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Chambéry : le conseil municipal dit non aux cirques avec animaux

Par Jérôme Bois • Publié le 19/10/22

Au sortir d’un vœu émis en toute fin de séance, lundi 17 octobre, le conseil a pris date : désormais, la ville dira non aux cirques avec animaux. Un souhait presque unanime qui ne manquera pas de se heurter à certains murs administratifs mais qui se veut hautement symbolique : après Aix-les-Bains, il s’agit de la 2e ville savoyarde à prendre position.

« Cet acte est fort car si les animaux sauvages tels que les lions ou les éléphants vont progressivement disparaître des spectacles itinérants du fait de la récente loi sur la maltraitance animale, cela n’est toujours pas le cas des dromadaires, chèvres et autres chevaux. Or ces derniers n’ont rien à faire dans des cirques, trimballés de villes en villes à l’année sur les routes de France et s’adonnant à des numéros ridicules ». L’AJAS, association Justice animaux Savoie, ne cachait pas sa satisfaction, mardi 18 octobre, au lendemain d’un vœu exprimé par Sabrina Haerinck en toute fin de séance du conseil municipal : la ville s’opposera désormais à la venue de cirques avec animaux. « L’objet du vœu n’est pas de pointer une profession, surtout pas, mais de s’attacher à exercer une pression pour faire évoluer des pratiques plus tolérables en 2022 » , expliquait l’élue lundi soir.

@La presse de la Manche

Pour mémoire, le cirque Bouglione avait proposé en 2021 un cirque sans animaux, représentés sous forme d’hologrammes, dans certaines villes de France parmi lesquelles Aix-les-Bains cet été. Et d’autres communes ont d’ores et déjà planché sur la question animale, comme La Ravoire où le groupe Ecoexistons escompte proposer un vœu similaire au conseil prochainement. C’est donc un sujet dont s’emparent de nombreuses communes et qui trouve écho auprès des populations, toujours plus sensibles à la cause animale en dépit d’un attrait certain pour l’exotisme symbolisé par la présence d’animaux rares dans les cirques.

Des lois déjà restrictives mais qui n’atteignent pas les animaux domestiques

La fin des cirques sans animaux, vraiment ? On en est encore loin. « Nous en avons reçu cet été à Chambéry, où nous accueillons en moyenne quatre à cinq représentations par an » , estimait Sabrina Haerinck « alors que la loi ne nous confère pas la possibilité de nous y opposer concrètement au motif que ce cirque mettrait en scène des animaux ». En 2015 et 2021, la loi a largement évolué en faveur du monde animal, dans un premier temps en reconnaissant aux animaux le statut d’êtres vivants doués de sensibilité et non plus de biens et, dans un second temps, une loi contre la maltraitance animale. Cette dernière, promulguée le 30 novembre 2021, prévoit de lutter contre les abandons domestiques, d’interdire la vente de chiens et chats en animaleries à compter de 2024, de renforcer les sanctions contre les actes de maltraitance, de réprimer la zoophilie et la zoopornographie et de mettre fin à la présence d’animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums. Une interdiction envisagée pour 2028. Cependant, cette loi n’offre pas une portée sur l’ensemble des animaux puisque beaucoup n’entrent pas dans la catégorie « animaux sauvages » (chevaux, chèvres, etc.). « Tous les animaux considérés comme domestiques ou de ferme peuvent donc être exploités à des fins de spectacles en toute légalité » , déplorait Sabrina Haerinck.

L’article R214-29 du code rural souligne que les activités mettant en scène des animaux « doivent s’exercer dans des locaux et à l’aide d’installations et d’équipements adaptés, selon les espèces concernées, aux besoins biologiques et comportementaux des animaux ainsi qu’aux impératifs sanitaires de l’activité ». Malgré ce, plusieurs points ont été constaté, ainsi que le rappelait la conseillère municipale : « On a vu que des animaux dans les cirques pouvaient développer des troubles du comportement, parfaitement observables, ces troubles étant liés aux manifestations d’un échec à s’adapter et constituent la preuve d’une souffrance chronique ». Troubles cardiaques et arthrite figurent aussi parmi les problèmes observés. « Tous ces animaux, sans exception aucune, qui sont exploités dans les cirques exécutent des numéros parce qu’ils n’ont pas le choix. Cet état de fait rend ces spectacles bien moins divertissants qu’il y parait. C’est pourquoi, par ce vœu, la Ville de Chambéry, forte d’une délégation à la protection des animaux et du Vivant, souhaite poursuivre dans son ambition d’exemplarité en faveur du bien-être animal et propose que cette interdiction de mise en scène des animaux dans les cirques, les privant de leur dignité, s’étende à tous les types d’animaux, qu’ils soient sauvages, domestiques, de ferme ou autres » , indique, en conclusion, le vœu.

L’écocirque Bouglione, où les animaux ont été remplacés par des hologrammes…

« L’idée est d’interpeller le législateur pour demander une réglementation nationale interdisant l’exploitation de tout animal, quel que soit son espèce, dans les cirques, et de créer et financer un dispositif de sanctuaires pour garantir la prise en charge de l’ensemble des animaux de cirques ».

Un vœu auquel tout le monde adhère mais…

Ce vœu emporta l’adhésion de l’ensemble du conseil même si Philippe Cordier lui reprocha une volonté d’interdire. « L’objectif emporte l’adhésion de tous, il est indiscutable, c’est clair. Le moyen pour atteindre cet objectif est plus contestable puisqu’il repose sur l’interdiction pure et simple, ce qui est dans l’air du temps. Interdire toujours plus est une dérive sans fin, vers une société où l’on aurait le choix entre faire ce qui est obligatoire et ne pas faire ce qui est interdit ». Le conseiller municipal disait souhaiter s’appuyer sur le bon sens et la prise de conscience de tous : « Si personne ne va voir de lamas exhibés sur un parking de supermarché, il n’y aura plus de lamas exhibés sur un parking de supermarché. Aussi comme je préfère la liberté exercée avec responsabilité à l’interdiction, comme je préfère la conviction à la contrainte, je m’abstiendrai tout en restant attaché au bien-être animal et au respect des animaux ». « Moi aussi, répondit Thierry Repentin, j’aimerais que la prise de conscience l’emporte, hélas, elle ne donne pas de sécurité juridique. Car pour interdire un cirque, nous serions en situation de fragilité et quelques collectivités locales qui ont refusé parce qu’il y avait des animaux se sont vues déboutées parce qu’elles n’avaient pas de base juridique pour le faire ».

Aloïs Chassot s’attachait quant à lui à la symbolique portée par cette interdiction. « Sur l’arrêté que peut prendre un maire, oui, effectivement, il peut être cassé mais symboliquement, au-delà du vœu, que le maire de Chambéry, lorsqu’un cirque se présente avec des animaux, prenne un arrêté l’interdisant, même s’il sera cassé, je trouve que le symbole est fort. N’excluez pas cette possibilité, je vous invite à le faire ». « Je n’exclus rien, le cas ne s’est pas présenté même si de façon générale, je suis républicain » , a conclu le maire. Vœu adopté à la majorité moins quatre abstentions. Qui d’autre suivra ?

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