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Thermes de Challes-les-Eaux : et maintenant ?

Par Jérôme Bois • Publié le 25/02/23

Le couperet tombé le 16 février a laissé comme un arrière-goût d’aigreur teinté de nostalgie à chaque habitant de Challes-les-Eaux, fier de ses thermes, jaloux de son patrimoine… La fermeture annoncée de l’établissement thermal, vieux de 149 ans, a choqué mais c’est l’après qui doit être envisagé. Josette Remy, maire, tente de préparer la suite car des options existent. Seulement, l’urgence reste de ne pas laisser dépérir un bâtiment séculaire. Entretien.

La Chaîne thermale du soleil, plus grande chaîne de thermalisme de France avec 20 établissements, devant Valvital, pourrait être taxée de cynisme tant elle ne s’embarrasse guère de manières pour signifier la fermeture des thermes de Challes-les-Eaux : un petit tour sur le site officiel du groupe, recherche du mot-clé « Challes-les-Eaux » et c’est l’étonnement, « désolé, la page que vous cherchez n’existe plus ». « C’est super violent » , soupire Josette Remy.

Comme si à peine la messe dite, l’urgence était soudainement à de plus importantes considérations. C’est faire fi de l’histoire et de l’identité de la cité thermale, c’est aussi faire peu de cas de l’amour que lui portent ses habitants. Quoiqu’il en soit, le 10 avril prochain, les portes du bâtiment resteront closes, comme elles le sont depuis mi-octobre. « Et je pense que le plus grand choc sera de voir les vitres recouvertes de planches en bois » , anticipe madame le maire.

Un contexte économique trop lourd à porter pour le groupe

Ce morne 16 février, le communiqué fut sans appel, « la société des eaux minérales de Challes a le regret d’annoncer l’arrêt total des activités de cure thermale et de remise en forme des thermes et du spa thermal de Challes-les-Eaux » , indique en préambule le document placardé sur la devanture de l’établissement. Baisse de la fréquentation, très palpable depuis dix ans, déclin de l’activité ORL constaté en France*, nombre de prescriptions en gynécologie trop faible, c’est bien « le contexte économique » qui a été mis en avant par le groupe, d’où découle ce « lourd déficit d’exploitation se cumulant d’année en année, alors qu’il n’existe pas de perspectives de redressement et que la conjoncture économique est défavorable ». Car en 2019, « la Chaîne thermale avait réalisé un forage pour tenter de dynamiser l’activité de l’établissement en se lançant dans la rhumatologie » , rembobine Josette Remy. Le forage, profond, d’environ 1 000 mètres, échoua à quelques mètres du finish en raison d’une poche de méthane pur. « Le forage a dû être remblayé, ça a coûté plus d’un million d’euros au groupe ». Le Covid, un an plus tard, acheva de plomber les velléités du groupe.

Toujours est-il que, si la tendance n’était pas au beau fixe depuis plusieurs mois, « il y avait une logique à ne l’annoncer que maintenant, insiste le maire, afin que les gens qui ont réservé puissent se retourner, se réorienter ou annuler. Les difficultés datent de bien avant, la directrice est partie en décembre. Mais nous avions eu des alertes avant » Et puis il y eut l’épisode de la promenade confort que la ville souhaitait créer et qui bordait l’établissement. Or, la demande d’autorisation de travaux s’est heurtée à l’absence d’interlocuteur côté Chaîne thermale, un signe supplémentaire.

Changement de cap, nouveaux partenaires et positionnement différent

Malgré tout, le maire ne semble pas craindre de conséquences trop lourdes pour l’économie circulaire (logeurs, camping, commerces…) dépendant de l’activité thermale, « car avec la baisse de la fréquentation observée ces dernières années, elle a eu le temps de se préparer ». Là où l’on trouvait une centaine de loueurs auparavant, « il n’y en a plus que 50 aujourd’hui. Toutefois, tempère-t-elle, cela reste un potentiel logements qui peut apparaître sur un bassin tendu. Nous saurons les aider à se renouveler et les accompagner dans leur mutation. C’est un changement d’histoire ». Parallèlement, Josette Remy affirme avoir engagé une étude de positionnement de la ville avec Chambéry Grand-Lac économie (CGLE), en charge du développement économique du territoire. « Moins de curistes signifiait de devoir changer notre positionnement thermal. L’actualité nous a tout simplement rattrapés » , confirme-t-elle.

