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Chambéry : face aux augmentations et à l’inflation, la ville en appelle à l’Etat

Par Jérôme Bois • Publié le 21/09/22

Lundi 19 septembre, la séance de rentrée du conseil municipal s’est clos sur un débat soutenu autour de la situation des collectivités territoriales, confrontées à de nombreuses hausses (Smic, point d’indice…) et à une inflation qui n’est pas celle que subissent les Français au quotidien. Aussi, par le biais d’un vœu, la majorité a souhaité en appeler à l’Etat français, souhait pas du tout partagé par la minorité, pour qui le groupe majoritaire préparerait plutôt les esprits à ne pas tenir ses engagements.

Débat de bonne (et haute) tenue, lundi 19 septembre, pour clôturer cette séance de rentrée du conseil. Il s’agissait pour la majorité de présenter un vœu réclamant l’indexation de la dotation générale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation, de donner accès aux collectivités aux tarifs réglementés de l’énergie et de bonifier les finances des dépenses d’investissements en faveur de la transition écologique, « et de les neutraliser dans le calcul de la dette des collectivités, car si nous voulons des consommations énergétiques qui pèsent moins sur le budget de la ville, nous devrons investir lourdement » , exposait Thierry Repentin.

Un débat engagé, deux visions qui s’opposent.

Une pluie de contraintes

Un point de contexte d’abord : ce vœu, « proposé par beaucoup de collectivités territoriales et de tout bord politique » a pour but « d’attirer l’intérêt du gouvernement sur le fait de se pencher sur notre situation » , détaillait Thierry Repentin. Pour ne pas pouvoir prétendre aux tarifs réglementés sur l’énergie, faute de pouvoir bénéficier du bouclier énergétique, les collectivités subissent de plein fouet la hausse du prix de l’énergie. Par ailleurs, poursuivait le maire chambérien, « d’autres décisions ont été prises sans accompagnement de l’Etat : le point d’indice de la fonction publique, que nous allons facturer à hauteur d’1,8 million d’euros par an que nous devrons trouver dans nos budgets, la revalorisation du Smic, décidée le 1er mai 2022, estimée pour nous à 364 000 euros par an, la revalorisation des grilles indiciaires qui vont de pair avec la hausse du Smic, pour 200 000 euros de plus. J’ajoute l’arrêt du conseil d’Etat qui prévoit le financement des AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) par les collectivités elles-mêmes, 150 000 euros supplémentaires à trouver…

L’inflation qui impacte nos dépenses, qui s’élevait à 5,8% en août, ne reflète en rien ce que nous subissons en réalité, nous les collectivités« , le surcoût de la consommation énergétique étant ainsi évalué à 1,5 million d’euros chaque année. Pour un surcoût total dépassant les 4 millions d’euros. C’est peu de le dire, le contexte est déprimant. L’édile conclura son exposé contextuel avec la suppression promise de la CVAE*, » qui pèsera sur les intercommunalités et par conséquent sur les villes membres«.

« Une façon pour vous de ne pas regarder la réalité en face »

Pas de quoi attendrir une minorité qui voyait, dans ce vœu, la volonté des élus de Demain Chambéry de chercher des coupables ailleurs que dans ses propres rangs. Ainsi, Aloïs Chassot avait « le sentiment que vous préparez les esprits à ne pas tenir vos engagements. Avec vous, c’est toujours de la faute de quelqu’un d’autre. Vous avez prévu d’investir à hauteur de 150 millions d’euros, dépensez alors l’argent que vous avez pour commencer ! »

Thierry Repentin et Aloïs Chassot, duel de visions économiques.

Philippe Cordier allait, lui, un peu plus loin dans la démonstration : « Appeler l’Etat à la rescousse aura un coût qui impactera le déficit public et notre endettement national. Or, la dépendance des collectivités territoriales aux transferts financiers de l’Etat (qu’il évalue à 115 milliards d’euros, NDLR) est déjà importante. La DGF s’est stabilisée depuis 2018 après de fortes et régulières baisses entre 2013 et 2017. Enfin, le parlement a adopté une loi de finances rectificative qui intègre une aide de 600 millions d’euros aux collectivités** pour faire face aux impacts dus à l’inflation ». Un contexte qu’il ne jugeait pas si morose que cela. « Aussi, deux pistes que vous proposez nous semblent contestables ; l’indexation de la DGF sur l’inflation et la neutralisation de la dette verte dans le calcul de la dette des collectivités. C’est une façon pour vous de ne pas regarder la réalité en face ». Ou comment, selon l’élu, les collectivités doivent cesser toute dépendance à l’Etat central.

