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Législatives : Marie Dauchy, en toute discrétion

Par Jérôme Bois • Publié le 04/06/22

A 35 ans, Marie Dauchy, étiquetée Rassemblement national, doit composer avec un statut particulier, celui de l’élue luttant seule contre tous, qu’elle expérimente au conseil municipal de Saint-Jean-de-Maurienne comme à la Région. Un statut particulier conféré par son appartenance au parti mariniste mais aussi parce qu’elle est une femme dans un milieu des plus misogynes. Consciente de la situation, elle dit savourer chaque élection comme une victoire et comme une expérience qui la façonne. Pour ses deuxièmes législatives sur la 3e circonscription, elle espère représenter au mieux ses électeurs et grandir, encore… Portrait.

 

Non elle n’en a pas marre. Au moment du décompte, elle hésite, puis ose, « c’est ma huitième élection*, je crois bien et non je n’en ai pas marre. Je suis tellement contente de représenter les gens… Au conseil de Saint-Jean-de-Maurienne, quand je défends le pouvoir d’achat, la hausse des taxes, la sécurité au quartier de la Bastille, on me remercie. Ce n’est pas simple d’être seule contre tous… » Et pour cause, dans la sous-préfecture mauriennaise, elle compose avec Caroline Arnoud l’opposition « Rassemblement pour Saint-Jean » tout comme à l’hôtel de région à Lyon parmi les 13 élus RN et localistes, et inlassablement, ses propositions passent à l’as, « mes amendements sont systématiquement votés contre. J’ai l’impression que beaucoup de sujets ne sont pas pris au sérieux ». Surtout lorsque c’est elle qui les porte. Exemples, l’endométriose ou la cause animale. « Ça ne me décourage pas pour autant, sourit-elle, même si sur l’endométriose, à la Région, j’ai été coupée parce que mon temps de parole était dépassé, j’ai trouvé ça moche ».

En tractage, ce printemps, au moment d’affronter ses deuxièmes législatives.

Encore en campagne, une habitude depuis 2015 qui interpelle, d’autant plus qu’elle-même s’interroge : « J’aimerais faire émerger des personnalités, ce serait un autre, j’en serais très heureuse. Oui, on ne me l’a jamais fait remarquer mais cette question, je me la pose ». Cela ne l’empêche pas de « militer pour tous et avec grand plaisir. Après chaque élection, je me sens plus grandie, même après une défaite ». Même à Saint-Jean où pour la première fois en 2020, le RN a pu constituer une liste, « c’était aussi une victoire ».

« Une proie facile »

Sauf que là, c’est une toute autre affaire. « Député, c’est un travail à plein temps, j’ai du mal avec ceux qui vont à la gamelle, ça dégoûte les gens de la politique ». Malgré son expérience politique, Marie Dauchy n’a pas dix ans de militantisme derrière elle. Membre du FNJ en 2013, elle se tenait à carreau, se contentant de militer, assez peu emballée par un engagement plus prononcé. Elle et ses parents arrivèrent en Maurienne au début des années 90 en provenance du Nord, elle n’avait alors que trois ans. Ses parents ouvrirent un magasin, « les Vignerons de Bacchus ». En grandissant, elle fait montre d’un engagement certain dans ses propos, « mes réflexions étaient construites » même si issue d’un univers plutôt de gauche. Le déclic surviendra plus tard, après son arrivée au FNJ. « J’ai entendu les témoignages de David Rachline, maire de Fréjus et sénateur, et de Steeve Briois, maire d’Hénin-Beaumont, ce qu’ils ont réalisé dans leurs communes respectives ; ils ont fait des économies, ont baissé les impôts, fait baisser l’insécurité… J’ai compris que c’était donc possible ». Elle prend alors sa carte. « J’avais des préjugés sur le FN et c’est en allant aux universités d’été de la jeunesse à Fréjus (en 2014, NDLR) qu’ils se sont envolés. Je suis revenue regonflée ».

Pas simple au premier abord, car d’un naturel timide, Marie Dauchy peine lorsqu’il faut prendre la parole en public ou s’adresser à des journalistes. Mais la politique est une bonne école. « Ce n’est pas évident de porter la voix, je ne le fais pas pour moi mais pour les autres, ça m’entraîne ». Ainsi, un jour où elle s’aventure à poser une question sur une entreprise locale qui venait de louper un marché risquant de la mettre en péril, elle en prend plein la tête, « je me suis fait détruire par le président de la communauté de communes et juste après, pourtant, le chef d’entreprise m’a remercié d’avoir osé ». Un comportement qu’elle attribue autant au milieu qu’à son statut de femme. « Au marché, lorsque je tracte, il arrive que l’on m’arrache les tracts des mains… Je ne suis pas sûre qu’on le fasse à un homme. Si je venais à m’énerver, on pourrait vite me qualifier d’hystérique sous prétexte que je suis une femme. Je dois être une proie facile » , soupire-t-elle.

Simplement consciencieuse

Anxieuse, elle en a vécu, des nuits blanches, avant ses interviews ou d’importantes prises de parole. Lors de sa toute première campagne – victorieuse – en 2015, il a fallu lui forcer la main, « je voulais juste militer ». Élue cette année-là, au conseil régional, elle compense son trac par le travail, « je veux toujours bien faire, je travaillais énormément en commission, par peur de décevoir ». Un vrai Verseau… Ce tempérament de bosseuse, elle l’a toujours eu, « j’aimais déjà beaucoup l’école, j’aimais apprendre ». Titulaire d’un bac littéraire, Marie Dauchy file à l’école supérieure de commerce de Chambéry (ESC, rachetée par l’Inseec) étudier la vente et le management.

@NathlaieGermain

« J’ai fait mes études en alternance, j’étais parallèlement vendeuse en électro-ménager » , un emploi qui la passionnait. « J’étais là pour donner au client ce dont il avait besoin. J’y arrivais facilement, je connaissais parfaitement mes produits ». Pas question cependant de vendre pour vendre, « je ne touchais pas de commission, j’étais simplement consciencieuse ».

Chargée de relations commerciales et des contentieux, elle s’épanouit tout en menant de front ses différentes activités politiques, en région et à la ville. « Le conseil régional, c’est une assemblée municipale en plus grand, en plus politique, en plus… hors sol. C’est moins passionnant parce qu’on ne reçoit les rapports que deux jours avant le vote, toute prise de parole est chronométrée. Forcément, au conseil municipal, les gens s’intéressent plus à ce qu’il s’y passe, les sujets sont ceux de leur quotidien, ça devient donc plus dur de ne pas faire passer un amendement de bon sens » , confie-t-elle. Si elle n’avait été du RN, Marie Dauchy aurait probablement milité en faveur du parti animaliste. En dépit de ses allergies, elle dit « avoir toujours adoré les animaux, de loin au départ. Et puis un jour j’ai pris un chat… » Favorable aux cirques sans animaux, à la création en Savoie d’un cimetière pour animaux, anti-corrida, elle transige néanmoins sur le loup, « un sujet difficile car il faut permettre aux éleveurs de protéger leurs troupeaux et leur proposer de meilleures indemnisations. Le loup mériterait une grande consultation ». Très engagée dans le milieu associatif, où elle laisse les étiquettes politiques au vestiaire, peu fervente de politique politicienne, elle n’espère rien tant que « bien représenter les électeurs » et « faire de [son] mieux ».

* Elle s’était présentée aux régionales de 2015 et de 2021, aux départementales 2015 et 2021, aux municipales 2020, aux européennes 2019 et aux législatives 2017 et 2022.

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