article • 4 MIN

Législatives : les trois députés sortants encore en vie, la Nupes à la table des grands

Par Jérôme Bois • Publié le 13/06/22

Les trois députés engagés en Savoie voyaient venir avec crainte cette échéance électorale, confrontés qu’ils allaient être à une nouvelle vague, après celle de 2017, la Nupes dont on ne savait trop encore comment la situer. C’est désormais acté, les candidats de la nouvelle union populaire écologique et sociale ont gagné une semaine de rab en plaçant leurs quatre larrons sur chacune des circos savoyardes et il faudra une grosse mobilisation de son électorat ainsi qu’un report de voix favorable à Patrick Mignola pour le voir coiffer Jean-François Coulomme sur le poteau dimanche prochain sur la 4. Pour Vincent Rolland (2e) et surtout Emilie Bonnivard (3e), la ligne d’arrivée est proche. La majorité présidentielle place tout de même une finaliste, Marina Ferrari, en tête sur la 1re.

Disons-le tout net, toutes les conclusions après une soirée comme celle du 12 juin méritent d’être tirées. Oui, la Nupes a fait sensation (elle est en tête sur l’ensemble du département avec 25,08% devant Ensemble! 21,73% et les Républicains 20,85%), oui, la Macronie a résisté en général mais n’a placé en Savoie qu’une seule finaliste, oui le Rassemblement national progresse sans pour autant voir un des siens accéder au 2nd tour, oui, les trois députés sortants sont toujours en vie, oui, il valait mieux bénéficier du soutien d’un appareil, non, être candidat libre ne mène à rien ou si peu et non, il n’y a pas eu en Savoie d’accident industriel. Pas encore.

Les quatre candidats Nupes et leurs soutiens

Patrick Mignola : « J’ai fait mes voix, c’est déjà exceptionnel »

Même l’écart entre Jean-François Coulomme et Patrick Mignola sur la 4e circonscription (de 26,12% à 34,40%) ne peut pas être perçu comme un désastre, le député MoDem s’imaginait même, ces dernières semaines, devoir combler un fossé d’une toute autre ampleur. Mais les reports de voix aidant, la confiance affichée tranchait avec le score brut d’un dimanche maussade. « A la voix près, je fais le même score qu’en 2017 ce qui est une première surprise pour moi. Ce n’est pas forcément gagné mais la 2e surprise est que je voyais mon adversaire atteindre les 40% » , disait le député MoDem. Et maintenant ? « Ça va se jouer sur du concret, le pouvoir d’achat et les solutions immédiates que nous proposerons, les minimas sociaux, le Lyon-Turin, le plus grand projet européen en cours et qui en octobre prochain ne sera plus un sujet*. J’ai fait mes voix, c’est déjà exceptionnel ». Face à lui, donc, un nouveau venu sur le circuit, dont la planche a avantageusement profité de la vague porteuse Nupes, surpris « que l’écart avec Patrick Mignola soit à ce point-là ». Jean-François Coulomme semblait marcher sur l’eau, dimanche soir, à l’instar des candidats de la nouvelle union populaire. « Il a toujours le sourire, s’amusait l’un de ses soutiens, il est toujours comme ça ». Le ‘ν’ était partout dans les coursives de la Préfecture, une deuxième victoire dimanche 19 juin le transformerait en Ꞷ… Il relativisait cependant et versait dans la métaphore cyclo-rugbystique : « C’est une victoire d’étape, on est sur le col de Plainpalais, la vraie explication commence lundi. Il faudra transformer l’essai ». Et derrière ? Rémi Garnier (RN) se classe en 3 (mais fait mieux qu’Isabelle Fêtu en 2017 avec 16,27% contre 10,02%), François Gaudin (LR), dont on pouvait tout attendre, en 4.

Christel Granata : « Nous avions tout à gagner »

Grosse inconnue de cette élection savoyarde, la 1re circonscription, particulièrement ouverte et où les candidats étaient nombreux. (13). Au final, c’est Marina Ferrari, candidate de la majorité présidentielle Ensemble, qui se place en tête des suffrages  avec 27,40% devant Christel Granata (Nupes), avec 21,43%. Surprise tout de même avec la chute de la maison LR sur une circonscription historiquement à droite, tendance déjà contestée en 2017 avec la défaite de Dominique Dord face à Typhanie Degois. Karine Dubouchet-Revol (LR) a dû se contenter de 12,25%  et d’une très modeste 4e place (y compris sur Aix, où elle est pourtant adjointe au maire, 15,83%), derrière la nouvelle venue Manon Deruem (RN), dont le score demeure intéressant (19,95%), loin des 11% de Jean-Pierre Chauveau en 2017. Ce même Jean-Pierre Chauveau qui, sans étiquette aucune, n’a pu faire mieux qu’un très faible 0,16%…

