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Face à l’explosion du coût de l’énergie, Chambéry fera front

Par Jérôme Bois • Publié le 14/12/22

Comme l’agglomération l’avait voté quelques jours plus tôt, la ville de Chambéry a approuvé son plan de sobriété lundi 12 décembre. La municipalité a pris des mesures assez drastiques en vue de compenser les effets de la crise énergétique que l’on craint encore durable. Changements de pratiques et efficacité énergétique seront les deux leviers de ce plan de sobriété.

Avec un tiers d’augmentation des prix de l’énergie depuis le début de l’année 2022, estimait Jimmy Bâabâa, adjoint en charge de la transition écologique, hausse cumulée à l’inflation sensible depuis 2021 « et renforcée par l’été caniculaire » , les problèmes budgétaires pour les collectivités, les entreprises et les ménages vont sérieusement s’accumuler dans les mois à venir. Rien d’étonnant à ce que les premières citées donnent l’exemple en s’emparant dès maintenant du sujet en vue d’une année 2023 que l’on promet déjà tout aussi difficile. Il y avait, à ce sujet, quelque chose de symbolique à voir l’ensemble des élus dissimulés, au Manège, sous les doudounes et les écharpes, lundi 12 décembre…

Le risque, pour tous, en conséquence de cette crise, « est celui d’une rupture d’approvisionnement lors des périodes de pointe pendant la saison hivernale qui s’ouvre » , poursuivait-il. « C’est une situation qui appelle une mobilisation individuelle et collective sans faille pour limiter les dégâts d’une crise qui a des conséquences économiques et sociales importantes, qui peut être durable, mais qui donnera aussi, a-t-il nuancé, l’occasion d’opérer les changements nécessaires pour atténuer le changement climatique en accélérant la transition énergétique de nos modèles de production et de consommation ». L’adjoint imaginait ainsi deux leviers à actionner d’urgence, le levier sobriété « avec un changement de pratiques et de comportement corrélé à une diminution des besoins » et le levier efficacité énergétique, visant à réduire « la quantité d’énergie nécessaire pour satisfaire un même besoin en privilégiant le système le plus économique ».

Emmanuel Macron l’avait dit

Aux collectivités de donner le la, comme le fera Grand Chambéry en 2023 (lire notre article du 9 décembre). Chambéry prendra sa part et a même commencé assez tôt à investir sur le réseau de chaleur urbain « qui permet aujourd’hui à la ville et aux usagers d’être moins dépendants des conditions d’approvisionnement en énergie fossile » (lire notre article du 3 novembre 2021). Ce plan, présenté le 12 décembre en séance du conseil municipal, devrait permettre à la cité savoyarde de respecter la trajectoire imposée par l’Etat demandant aux collectivités de diminuer de 10% en deux ans leurs consommations énergétiques, « nous démontrons ainsi notre détermination à participer à l’effort collectif, concluait Jimmy Bâabâa, sans dégrader la qualité des services municipaux ». Cet objectif 2024 avait, pour mémoire, été évoqué par le président de la République lors de son allocution du 14 juillet. « Nous entrons dans une logique de sobriété. Je vais demander dès à présent aux administrations publiques, aux grands groupes de préparer dès cet été un plan de sobriété pour qu’on se mette en situation de consommer moins », avait déclaré Emmanuel Macron ce jour-là, lui qui se préparait à se « passer en totalité du gaz russe » dans les mois à venir.

Revue en détail des mesures validées en séance.

 

Les mesures, par secteur

Les bâtiments, premiers de cordée

« Nous avons un patrimoine de 300 000m² de bâtiments, rappelait Jean Ruez, conseillé délégué à la rénovation du patrimoine bâti, aux plans communaux de sauvegarde et à la sécurité des bâtiments, et les coûts de chauffage sont en proportion ». Le levier sobriété consistera dans l’abaissement de la température des locaux en journée à 19° et dans les gymnases, à 14°. Dans ceux relevant du CCAS, elle sera baissée de 1°. La nuit, en période de congés, « il y aura une vigilance particulière ». La période de chauffe sera également réduite et se terminera plus tôt, au printemps, « dès que ce sera possible ». L’efficacité, « c’est diminuer les besoins en énergie en isolant plus massivement les bâtiments, 9 d’entre eux* font l’objet d’études avant travaux d’ici la fin du mandat ». Les travaux sur certains de ces bâtiments devraient démarrer fin 2023, « on aura des résultats fin 2025 je l’espère ». Le réseau de chaleur est un « outil extraordinaire et stratégique » pour contribuer aux économies d’énergie en même temps que pour réduire l’empreinte carbone de la ville. Pour rappel, ce réseau de chaleur est actuellement le 5e réseau français par la taille, avec ses 58 kilomètres de longueur, il présente aujourd’hui un taux d’énergie renouvelable de 67%, il sera de 80% à l’horizon 2023 ce qui en fera le réseau le plus vertueux de l’Hexagone.

