très belle victoire de Marina Ferrari devant Christel Granata, au score « extraordinaire pour une candidate communiste » , insistait Florian Penaroyas. La conseillère municipale aixoise a facilement disposé de son adversaire (59,33% contre 40,67%) et l’accolade entre les deux candidats MoDem aux fortunes diverses sonnait comme une passation de témoin, un MoDem pour un autre. Revoir une Ferrari à l’Assemblée nationale ravivera chez les Aixois de vieux souvenirs, 36 ans après Gratien, oncle de Marina. Certaines filiations portent en elles les germes de la réussite.

Abstention, piège à…

Et puis il y avait les Républicains, la famille originelle savoyarde, malmenée depuis l’émergence d’En Marche, rassérénée avec les départementales puis de nouveau anéantie par une présidentielle assassine… Vincent Rolland et Emilie Bonnivard, députés sortants, ont vaincu sans péril mais pas sans gloire, parce que la droite partait de loin. 64,08% pour le premier, 65,54% pour la seconde, de match il n’y a eu, ce dimanche 19 juin.

Au tableau d’honneur, on retiendra le maintien des deux députés LR, l’apparition d’une nouvelle MoDem et d’un candidat Nupes, le seul sur les quatre en finale, bien aidé par l’électeur chambérien, de nouveau rabiboché avec sa gauche. La peur de la coalition rouge, tant exprimée la semaine dernière a-t-elle influencé le vote ?

Jean-François Coulomme, à une poignée de secondes du verdict…

« Il faut laisser la peur du rouge aux bêtes à cornes » , soufflait, las de ces remarques « dégueulasses » , Florian Penaroyas, secrétaire de la section du bassin chambérien du PCF.

En moyenne, la Nupes, présente sur toutes les circonscriptions, a tout de même récolté un peu plus de 40% des voix ce qui est une grande victoire. Non, ce qu’il faut retenir, en Savoie comme ailleurs, de ce deuxième tour, c’est bien encore une fois l’abstention, dont on ne sait trop que dire. A 52,36%, clairement, le message est limpide, un électeur sur deux avait piscine, dimanche. Les résultats des quatre vainqueurs sont par conséquent à pondérer. Jean-François Coulomme à 23,20% des inscrits, Marina Ferrari à 25,72%, Vincent Rolland à 26,82% et Emilie Bonnivard à 31,09%, ce n’est pas un blanc seing, encore moins un plébiscite. Et si leur légitimité ne peut être remise en cause, il faut se demander jusqu’à quel pourcentage d’inscrits il faudra descendre pour remettre en cause un scrutin qui n’a excité personne un dimanche de canicule partagé entre la baignade et la chipo. Chacun a exprimé à sa manière son désarroi devant de tels chiffres mais dès aujourd’hui, une fois les portes du palais Bourbon franchies, qui y pensera encore ?

Les réactions

Damien Ancrenaz (premier secrétaire PS Savoie)

« Les électeurs, par cette victoire de la Nupes et de son candidat Jean-François Coulomme, ainsi que par les bons scores de la gauche sur les autres circonscriptions envoient un double message : une sanction très nette du président de la République et de ses soutiens : en Savoie, comme en France, le parti présidentiel ne remporte pas la majorité des circonscriptions ; et un retour en force de la gauche. Là aussi, en Savoie comme en France, la gauche devient la première force d’opposition, nationalement contre le parti présidentiel, et en Savoie contre la droite. Cette recomposition politique n’est pas la fin d’un cycle électoral mais bien le début d’un travail commun, où collectivement les forces de gauche de la Nupes se voient confier désormais une immense responsabilité, celle de défendre partout où elles se trouvent les mesures ambitieuses attendues en matière d’écologie, de progrès social et de renforcement démocratique ».

 

Florian Penaroyas (secrétaire de section du bassin chambérien du PC Savoie)

« Ce soir, mention au résultat extraordinaire, je pèse mes mots, obtenu par Christel Granata. 40% pour une candidate communiste dans des villes plutôt marquées à droite, c’est exceptionnel. Plus généralement, j’ai trouvé beaucoup d’élus pas très sereins, En Marche (sic) et les LR nous ont adressés des attaques dégueulasses, en particulier Jean-François Coulomme, qui a été attaqué sur tout ! La peur du rouge, vraiment ? Il faut laisser la peur du rouge aux bêtes à cornes ».

 

Christian Saint-André (référent Ensemble en Savoie)

« Je suis très heureux pour Marina Ferrari qui a obtenu un très bon score, qui récompense son engagement de tous les instants sur le terrain. Sur les autres circonscriptions, je salue celles et ceux qui ont combattu les extrêmes. Deux députés LR s’en sortent brillamment, c’est aussi la défaite de ces extrêmes qui ancre les valeurs républicaines dans notre Savoie. Enfin, sur la 4e circonscription, nous avons eu toutes les communes autour mais pas Chambéry. Mes premiers mots vont à Patrick Mignola qui, au regard des ses fonctions, doit vivre la chose douloureusement. Il lui faudra trouver la force de rebondir. Chambéry est désormais une ville d’extrême-gauche favorable aux extrémistes, je suis très inquiet pour son avenir. Patrick a été victime de son investissement à Paris, les gens qui ont littéralement labouré les circos sont à 60% ce soir. Il a effectué aujourd’hui une forte remontada par rapport au 1er tour mais ça n’a pas suffi ».

