article • 4 MIN
Législatives : Emilie Bonnivard, en terrain connu
Par Jérôme Bois • Publié le 03/06/22
Laurent Wauquiez, Michel Barnier, Michel Dantin, Michel Bouvard, Hervé Gaymard figurent parmi les soutiens de la députée sortante, ré-engagée sur une circo qu’elle connaît de A à Z, faisant d’Emilie Bonnivard, forcément, la favorite pour se succéder à elle-même. Pourtant, fanfaronner n’est pas le genre de la maison et c’est à la fois en défendant un bilan et en faisant montre d’une grosse capacité de travail, une valeur héritée de sa famille, que la Mauriennaise compte y parvenir.
Un imbroglio a donné à penser qu’il puisse y avoir un léger conflit d’intérêt pour l’ancien président de la commission européenne et ex-candidat à l’investiture LR à la dernière présidentielle, un malentendu qu’Emilie Bonnivard a vite tenu à balayer : Michel Barnier est le président de son comité de soutien. Son engagement auprès d’elle ne saurait être remis en cause par la candidature de son ancien collaborateur de 15 ans, Xavier Trosset (lire encadré).
La députée est soutenue par des poids lourds de la politique locale et nationale, elle est aussi le maillon fort d’une droite savoyarde chancelante, ballottée lors de la dernière présidentielle qui a vu en Savoie le vote macroniste prendre le dessus. Membre de l’équipe de campagne de Michel Barnier, d’abord, puis de Valérie Pécresse, dont elle était l’oratrice en Rhône-Alpes, elle a également l’oreille de Laurent Wauquiez depuis qu’elle a intégré le Conseil régional en 2015. Un Laurent Wauquiez d’ailleurs présent le 1er juin à La Rochette à l’occasion d’une réunion publique. Des réunions qu’elle dit « apprécier » , où elle « apprend énormément de choses car ce sont les gens qui dictent leurs priorités et oui, ils pensent collectif ». Ainsi, lui reviennent des sujets aussi prégnants que la revalorisation du travail, les difficultés à trouver des médecins en zones rurales, les inquiétudes environnementales… Au local, elle pense pression urbaine à La Ravoire, les politiques de transports au Pontet… « A chaque territoire ses problématiques. On ne peut pas être réceptif et opérationnel si l’on n’est pas sur le terrain, ne serait-ce que par honnêteté intellectuelle ».
A Paris, soucieuse de ne pas faire porter aux gens le poids des crises, elle n’aura pas voté la hausse de la taxe sur les produits pétroliers en novembre 2018, à l’instar de l’ensemble du groupe des Républicains et s’est refusée durant ces 5 années à valider tout ce qui lui semblait « inéquitable ». Membre de la mission d’information Covid, Emilie Bonnivard a collaboré avec plusieurs parlementaires et ministres de la santé et de l’économie pour déterminer les mesures les plus adéquates au plus fort de la crise. « Je suis dans l’opposition mais constructive, je me suis sentie utile. Et quand on travaille, forcément, le gouvernement vous écoute ». Être opérationnel, pragmatique, efficace, les garanties, selon elle, lorsque le pays tangue. Mais pas que… Car derrière se cache une forte volonté de servir son pays.
« Ma vie devait servir quelque chose de plus important que moi »
« Très tôt, je voulais m’engager pour l’intérêt général, parce que j’ai toujours été attachée aux fondements de notre démocratie » , confie-t-elle, maîtrise de philosophie politique en poche, suivie d’un master en relations internationales. Elle flirte alors avec l’école d’officiers de Saint-Cyr et manque d’embrasser une carrière militaire, « mon père n’était pas d’accord malgré ma volonté de servir mon pays ». A l’intérieur, elle est déchirée, « ma vie devait servir quelque chose de plus important que moi » , dit-elle, à une époque où elle n’était ni politisée ni encartée. Devenue monitrice de ski, après avoir enchaîné quelques jobs çà et là, elle croise la route de Michel Bouvard, direction la Caisse des dépôts à Lyon, en charge du développement économique. Par-dessus, elle s’engage à Montaimont en 2014, ancienne commune de Maurienne devenue commune déléguée de Saint-François-Longchamp depuis 2017.
Jusqu’en 2017, non-cumul des mandats oblige, Emilie Bonnivard siègera en qualité d’adjointe. Entretemps, Laurent Wauquiez la repère. « Il m’a proposé de conduire sa liste aux régionales de 2015, une suggestion effrayante au premier abord, je n’avais pas vraiment confiance en moi » , reconnaît une élue « plutôt inquiète de nature ». Heureusement, elle compense par une grosse capacité de travail. Moins politicienne que bosseuse, elle incarne cette Savoie laborieuse, « où la vie est plus difficile qu’ailleurs ». La valeur travail lui sera transmise par une famille issue d’un milieu populaire, son goût pour l’intérêt général aussi. « Un individu, si vous lui tendez la main, il peut beaucoup de choses, porte-t-elle comme un mantra. Le travail permet la solidarité avec les plus fragiles ».
