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Sobriété énergétique : Chambéry éteint la nuit
Par Laura Campisano • Publié le 14/10/22
Alors que le mot d’ordre est « économie », compte tenu de la situation de crise énergétique au niveau national mais également à l’échelle internationale, chacun est appelé à réduire sa consommation d’énergie. Chambéry n’a pas attendu la crise pour réfléchir à la sobriété énergétique, puisque dès l’année 2021, des réflexions étaient envisagées sur les usages et les perceptions de la population sur l’éclairage public. La ville passe désormais à l’action en phase d’expérimentation : à partir de vendredi 14 octobre à 23h59, Chambéry éteint la nuit.
L’expérience existe déjà ailleurs dans l’agglomération chambérienne, dans des communes de plus petites tailles limitrophes à la cité des ducs. L’extinction de l’éclairage public durant des heures bien précises la nuit, bien souvent comprises entre minuit et cinq heures du matin, s’est déjà étendue à de nombreuses villes, comme Cognin, La Ravoire ou encore Saint-Cassin. Les bénéfices sont nombreux, tant pour la biodiversité que pour la santé humaine, mais vu les enjeux actuels ils sont principalement financiers et énergétiques : 40% d’économies sont réalisables en éteignant l’éclairage public durant cinq heures par nuit. De quoi réaliser de vraies économies.
Une expérimentation grandeur nature à Chambéry
L’idée n’est donc pas née hier dans l’esprit de l’équipe municipale puisque l’an dernier, à la même période et alors que nul n’imaginait une crise énergétique si importante, les élus avaient déjà en tête de questionner les usages de la population quant à l’extinction de l’éclairage public en ville. Cette fois, elle se généralise et passe à l’action, une semaine après l’entrée en vigueur du décret n°2022-1294 du 5 octobre 2022 généralisant l’extinction de l’éclairage publicitaire la nuit, au-delà des agglomérations de 800 000 habitants entre 1h et 6h du matin, « Les publicités lumineuses sont éteintes entre 1 heure et 6 heures, à l’exception de celles installées sur l’emprise des aéroports, et de celles supportées par le mobilier urbain affecté aux services de transport et durant les heures de fonctionnement desdits services, à condition, pour ce qui concerne les publicités numériques, qu’elles soient à images fixes. » A présent, c’est au tour de la ville de Chambéry d’éteindre son éclairage public entre minuit et cinq heures du matin, partout à l’exception du carré Curial, pour des raisons – quasi-évidentes- de sécurité des biens et des personnes et de la présence d’une vraie vie nocturne aux heures décrites.
Cela ne s’est pas fait en un claquement de doigts, comme le confirme Jimmy Bâabâa, adjoint en charge de la transition écologique : « L’idée était d’accroître les efforts de la ville pour trouver un même niveau de service et une réduction de la consommation d’énergie ainsi que d’émission de gaz à effet de serre, expose-t-il, avant cette expérimentation, il a fallu consulter nos partenaires et les instances de police et de justice, les pompiers, l’agglomération en ce qui concerne les transports publics. C’est long à mettre en place car il a fallu faire des consultations techniques en interne, ce qui nous a permis de constater que le réseau d’éclairage public de Chambéry était anarchique, car constitué progressivement dans l’histoire. C’est ce qui explique que nous ne puissions pas faire d’extinction rue par rue. Tout modifier demanderait des investissements assez importants. Il a fallu aussi vérifier les équipements branchés et les contraintes de chaque intervenant. » Un travail de longue haleine qui a permis d’évaluer l’économie d’énergie à environ 200 000 euros par an, « un chiffre qui demande bien sûr à être affiné et évalué au fil de l’expérimentation. » confirme l’élu, « l’éclairage public représente 40% de la consommation électrique de la ville, ce n’est pas anodin. » Pour Chambéry, il s’agira donc au travers de cette « extinction en cœur de nuit » de réaliser une économie de 40% des KWh consommés pour l’éclairage public, soit aux alentours de 16% de la consommation totale en électricité de la collectivité. A l’heure où le prix au KWh ne cesse d’augmenter, la commune expose que « l’augmentation d’un 1 centime de KWh équivaut actuellement à 35 000 euros supplémentaires de dépenses pour la Ville. » En effet, rien d’anodin.
Extinction de l’éclairage public le « jour de la nuit »
Pour que le lancement trouve écho auprès de la population et soit marquant, également auprès d’autres communes de même taille que Chambéry, il a lieu ce vendredi 14 octobre, soit le jour national de la nuit, qui vise à sensibiliser le grand public à la pollution lumineuse, à la protection de la biodiversité nocturne et du ciel étoilé, que peu de gens ont encore le réflexe de contempler. C’est dans ce cadre que plusieurs centaines de villes françaises, quelle que soit leur taille, vont éteindre l’éclairage public… mais à Chambéry, l’opération va s’ancrer dans la durée. « Nous souhaitons pouvoir ouvrir la voie au passage à l’acte d’autres collectivités, explique Jimmy Bâabâa, essaimer de telles démarches contribue à l’effet d’entraînement. Il est nécessaire, voire indispensable de passer à l’acte pour tenir nos engagements internationaux et moraux pour notre génération et celles à venir. Pour cela, il faut que nous soyons conscients de notre juste place, que nous comprenions qu’il est possible de respecter sans dégrader les conditions de vie et le développement de la faune et de la flore.