La commune pourrait-elle néanmoins reprendre à son compte une telle activité ? « C’est une compétence communale, ça peut être envisagé mais cela reste une question de coût et de négociations avec la Chaîne thermale qui, je le rappelle, possède le bâtiment ainsi que le tènement ». Un site classé en zone touristique et thermale, « qui ne permet par conséquent que l’installation d’hôtels, de restaurants et de cliniques ». Ceci précisé afin de tordre le cou à une rumeur persistance dans les rues de Challes depuis une semaine, celle qui prévoirait la construction d’immeubles en lieu et place de l’établissement. « C’est fou, ce que j’ai pu entendre un peu partout, soupire le maire. Il s’agit d’un élément patrimonial à conserver ».

Autre possibilité à creuser, celle consistant à trouver des partenariat pour créer un pôle bien-être ou un pôle sportif, à l’image du centre de rééducation pour sportifs de haut niveau d’Hauteville, dans l’Ain. « Les gens ne viennent plus trop passer trois semaines en cure. Alors développer des activités plus courtes, le weekend ou en semaine, à la manière de ce qu’a développé Valvital à Aix-les-Bains avec l’activité bien-être, pourquoi pas ? J’aimerais garder la spécialité gynécologie qui est une vraie plus-value, même si venait à se créer un pôle santé, bien-être et sportif… » Pour illustrer ce changement de mentalités autour des cures longue durée, prenons la structure pour enfants « le Parc », maison de soins ouverte en 2012 : « l’idée était d’accueillir jusqu’à 90 jeunes curistes mais ça n’a pas marché et l’exploitant a fin par jeter l’éponge en 2019. La ville a perdu 1 million d’euros dans l’affaire. Les parents préféraient passer trois semaines en vacances et donner des cachets de soufre à leurs enfants plutôt que de venir trois semaines en cure ». Face à un thermalisme en mutation, il faut savoir prendre le bon tournant.

Quant aux cinq salariés, le groupe assure que le nécessaire sera fait afin de les reclasser mais la municipalité n’exclut pas de jouer son rôle et de les réorienter : « Ce sont des gens qui travaillent ici depuis longtemps, qui vivent ici. L’établissement thermal du groupe le plus proche est à la Bourboule, dans le Puy-de-Dôme, pas sûr que tous soient disposés à y aller. Peut-être pouvons-nous trouver des solutions de reclassement plus près ».

Un changement de cap sera nécessaire, donc, et surtout très observé compte tenu de l’attachement populaire à une activité vieille de 149 ans et qui a contribué pour beaucoup à la réputation de Challes. « Ça a été un véritable coup de massue, résume Josette Remy, ce n’est clairement pas la situation que nous avions envie de vivre mais il ne faut pas perdre de temps : le bâtiment va se dégrader et je ne veux pas que cela arrive ici ». En attendant de trouver la ou les bonnes options pour ne pas tout perdre de cette identité, aucune porte n’est fermée, hormis bien sûr celle de la Chaîne thermale du soleil, mais ça, nous l’avions compris.

* Les cures thermales pour voies respiratoires et la gynécologie sont les deux spécialités de l’établissement de Challes-les-Eaux, en raison d’une eau naturellement chargée en soufre, la plus soufrée d’Europe, du reste. Le spa thermal complète cette offre.

Tous les commentaires

1 commentaire

DUPRAZ

25/02/2023 à 18:43

" ..car avec la baisse de la fréquentation observée ces dernières années, elle a eu le temps de se préparer " ...
et ils se disent surpris ?

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