 


 

Eclairage public, l’expérimentation suit son cours

L’extinction de l’éclairage public la nuit a fait l’objet de nombreux retours, plus ou moins positifs, depuis son instauration, le 15 octobre dernier, un groupe de travail s’est formé en vue de tirer un bilan en début d’année prochaine. « Cette mesure permet déjà d’économiser près de 16% de l’électricité consommée au global par la ville et 5% de la consommation énergétique totale de la ville » , un impact énergétique et budgétaire majeur pour Jimmy Bâabâa. L’éclairage du patrimoine va également être analysé. L’éclairage de mise en valeur des arbres, « une ineptie en 2022 » , va être éteint, celui des bâtiments historiques sera diminué, après réunion de la commission patrimoine. Les lampes à sodium seront remplacées par des LED, à hauteur de 400 points lumineux par an.

 


 

Le numérique, c’est pas chic

4% d’émissions de gaz à effet de serre seraient issus du numérique et 2,5% de l’empreinte carbone nationale. D’ici 2040, souligne la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat, l’augmentation de ces émissions de GES pourrait être de 60%**… Autant dire que l’impact n’est pas neutre et la loi REN de 2021 avait déjà pris ce problème à bras le corps***. « Nous travaillons sur un plan stratégique de numérique responsable 2023-2024, en cours d’élaboration, indiquait Martin Noblecourt, adjoint en charge de l’administration générale. Et à court terme, des mesures simples ont été appliquées : augmentation du chauffage dans la salle des serveurs de la mairie pour réduire la climatisation et l’extinction automatique des ordinateurs la nuit ».

 


 

Les services municipaux dans le viseur

La réflexion sur le télétravail sera intensifiée, « notamment sur la question de la rationalisation de l’occupation de m² pour l’organisation de nos services, détaillait la 1re adjointe Aurélie Le Meur. Nous pouvons sans doute mieux utiliser l’espace (les fameux 300 000m² de bâtiments municipaux !) pour consommer moins. Il y aura également un axe sur la réduction de la flotte de véhicules légers municipaux et du CCAS » en même temps que le développement de l’usage de vélos à assistance électrique (VAE) pour les agents. Les trajets domicile-travail, les interventions du CCAS et les périodes de recharge des véhicules électriques seront, enfin, repensés.

 


 

Le CCAS, pas en reste

« Le CCAS peut aider les personnes en difficulté financière sous condition de ressources à payer les factures d’énergie, exposait Christelle Favetta-Sieyès, adjointe en charge du volet social, nous sommes les seuls à le faire au moment où tous les autres dispositifs d’aides ont été purgés, cette aide peut aller jusqu’à 300 euros par an et par foyer ». Par ailleurs, la direction de la santé publique de la ville s’engage à traiter tout signalement de disfonctionnement dans les logements et en veillant à la réalisation des travaux correctifs, dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique. Enfin, les propriétaires menant des travaux de rénovation énergétique sont exonérés de taxe foncière, depuis approbation par le conseil le 14 mars 2022.

* Il s’agit du Manège, le bâtiment Paul-Bert, le complexe sportif Boutron, les écoles élémentaires de Chambéry-le-Vieux, du Biollay, Simone-Veil, du Haut-Mâché, Jean-Jaurès et le site Jean-Rostand, tous sélectionnés pour « leur potentiel d’économie » , indiquait Jean Ruez.

 

** A lire, « l’empreinte environnemental du numérique » sur le site de l’Arcep, en date du 26 septembre 2022.

 

*** La loi REN du 15 novembre 2021 imposait, entre autres préconisations, aux communes et intercommunalités de plus de 50 000 habitants et à partir de 2025, l’élaboration d’une stratégie numérique responsable.

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