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Les opinions du Petit Reporter : Qatar… dif

Par Jérôme Bois • Publié le 14/10/22

Comme Annecy, Paris, Bordeaux, Marseille, Reims, Lille, Nancy et bien d’autres, Chambéry a fait le choix du boycott de la coupe du monde de football 2022 au Qatar. Un choix de raison puisque, avouons-le, le contraire serait fort peu entendable à un moment où la dénonciation des hérésies climatiques est à son climax et où l’indignation devant ces milliers d’ouvriers tombés pour la cause est source d’émoi planétaire depuis que les premiers décès nous ont été rapportés. Il n’y a rien de bien nouveau là-dedans, le Qatar, pays musulman conservateur, n’a pas attendu 2022 pour être loin des standards en matière de droits de l’homme et d’engagement climatique. Clairement, il n’est pas là pour ça et c’est à grands frais que l’émirat a tenté, au fil du temps, de s’acheter – à défaut d’une virginité – une honorabilité sur la scène internationale. Le rachat du PSG – aussi en 2010 – allait déjà dans le sens d’une « rationalisation diplomatique et économique » selon un ancien dirigeant parisien.

En 2010, il n’y eut guère que les puristes pour s’interroger à voix haute sur cette attribution, conscients qu’il s’agissait à la fois d’un non-sens footballistique (le Qatar n’est pas un pays de foot) et, l’apprendrons-nous par la suite, d’un choix sans fondement, attendu que le dossier qatari avait été jugé comme le moins pertinent parmi tous les candidats en lice. L’ex-numéro 2 de la Fifa, Jérôme Valcke, a récemment expliqué que ce vote avait été politique, afin « de donner le mondial au monde arabe ». Et s’il a pris soin d’écarter toute suspicion de corruption – « il n’existe aucune preuve » a-t-il soutenu -, une gigantesque enquête médiatique démarra sitôt l’attribution et allait aboutir à ce que l’on appelle désormais le « Qatargate », une affaire de corruption active et passive dans laquelle seraient impliquées de nombreuses personnalités des mondes politique et footballistique. Non, le Qatar ne pouvait pas obtenir l’organisation du plus grand événement sportif qui soit. Et oui il faut se souvenir que deux des plus grands activistes en faveur de la candidature qatarie furent français : Nicolas Sarkozy, alors président de la République, et Michel Platini, président de l’UEFA. Nos représentants politiques s’étaient tus, à l’époque, et voici qu’ils se réveillent à deux mois du coup d’envoi, se montrant en outre peu avares de réprimandes à l’encontre du petit émirat, grand comme la Gironde, qui n’a jamais été un parangon de vertu et à qui la France a régulièrement déroulé le tapis rouge.

Oui, les stades climatisés font bondir, la mort de quelque 6 500 ouvriers aussi (selon des ONG quand les chiffres officiels affichent seulement trois décès !), sans parler des droits de l’homme bafoués et des soupçons de financement du terrorisme international… Mais pourquoi s’offusquer maintenant alors que cette coupe du monde est une réalité depuis 12 ans ? Pourquoi ne pas avoir également bondi sur le Mondial de 2018 en Russie, dont l’attribution reste teintée de mystères, sur les Jeux d’hiver de Sotchi en 2014 ou de Pékin en 2021, vastes bouffonneries climaticides ? Et pourquoi ne pas avoir suivi l’exemple des joueurs de l’équipe nationale de Norvège (finalement non qualifiée) en mars 2021, lorsqu’ils dévoilèrent des t-shirts sur lesquels étaient inscrits « Droits humains, sur et en dehors du terrain » en marge d’un match contre Gibraltar ? Certes, devant les menaces de disqualification pour les futures compétitions internationales adressées par la Fifa, la fédération norvégienne s’était finalement rangée sur le bas-côté en votant contre un boycott trois mois plus tard. Au moins avaient-ils essayé… 

En définitive, pas de diffusion (ou de « rediffusion » comme l’indiquait François Astorg, maire d’Annecy, dans son communiqué) sur l’espace public, pas de fan zones, en signe de protestation, la belle affaire quand, à Annecy (finale 2018 au parc des sports) ou par le passé à Chambéry (demi et finale 2006), seuls les grands matches sont d’ordinaire diffusés, sous réserve donc que la France performe. Le Qatar, lui, se lavera allègrement les mains de cette opération « mains propres ». On se gaussera enfin, pour la bonne bouche, de la position parisienne : « Pour nous il n’a pas été question d’installer des zones de diffusion des matches pour plusieurs raisons : la première, c’est les conditions de l’organisation de cette Coupe du monde, tant sur l’aspect environnemental que social, la seconde, c’est la temporalité, le fait que ça ait lieu au mois de décembre ». Mais que le PSG gîte sous pavillon qatari depuis 12 ans maintenant, manifestement, ça passe crème…

J.B.

 

Photo : Fabrice Coffrini, AFP

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