 

Thierry Repentin (maire de Chambéry)

« L’Assemblée nationale, ce soir, ne dispose pas d’une majorité absolue. Nous vivons une crise politique au moment où la France connaît aussi une crise économique, sociale et écologique, dans un monde plus que jamais bouleversé. Les formations politiques soutenant le président de la République n’ont pas su convaincre de la sincérité de leurs engagements et de leurs propositions pour répondre aux aspirations des Français. Pour les services publics, les solidarités, la lutte contre la pauvreté, le logement, la transition écologique, la santé, les transports, la politique de la ville, je suis inquiet de la perspective d’une coalition parlementaire qui ancrerait le gouvernement très à droite de l’échiquier politique. Dans cette période, les villes restent le pôle de stabilité auprès de nos concitoyens. A Chambéry, la majorité municipale qui incarne le rassemblement des forces progressistes et écologistes est au travail, sur le terrain. Au titre de l’usage républicain mais aussi des valeurs que nous avons en partage, j’attends du nouveau député de la quatrième circonscription qu’il nous accompagne pour défendre les dossiers portés au nom des engagements pris devant les Chambériens. Dans cet esprit, je proposerai très prochainement un rendez-vous de travail au nouveau député ».

 

Christel Granata (candidate finaliste sur la 1ere circo)

« J’ai convaincu 16490 électeurs contre 10 000 au premier tour. C’est un beau score pour quelqu’un qui n’est pas du sérail et pour la suite, ça va laisser des traces. On va s’empresser de le faire fructifier, comme nous l’avons déjà évoqué avec nos partenaires locaux ce soir, afin de continuer ce qu’on a fait. Nous avions 4 candidats au second tour, c’est un exploit, le prochain coup, on gagnera ! En tout cas, c’était une très bonne expérience pour moi cette campagne, j’en sors grandie ».

 

Vincent Rolland (député réélu de la 2e circonscription)

« Je suis heureux ce soir et j’adresse un grand merci aux électeurs qui nous ont fait confiance, car nous avons gagné 9000 voix entre les deux tours. C’est le témoignage d’un long travail, d’une méthode, celle d’être proche du terrain et de porter au niveau national les intérêts des habitants de la circonscription. Je compte poursuivre de cette manière-là ».

 

Jean-François Coulomme (député élu de la 4e circonscription)

« On a l’impression d’avoir réalisé quelque chose d’énorme, je le dois à toute l’équipe qui m’a accompagné dans cette campagne merveilleuse, c’est une véritable aventure, presque une aventure nautique où on traverserait l’océan. Ce travail-là est un travail d’équipe, ça montre que c’est important d’être dans le collectif, où chacun trouve sa place pour exprimer ses talents, et c’est ce qui a fait cette merveilleuse campagne des législatives sur la 4e circonscription de Savoie, et c’est une juste récompense de leur travail, à mon avis. Je pense que vous entendrez cette voix désormais, celle de l’agrégation des forces progressistes de la Nupes pour quelques années, nous souhaitons tous faire perdurer cette dynamique dont on vient de prouver l’efficacité. Je pense que chacun va s’investir, d’autant que nous avons une plateforme programmatique, élément très important de l’engagement envers les citoyens. Ce mandat sera un mandat de combat car il va falloir porter nos idées à l’Assemblée Nationale, il va falloir essayer de constituer des alliances, on se rend compte que l’on sera peut-être même transpartisan, avec pour certaines mesures des alliances avec des forces politiques qui vont peut-être surprendre. Quant à la commission permanente dans laquelle j’aimerais siéger, j’ai parcouru les différentes commissions et celle de l’enseignement m’apparaît cruciale quand on voit ce qu’il s’est passé ces dernières années et ça remonte au-delà même du quinquennat Macron, on se dit qu’il y a quand même du mal qui a été fait dans la tête de nos enfants ».

 

Patrick Mignola (ex député de la 4e circonscription)

« C’est évidemment pour moi une déception, en particulier pour celles et ceux qui depuis 5 ans ont travaillé à mes côtés. On n’est pas allé au bout de la remontada, c’est la vie, c’est la démocratie, c’est ainsi que ça doit se passer. Je félicite Jean-François Coulomme pour cette élection. Les Français avaient envie de cohabitation, j’espère qu’elle ne se transformera pas en confrontation. Je ne le souhaite pas pour mon pays. De là où je serai, dans un engagement politique que je n’abandonnerai pas, je continuerai de travailler pour répondre aux urgences : le pouvoir d’achat, l’école, la santé, la lutte contre le réchauffement climatique. La démocratie a parlé ».

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