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Chambéry : le conseil de la laïcité a bien été lancé

Par Jérôme Bois • Publié le 31/05/23

Le conseil de la laïcité sur lequel la majorité planche depuis octobre 2021 a été officiellement lancé, mardi 30 mai, avec une conférence inaugurale intitulée « Laïcité, une liberté à cultiver » donnée par l’historienne Valentine Zuber. Garant du respect de la loi du 9 décembre 1905, il aura un rôle déterminant dans la compréhension et l’application de ce concept mal connu et trop souvent mal perçu, car jugé autoritaire voire opposé à la liberté de croyance.

« Toulouse Fraternité – Conseil de la laïcité est une instance consultative instaurée par délibération du conseil municipal du 12 décembre 2014 et réaffirmée par une autre délibération en date du 8 octobre 2020. Cette instance de concertation locale a vocation à promouvoir dans notre ville la liberté de conscience, la neutralité des institutions républicaines à l’égard des différents cultes, dans le respect du principe de laïcité ». Son rôle, essentiellement consultatif, est de se saisir de toute question d’ordre religieuse, spirituelle, « pour rendre des avis motivés ». Nous étions près de 3 ans après les attentats de mars 2012 perpétrés à Toulouse par Mohamed Merah, acte terroriste ayant tué sept personnes, dont une fillette d’obédience juive et deux militaires de confession musulmane, et la laïcité se trouvait déjà bien malmenée. Marseille, Paris, Bordeaux, Grenoble lui ont tour à tour emboîté le pas avant que Chambéry ne s’empare du sujet voici deux ans « dans un contexte apaisé » , signalera Thierry Repentin. Pas d’attentat, pas de tuerie, pas de cris, pour justifier cette création même si le débat sur la loi immigration peut à tout moment ouvrir les portes de la discrimination et du conflit.

« Personne ne doit se sentir différent »

Mardi 30 mai, la toute première séance du conseil de la laïcité* s’est tenue en mairie de Chambéry et c’est un grand pas en avant en faveur « de la concorde » et « du respect des valeurs républicaines » , soutenait le maire. « Personne ne doit se sentir différent » , ajoutait-il. « Il s’agit d’une démarche pérenne, pas ponctuelle, ce conseil adopte un champ de réflexion large. C’est un outil opérationnel, lieu d’échange et de désamorçage de potentiels conflits, embraya Sophie Bourgade, adjointe en charge de la ville inclusive et de la lutte contre les discriminations. Notre volonté était d’obtenir une instance paritaire ». Qui se retrouvera à raison de deux réunions par an et d’un rapport d’activité présenté au conseil municipal chaque année. « Il ne s’agit pas d’un conseil des cultes ou des religions » , insistait Dominique Loctin, adjoint en charge de la tranquillité publique, la prévention et la sécurité, la cohésion et la vie sociale des quartiers, mais d’une instance consultative, déjà, et dont les six autres axes de travail sont les suivants : rencontre, réflexion, action, campagne de sensibilisation, formation et gestion de crise. Un volet pédagogique sera bien sûr envisagé à destination des établissements scolaires. « Ça peut être une piste, reprise dans la cité éducative**, un travail est déjà en cours, ce pourrait être complémentaire, estimait Thierry Repentin. La question scolaire a été spontanément soulevée lors de nos rencontres préalables à la création de ce conseil ». « Nous n’avons pas vocation à inventer de nouvelles règles ni à réinterpréter la loi, nous voulons simplement la faire vivre », reprit Victor Grezes, du cabinet Convivencia, expert en inclusion et en management de la diversité, avec lequel les contours du conseil ont été co-élaborés.

Une création paritaire, pluraliste, innovante

Valentine Zuber, historienne, conférencière et directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études de Paris, spécialiste de l’histoire de la liberté religieuse en Europe occidentale et de la laïcité en France et dans le monde, a inauguré cette première levée du conseil de la laïcité par une conférence intitulée « Laïcité, une liberté à cultiver ».

Dominique Loctin, Victor Grezes, Thierry Repentin, Valentine Zuber, Sophie Bourgade et Farid Rezzak

Elle est dans un premier temps intervenue pour expliquer la laïcité à travers le temps. « Ce n’est pas une exception française. La laïcité a une histoire, elle permet le bon fonctionnement d’une démocratie. C’est un terme difficile à traduire parce que perçu comme un principe plutôt autoritaire voire militant pour beaucoup. Il existe beaucoup de préjugés mais tous les états de droit ont un système juridique de régulation des convictions religieuses, qui prévoit la souveraineté de l’Etat, qui prône la non-discrimination et la liberté de conscience ». Puis elle revint sur la nature de ce concept, né de l’article 10 de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, le « premier acte de la laïcité à la française » – « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » – un concept aux 67 millions de déclinaisons pourtant. Ensuite, Victor Grezes a animé un atelier sur les sujets à traiter, les orientations du conseil afin de préparer au mieux la prochaine réunion du 19 septembre 2023.

Création unique – « C’est la première fois que je vois naître un conseil avec une telle pluralité » , dira Valentine Zuber – et mise en place très progressivement, cette instance fera que les valeurs portées par les individus et les groupes puissent cohabiter . « On a voulu faire émerger quelque chose d’utile, reprenait Victor Grezes, pas une simple coquille vide. Il était nécessaire que sa représentativité soit la plus large possible, selon une logique paritaire innovante ».

Le 19 septembre, on en apprendra sans doute davantage sur son champ d’action.

* Le conseil de la laïcité se compose de 4 collèges, à partir de binômes paritaires :

  • Collège des élus (8 élus de la majorité et 2 de la minorité)
  • Collège des représentants institutionnels et associatifs (2 représentants de la Direction des services départementaux de l’Education
    nationale (DSDEN), 2 de la préfecture de la Savoie, 1 représentant de la Ligue des droits de l’homme, 1 représentant de la Ligue de l’enseignement- Fédération des œuvres laïques de la Savoie (FOL), 1 représentant de l’Association départementale pour le développement et la coordination des actions auprès des étrangers de la Savoie (ADDCAES), 1 représentant de l’association de l’école du Mollard.
  • Collège de personnalités qualifiées et expertes : 5 personnes qualifiées.
  • Collège des représentants des associations, cultes, convictions et mouvements de pensée : 2 représentants de la communauté juive de Savoie, 2 du diocèse catholique de Chambéry, 2 de l’Eglise protestante unie de la Savoie, 2 du Conseil national des évangéliques de France, 2 du Comité départemental du culte musulman de la Savoie, 2 de l’association cultuelle des témoins de Jéhovah, 2 de la tradition bouddhiste, 2 du Grand Orient de France, 2 de la Fédération du scoutisme français et 1 représentant de l’Association de cohésion familiale protestante de Savoie.

 

** Chambéry a intégré le réseau national des cités éducatives en février 2022. La cité éducative de Chambéry concerne les quartiers de Chambéry-le-Haut, du Biollay et de Bellevue. Elle soutient tout particulièrement les parents et enrichit l’offre d’animation et de remobilisation pour les enfants et les jeunes.

La loi du 9 décembre 1905

Cette loi porte sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

L’article 1er prévoit que la République « assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».

L’article 2 rappelle que la République « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.

Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons«.

 

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1 commentaire

DUPRAZ

31/05/2023 à 20:13

heureusement qu'il y a les duos de représentants de toute les religions (et leurs sensibilités ) , parce que coté vie civile c'est un défilé de toutes le spectre de la gauche ...

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