Pour la finaliste d’un soir, Christel Granata, ce résultat était « une bonne et agréable surprise » pour sa toute première élection et sa toute première soirée électorale sous les ors de la Préfecture. « Ça a été une campagne très très intense, physiquement et mentalement. Sur une circo où il n’y avait pas de député sortant, ouverte, avec beaucoup de monde à droite. On nous disait qu’elle était perdue d’avance, on nous disait d’y aller pour nous amuser alors qu’en réalité, nous avions tout à gagner… » Enfin, s’il a été conforté par le vote saintinnois, Jean-Claude Croze, candidat de la majorité présidentielle libre, a tout juste dépassé les 5%…En face, Marina Ferrari se montrait prudente « Le match n’est pas gagné, il va falloir y aller fort sur la prochaine semaine, a-t-elle avancé, ce que l’on voit, c’est une société très clivée et deux projets de société qui vont s’affronter, d’un côté l’insoumission permanente, qui mène au chaos, de l’autre un projet de société progressiste tel que nous l’avons déjà commencé. La montée de l’extrême-gauche sur la 1ere circonscription est surtout due à la dynamique de cette alliance. Il faut que nous soyons solides, que nous ayons une unité nationale pour répondre aux urgences du quotidien. Des mesures sont déjà prévues, tant sur les urgences que sur le plus long terme, je pense notamment au dégel du point d’indice des fonctionnaires ou au Ségur de la santé, la revalorisation de la fonction publique. Au sortir de la crise que nous venons de traverser, les gens peuvent avoir le sentiment d’être de plus en plus abandonnés. c’est pourquoi nous avons besoin d’un capitaine à la barre. Il semble que mon travail à Aix-les-Bains a été assez largement reconnu, les gens savent qu’ils peuvent me parler, que je suis attachée au territoire et que j’aime les gens, tout en étant très engagée tant politiquement que dans les associations, ou encore sur les questions d’environnement. Enfin, si je reste prudente après ce premier tour, je suis aussi émue, parce que je pense à mon oncle ce soir. » 

Sur ces deux secteurs, plutôt urbains, la chute de la maison LR en Savoie s’est confirmée. Pas comme sur les deux autres…

Les sortants Républicains forts sur les 2 et 3e circonscriptions

Sur la 2e circonscription, la prime est allée au sortant, Vincent Rolland (LR), largement en tête de ce premier tour de piste (30,80%, 32,87% au premier tout 2017) devant Cédric Morand (Nupès) et ses 21,94%. Le candidat de la majorité présidentielle, Arthur Empereur, a pris l’eau (15,72%) et se classe derrière le RN, installé au pied du podium sur le département (18,88% en Savoie, 30 032 voix). Brice Bernard récolte ainsi 19,74% des suffrages. A noter que le finaliste de 2017, Philippe Troutot, jadis En Marche et parti en dissidence cette année, a sombré corps et biens (1,85%).

In fine, la grande gagnante de la soirée aura été Emilie Bonnivard, victorieuse de ce 1er tour avec une avance plus que confortable sur Nathalie Krawezynski (Nupes, 33,10% contre 22,76%). « Je ne m’attendais pas à un écart d’une telle ampleur mais ça démontre que dans la vraie vie, quand vous êtes honnête, que vous défendez les gens avec conviction, que vous travaillez, ça paie, les gens le reconnaissent et cela me réconforte ». En 2017, la députée avait « 11 points de retard au premier tour (20,73% contre 31,80% à Philip Vivier). On sait que rien n’est gagné d’avance, je suis totalement mobilisée dans l’optique de ce second tour ». Le soir-même, avec son équipe de campagne et accompagnée de l’incontournable Michel Bouvard, Emilie Bonnivard s’en est allée, sans répit aucun, préparer le plan d’attaque pour la semaine qui s’ouvre. Nathalie Krawezynski se réjouissait quant à elle d’avoir atteint l’un de ses objectifs, arriver au second tour, mais surtout, de pouvoir enfin parler de dossiers de fond avec Emilie Bonnivard, dans les jours à venir.

Arrivent ensuite Marie Dauchy (RN), qui fait mieux qu’en 2017 (19,57% contre 14,4%) et qui s’en réjouissait plutôt. « C’est une victoire, à l’issue d’une très belle campagne, très active. Je suis toujours fière de représenter les électeurs, ils voient le travail que j’effectue au local, ils savent que je serai toujours là ». Et en 4e position, l’outsider de cette 3e circo, Xavier Trosset, de la majorité présidentielle (15,78%) suivi d’un peloton de petits candidats, oscillant entre 2,66% à 0,90%… A noter que le candidat Ensemble a appelé à soutenir Emilie Bonnivard dans la perspective de cette finale du 19 juin.

En définitive, trois députés sortants sont au coude à coude avec trois candidats Nupès, avec un avantage concret pour deux d’entre eux, une Nupes qui place, ce n’est pas rien, un quatrième élément au 2nd tour sur la 1re circonscription face à Marina Ferarri. Qui seront les grands gagnants dimanche prochain ? Souhaitons que ce ne soient pas les abstentionnistes, largement majoritaires dimanche, en Savoie comme ailleurs (49,80%, 52,49% en France), bien qu’un peu moins qu’il y a 5 ans (52,45% d’abstention)**.

* Le gouvernement aura à se prononcer sur le tracé définitif du Lyon-Turin, mettant fin ainsi aux discussions entamées il y a une dizaine d’années.

