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Législatives : Jean-Pierre Chauveau, sans filtre

Par Jérôme Bois • Publié le 02/06/22

Ancien du RPR, passé par le Rassemblement national lorsqu’il était n’était que front, entrepreneur au langage fleuri et à la gourmandise du bon vivant, Jean-Pierre Chauveau détonne dans le milieu policé de la vie publique, où le vernis de la langue de bois peine à se craqueler. A 74 ans, sans étiquette ni appareil en soutien, il milite sur la 1re circonscription contre ses deux ennemis intimes, la mondialisation et l’islamisation. Tout un programme.

La rencontre s’est faite au jardin du Prieuré au Bourget-du-Lac. Un cadre fleuri, au moins autant que son phrasé, où l’ombre se fait rare et prisée par les promeneurs en quête de halte. Les moustiques tigres attaquent sans relâche, le soleil tape fort mais lui semble immunisé. Jean-Pierre Chauveau – à ne pas confondre avec son homonyme ancien sénateur de la Sarthe – n’est jamais là que pour justifier une seconde incursion dans une élection législatives après 2017, année où il échut à la 3e place sur cette même circonscription. Sous l’égide du Rassemblement national dont il ne se revendique plus.

Jean-Pierre Chauveau et Johan Level

Souverainiste jusqu’au bout des ongles

La maison familiale de Verel-de-Montbel a beau avoir abrité des Chauveau depuis 60 ans, Jean-Pierre, lui, a longtemps partagé son temps entre Paris, Lyon et Marseille, le fameux axe PLM, pris par ses obligations d’entrepreneur, bien qu’il s’y soit présenté aux municipales 2020. Dire qu’il est un local de l’étape ni n’est tout à fait faux, ni vraiment exact. Et pourtant, « les gens me reconnaissent tous » , sourit-il. Il est de ceux que l’on n’oublie pas. La faute – ou grâce ? – à ce phrasé si indentifiable, celui d’un homme sans filtre, que les années n’ont pas rendu moins loquace. A 74 ans, Jean-Pierre Chauveau ne reçoit plus de leçon de bienséance, son aiguillon est ce qu’il tient pour un langage de vérité.

Né politiquement sous l’emblème du RPR, il s’en éloignera sitôt la jonction établie avec l’UDF à l’orée des années 90. Lui, admirateur de Philippe Seguin comme de Charles Pasqua ne supporta pas le mariage entre les deux. Sans surprise, alors qu’il avait rejoint les lignes du RN voici une dizaine d’années, c’est lorsque la ligne mariniste s’est faite moins rigoureuse et plus consensuelle, selon lui, qu’il prendra ses distances, aidé en cela par les nouvelles têtes d’un parti « en pleine crise de jeunisme. Ils me trouvaient trop agressif, me prenaient pour un vieux con. J’ai toujours revendiqué une ligne plus dure ». Dure à n’en pas douter. Souverainiste jusqu’au bout des ongles, Jean-Pierre Chauveau en est à regretter Jean-Marie, « un homme formidable, un remarquable tribun ». Pasqua, Seguin, Le Pen, les vieux fusils de la politique… C’est à l’âge de 10 ans qu’il fera connaissance avec un autre de ses modèles, le grand Charles, tout juste arrivé au pouvoir, en 58. La guerre froide, les blocs est et ouest en face-à-face, le jeune Jean-Pierre s’éprend alors de diplomatie, une passion qui ne le quittera plus.

Adjoint au maire à Maintenon dans l’Eure-et-Loire, où son père vit le jour, après avoir ciré les bancs de la fac de Châlon-sur-Saône, Jean-Pierre Chauveau est revenu en Savoie à l’heure de la retraite en 2010. « J’ai gardé quelques activités d’aides à la gestion d’entreprises » , explique-t-il, mais cherche à savoir vers qui pencher sur le plan politique. « Debout la France m’intéressait, Dupont-Aignan, je le trouvais sympa mais il est devenu gnan-gnan. Il y avait bien le vieux Le Pen qui donnait encore un peu de la voix mais avec sa fille, je n’avais pas les mêmes affinités. Aujourd’hui, le RN a capitulé sur tout, l’islam, la CEDH*, la préférence nationale sur le logement… Moi, au moins, je propose du concret. Je ne suis pas là pour réciter les discours de là-haut ».

« La France est chrétienne »

Issu d’une famille « sans le sou » , parti faire des études dans les arts et métiers, il a, depuis, officié dans divers univers. Diplôme de comptabilité en poche, il a repris « des affaires en difficultés » dans le bâtiment, les ascenseurs, l’automobile. « J’étais déjà entrepreneur à l’âge de 23 ans » , insiste-t-il. Son contact avec le réel lui permet de saisir ce qui, à ses yeux, ne tourne pas rond, ici bas. Ainsi, les charges sociales doivent être reversées « en fonction des richesses produites » , les loyers doivent être abaissés « de 20% et bloqués ». Il se dit « favorable à la CSG » , à la création « d’une TVA à 30% pour les produits de luxe » , à l’instauration d’une taxe sociale et environnementale pour les produits importés…

Localisme, allègement du permis à points, GPA et PMA réservés aux couples homme-femme rejoignent une idéologie de pensée proche du RN, en tout cas très soucieuse du bien-être à la française et garante d’un certain conservatisme, pleinement assumé. Et puis il y a « ces deux fléaux à éradiquer, la mondialisation et l’islamisation ». « Je suis pour une immigration minimum, surtout concernant une certaine civilisation, dit-il sans sourciller. La France est chrétienne, l’Europe, la grande Europe, pas l’UE aux mains des Etats-Unis, aussi ». Evidemment, seul parmi 577 à prêcher pour une France plus française ne sera pas simple, « je verrai alors avec qui je pourrais discuter de mes propositions ». En tout état de cause, il assume porter un programme général car « le local n’a rien à faire ici, dans ces législatives ».

Il se revendique libre, reprend à son compte cette maxime de Jean-Marie Le Pen, « ni de droite, ni de gauche mais Français ». Il se dit « las de voir cette démocratie confisquée par les juges et les partis ». Un temps proche des idées portées par Eric Zemmour – « j’ai fait campagne pour lui à la présidentielle » – le voici de nouveau sans casaque, « après que j’aie rompu avec tout le monde ». En 2021, aux départementales, il avait fait imprimer son propre tract alors qu’il portait encore la flamme du RN « quand les autres arrivaient avec leur dépliant venant de Paris, moi je faisais campagne au local ». N’allez pas le placer à l’extrême-droite, « moi, je veux seulement de l’ordre. Il y a trop de gens qui trichent, or il faut un cadre, la liberté a un prix ». Son mantra, « nos devoirs envers la nation sont l’impérieuse et préalable contrepartie de nos droits ».

Accompagné dans cette joute par un tout jeune Savoyard, Johan Level, issu du RN, lui aussi, avec qui Jean-Pierre Chauveau s’est trouvé un double qui pourrait être son petit-fils (54 ans d’écart !), c’est une doublette originale qui est partie en campagne.

* Marine Le Pen a estimé, en mai 2021, qu’il n’était plus utile « de quitter la convention européenne des droits de l’homme » , un virage à 180° par rapport aux propos tenus en 2019, dans lesquels elle comparait la CEDH à « une camisole ».

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