Ecologie de conscience, Lyon Turin et jeunesse
Pour l’accompagner dans cette quête, Valentin Hachet, 28 ans, 1er adjoint à Saint-Baldoph, « quelqu’un d’ici » , comprenez du canton de La Ravoire. « Je suis la seule à avoir à mes côtés une figure de ce canton, nous représentons les deux grands secteurs de la circonscription, c’est une question de respect » , souligne-t-elle. « Emilie m’a appelé dans l’entre-deux tours de la présidentielle et j’ai apprécié sa démarche, relance Valentin Hachet, de choisir quelqu’un d’ici, c’est un territoire particulier, à la fois rural et urbain. J’ai consulté mon maire, Christophe Richel, on a estimé que ce serait une chance pour Saint-Baldoph d’avoir un candidat suppléant ». « Il a l’expérience sur la jeunesse, confirme Emilie Bonnivard, thème souvent oublié dans les campagnes ». « Je veux l’aider à être en relais de cette jeunesse, abonde le jeune élu, par ailleurs vice-président du Sivu enfance et jeunesse sur le canton. Jeunesse mais aussi justice, vivre-ensemble, esprit village, tissu associatif sont les sujets abordés avec le public. La députée prévoit notamment de proposer une forme de reconnaissance à l’égard des bénévoles : » Si vous avez été engagés 10 ans dans une responsabilité bénévole, vous obtenez un trimestre de retraite« , une mesure prompte à » donner de l’espoir et de l’enthousiasme au monde associatif« , ajoute Valentin Hachet.
Confrontée aux lancinants débats sur le Lyon Turin, elle confirme vouloir « une vraie politique de fret. Avec Laurent Wauquiez, nous avons proposé la création d’une plateforme de ferroutage vers Grenay » , en Isère, près de Saint-Quentin-Fallavier, « le gouvernement n’a pas répondu, Elisabeth Borne était plutôt favorable à la modernisation de la ligne historique Dijon-Modane. On a perdu 5 ans ». Sauf que l’urgence réclame des mesures car le tunnel du Mont-Blanc fermé deux mois dans l’année, le report du trafic promet d’être douloureux pour la Savoie.
Déjà interdits au tunnel du Mont-Blanc depuis le 1er janvier 2019, les camions les plus polluants (euro 3) tardent à l’être en Savoie (il ne le sont que pour les véhicules inférieurs à cette norme*). Un courrier en date du 22 janvier 2019, signé de sa main, de celle de Xavier Dullin, alors président de Grand Chambéry, et d’Yves Durbet, maire d’Hermillon et envoyé à la commission intergouvernementale des tunnels routiers du Fréjus et du Mont-Blanc, s’en inquiétait vivement**. « J’ai aussi voulu lancer une étude RER entre Aix-les-Bains et Alpespace, projet techniquement complexe. Il faut aller vite et ne pas se tromper sur les orientations à prendre ». C’est l’option préférentielle aujourd’hui pour désengorger la VRU, notamment, « pour un double mouvement sur les déplacements pendulaires ». Elle est enfin favorable à une taxe carbone aux frontières de l’Europe et à faciliter l’accès à des véhicules propres dans le cadre d’un programme écologique « pas dogmatique mais en lien avec les territoires, applicable, de bon sens ».
Une formule déjà gagnante en 2017…
* La circulation des poids-lourds d’un poids total en charge (PTAC) de plus de 7,5 tonnes, de classes d’émissions de polluants atmosphériques strictement inférieures à la norme Euro 3 est interdite depuis le 25 janvier 2017 sur la zone urbaine des pays de Savoie et les zones alpines.
** Le courrier en question réclamait l’interdiction des camions euro 3. « Ces véhicules euro 3 représentent 2,4% du trafic au sein du tunnel du Fréjus, la décision a été prise d’attendre juillet 2019 pour statuer sur une éventuelle interdiction, écrivaient le signataires. Un report vers le Fréjus est à craindre, nous craignons des conséquences négatives pour la cluse de Chambéry dont le trafic est déjà particulièrement dense, de même que pour la Combe de Savoie et la vallée de la Maurienne ».
Que s'est-il passé avec Xavier Trosset ?
C’est l’une des affaires de cette campagne, elle est close, certes, mais ne manque pas de donner du sel à une campagne qui a peiné à démarrer. Xavier Trosset, candidat de la majorité présidentielle sur la 3e circonscription (donc face entre autres à Emilie Bonnivard) ne devait au préalable être que suppléant… de la députée sortante. « Il m’avait dit ‘oui’, confirme Emilie Bonnivard, et puis il a choisi de changer d’air ». Selon nos informations, sa volte-face serait survenue le jour même de la photo officielle avec la candidate. « J’hésitais entre lui et Valentin, les deux me semblaient avoir les qualités requises, représentaient le canton où il y a beaucoup de difficultés. J’aurai eu du plaisir à travailler avec lui ». Il restait à connaître la position de Michel Barnier, dont Xavier Trosset avait été le collaborateur durant de nombreuses années lorsqu’il était président du Conseil général. « Il a été très clair, et a de suite accepté d’être président de mon comité de soutien » , rappelle la députée. Affaire classée ?
Tous les commentaires
0 commentaire
Commenter