 

** C’est Ugine qui détient, parmi les grandes villes de Savoie, la palme du plus fort taux d’abstention avec 55,31%.

Les réactions

Charles Gonzalez (Reconquête!, 4e circonscription)

« Nous sommes lucides, nous savions qu’au vu des résultats de la présidentielle, nous n’allions pas tout changer en moins de deux mois. Nos militants restent malgré tout très engagés, le combat est bien lancé. Nos résultats sont en deçà de ceux espérés mais soyons réalistes ».

 

David Berton (référent Reconquête! Savoie)

« Nous avions réalisé un score historique à la présidentielle pour un nouveau parti comme le nôtre. Il y a quelques mois, on n’existait pas, on a construit quelque chose d’historique. Cet été, on se prépare à une grosse réorganisation, pour comprendre ce qui a marché et ce qui a moins bien fonctionné. Nous ne sommes pas un feu de paille ».

 

Christian Roussel (candidat 1re circonscription)

« 1,80%, ce n’est pas déshonorant, je ne suis pas le dernier (rires). J’ai rencontré beaucoup de monde en peu de temps, j’ai reçu d’excellents retours mais j’étais lucide. Après je m’interroge : les gens sont-ils prêts à voter hors parti et pourquoi pas à porter mes idées ? Quant à l’abstention, cela montre soit un désintérêt pour la politique, soit les gens se disent que ça ne sert à rien ».

 

Christelle Favetta-Sieyès (présidente UDI Savoie)

« Ce résultat, entre sortant et candidats de la Nupès, est prévisible. C’est serré partout mais je pense que sur les trois premières circonscriptions, c’est joué. Quant à Patrick Mignola, il se retrouve en difficulté face à un inconnu mais sa réserve de voix se situe sur la frange droite. En général, je m’aperçois qu’en cumulant, Reconquête! et le RN sont trop hauts et qu’une grosse partie des gens ne voteront pas dimanche prochain alors que l’abstention est déjà importante ».

 

Florian Penaroyas (secrétaire de section du bassin chambérien du PCF Savoie)

« C’est historique ! Nous avons quatre candidats encore en lice, dont une au second tour issue du PCF, ce n’est jamais arrivé ! Finalement on voit que cette union qui a été décriée est efficace : nous sommes devant le RN dans les quatre circonscriptions, et ils ne sont pas au second tour. Face à la Nupès, il y a un modèle libéral représenté par la droite ou les marcheurs. Maintenant il faut transformer l’essai ».

 

Cédric Vial, Sénateur de la Savoie

« Ce résultat, on s’y attendait globalement, il y a une prime aux sortants, au global, qui se confirme et une prime à l’union pour la gauche, il n’y a pas de surprise. Concernant Marina Ferrari, c’est son expérience qui a joué, car elle a fait une vraie campagne de terrain. On voit aujourd’hui que les gens sont désintéressés de la politique et que dans le même temps, les partis politiques n’ont plus le pouvoir ou de poids comme précédemment. La prime au sortant se voit aussi avec Vincent Rolland et Emilie Bonnivard, mais ça n’a pas marché pour Patrick Mignola, qui paie son absence du terrain, et ça les gens le ressentent ».

 

Arthur Boix-Neveu, maire de Barberaz, Alexandra Cusey, conseillère régionale EELV

« Nous sommes très contents d’avoir 4 candidats sur les 4 circonscriptions, maintenant tout l’enjeu va être de convaincre les abstentionnistes. » « Le résultat de ce soir apporte la preuve que voter peut servir à quelque chose, c’est la concrétisation d’un travail mené depuis plusieurs années sur le département. » « Sur la 4e circonscription, la sanction que reçoit Patrick Mignola est liée au fait qu’il ait suivi la politique d’Emmanuel Macron, que ce soit la politique sociale ou économique, c’est le symbole de la Macronie ici, les gens n’ont pas envie de ça. Nous avons 500 circonscriptions NUPES au second tour, c’est possible ! »  « Depuis quelques années, les abstentionnistes de gauche disent ne pas voter » parce que nous sommes divisés « nous avons pris nos responsabilités en nous unissant, la balle est dans leur camp. »

Tous les commentaires

2 commentaires

BLANC Gérard

13/06/2022 à 20:57

On ne connaît pas encore les vainqueurs, mais on connaît déjà la principale perdante, la démocratie avec près de 50% d'abstentions et l'absence de scrutin proportionnel qui va sous-représenter à l'assemblée une grande partie de nos concitoyen.nes. Quant aux consignes de la majorité sortante, tentant d'assimiler NUPES à l'extrême-droite, c'est une falsification dangereuse, et c'est oublier que Macron a été élu aussi à la Présidentielle par les électeurs de la NUPES (gauches et écologistes) pour faire barrage à l'extrême-droite. Honte à eux et gare à l'effet boomerang !

Répondre

Jean

15/06/2022 à 13:51

Il n'y'a pas que dans les urnes qu'on constate de l'abstention... : https://parlementerre.fr/deputes/Patrick_Mignola

Répondre

Commenter