La question de la pollution lumineuse est centrale. « On le sait trop peu, mais Chambéry étant une » ville-porte « puisque se trouvant aux portes de deux parcs naturels régionaux (Les Bauges et Chartreuse), de nombreuses espèces animales sont amenées à traverser la ville, la nuit : oiseaux, renards, hérissons, blaireaux… » Or il fait quasi-jour en plein cœur de la nuit, reprend l’adjoint, qu’il s’agisse des animaux dont cela affecte leur rythme naturel, des végétaux dont la capacité de photosynthèse est altérée et même des humains, dont la chronobiologie est touchée, l’extinction de l’éclairage public la nuit est bénéfique. Mais cela soulève aussi la question de l’inégalité dans le rapport à la pollution lumineuse. Rendez-vous compte qu’un tiers de l’humanité n’a pas accès à un ciel étoilé. On en perd notre capacité à contempler, à rêver et à faire preuve d’humilité, également. « conclut-il.
Les humains, justement, sont bien sûr au cœur de cette expérimentation chambérienne. Ainsi, pour que les habitants soient au fait et ne se mettent pas en danger, la campagne d’affichage en ville a d’ores et déjà commencé et ces derniers seront appelés à donner leur avis sur la plateforme participative « participons.chambéry.fr », à l’issue de la première semaine d’expérimentation. La question qui revient en permanence quand est évoquée l’extinction de l’éclairage public nocturne est la sécurité. Comme indiqué précédemment, les services de sécurité qui ont été consultés ont consenti à lancer l’expérimentation, ce d’autant plus que cela sera fait en lien avec le centre de supervision urbain qui dispose déjà d’outils de vidéoprotection adaptés à l’extinction de l’éclairage. Mais au-delà de l’aspect sécuritaire, des initiatives sont mises en place pour accompagner les habitants dans cette nouvelle démarche. Ainsi, avec les associations France Nature Environnement et Astronomie sur les Monts, seront organisés à destination des habitants des « rendez-vous sous lampadaires », déjà réalisés à La Ravoire, consistant en balades nocturnes sous les lampadaires de la ville de Chambéry, équipées d’appareils de décomposition de la lumière, afin de comprendre pourquoi et comment l’éclairage excessif nuit aux animaux, aux végétaux mais aussi à l’Homme. Des balades intitulées « imaginons la nuit », pour partir à la découverte de la vie nocturne à travers une autre approche davantage ludique, imaginaire et artistique telle que la recherche, l’observation, la création de land-art, des contes, un théâtre d’ombres, des points d’écoute, entre autres choses.
Enfin, des balades sous les étoiles avec l’observation du ciel, de ses étoiles et objets célestes à l’aide d’équipements d’observation astronomique, pourront avoir lieu, une fois que la nuit retrouve sa place naturelle.
Au final, l’expérimentation s’inscrit dans une démarche démarrée dès l’arrivée de l’équipe municipale, emportant les engagements au-delà de certaines autres communes comme Grenoble, qui n’a pour l’heure pas rejoint Annecy, Bourg-en-Bresse ou encore Annemasse, et aujourd’hui Chambéry, sur l’extinction de l’éclairage public dans la durée. De quoi encourager encore l’action de Jimmy Bâabâa au sein de l’équipe municipale dans les actions encore à venir. « L’extinction de l’éclairage public nous permet d’atteindre 5% sur les 10% d’économies d’énergie réclamées par le gouvernement d’ici 2024, souligne-t-il, cela nous pousse encore à davantage d’exemplarité vis-à-vis de la population et entre dans un plan écologique global qui se déclinera encore sur les mois qui viennent. » Car il reste encore la question du chauffage, de la rénovation thermique des bâtiments déjà engagée, budgétisée à 16 millions d’euros jusqu’à la fin du mandat. Tant de nouvelles expériences encore à venir pour réparer la planète et améliorer le vivant.
Le « Jour de la nuit » a lieu ce 14 octobre 2022, et coïncide avec l’extinction de l’éclairage public à Chambéry, à titre expérimental de minuit à 5 heures du matin.
L’affichage public a déjà démarré, seul le carré Curial restera allumé la nuit.
Un programme des activités de médiation proposées par la ville sera en place sur le site de la commune et les habitants seront invités à donner leur avis sur l’expérimentation dès la semaine prochaine sur Chambéry (chambery.fr)
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