Les dix élus de la liste « Aimer Chambéry, c’est agir pour vous » s’abstiendront dans le vote qui suivra. « Vous n’y serez donc pas associés, convenait Thierry Repentin, or ce n’est pas le vœu d’une formation politique que nous formulons, ici. Je veux bien entendre les grands discours sur le fait de retrouver de l’autonomie mais dites moi ce qui est apporté comme solution ? Comment va-t-on faire lorsqu’on vous prive en plus d’une capacité à lever un impôt, ce qui va se passer avec la suppression de la CVAE ? M. Cordier, vous parliez de la DGF stabilisée depuis 2018 mais pour nous, elle a rapporté 6,5 millions d’euros cette année-là, puis 6,3, 5,9 et enfin 5,7 l’année dernière. Il y a eu une érosion et celle qui attend demain sera pire encore. Vous nous dites de mieux serrer sur le budget de fonctionnement, je le comprends bien, c’est donc sur le fonctionnement des services municipaux que vous proposez de trouver des marges ».

« Je prépare l’avenir »

Fermement, le maire appuya son propos : « 4,1 millions d’euros, c’est ce qui est devant nous en termes de dépenses supplémentaires de fonctionnement liées à ces évolutions et ceci sans la moindre compensation. Je prépare l’avenir, il n’y a rien d’inéluctable et en se battant, les collectivités peuvent renouer le dialogue avec l’Etat ». « Pendant la crise Covid, ajouta Lydie Mattéo, adjointe en charge de l’éducation et de l’enfance, l’Etat n’a pas accompagné les collectivités pour le paiement des heures supplémentaires des agents, sur la petite enfance et l’éducation. Ce vœu est consensuel, il est dommage d’y accoler une vision politique ». « Quand on en appelle à l’Etat, c’est au final le citoyen qui paie, rétorqua Aloïs Chassot. Vous avez 150 millions d’investissements, faites 150 millions d’investissements ! Je veux bien entendre vos discours d’intentions mais plein de projets sont bloqués à Chambéry à cause de votre inaction ».

L’élu chambérien rappela au passage qu’à une époque pas si lointaine, il avait eu, avec l’équipe municipale conduite par Michel Dantin (2014 / 2020), à composer avec une situation financière particulièrement difficile, plombée par les emprunts dits toxiques contractés précédemment et qui avait notamment conduit ladite majorité à augmenter les impôts en 2015***. « Quand vous avez eu des difficultés avec ces emprunts structurés, qui êtes-vous allés chercher ? L’Etat, à hauteur de 14 millions d’euros ! Vous nous reprochez d’aller chercher une solidarité que vous avez vous-même quémandée à l’époque Il n’y a eu aucune situation, à la fois nationale et internationale, comparable à celle que nous vivons et qui a eu de telles conséquences sur la gestion d’une ville » , concluait Thierry Repentin.

Le vœu était adopté, reste à connaître le nombre de collectivités qui feront de même… et ce qui en découlera.

* Bruno Le Maire, ministre de l’économie, a annoncé début juin que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises disparaitra bien en 2023. Une décision prise de façon unilatérale et non concertée, selon France urbaine. En 2021, rapporte la Gazette des communes, cet impôt local a généré 9,7 milliards de produit fiscal l’an dernier pour les collectivités, soit 11 % de leurs recettes fiscales.

 

** Il s’agit d’une aide financière pour les communes les plus fragiles votée le 17 août dernier, ceci afin de compenser la hausse du point d’indice et l’inflation, une aide dont Chambéry ne bénéficiera pas, a indiqué Thierry Repentin.

 

*** La ville s’était sortie des emprunts toxiques en 2019. L’Etat avait, au total, pris en charge une grosse partie des pénalités, évaluées à 29 millions d’euros.

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