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Chanaz, la petite cité qui a tout d’une grande

Par Laura Campisano • Publié le 28/06/23

Une parade vénitienne en été, c’est curieux pour certains, une tradition désormais installée depuis 11 ans pour d’autres. A Chanaz, qui comptait 547 habitants au recensement de 2020, c’est un des gros événements du village, c’est l’occasion de mettre à l’honneur la petite cité de caractère nichée comme un pays imaginaire au bord du Canal de Savières. Il faut le vivre pour le comprendre, se laisser porter, faire tomber ses barrières mentales pour laisser place à l’émerveillement.

D’abord, ces costumés venus de partout en France et d’Europe, dans des costumes sublimes, dignes du palais des Doges et de la place San Marco. Les voir surgir d’un escalier, d’un coin de ruelle, s’abritant de la chaleur sous un porche ou même déambulant sous une ombrelle près du fort, c’est déjà plonger dans une forme de rêve éveillé. Et c’est seulement la version ‘jour’. Car quand le soir se couche, les petites bougies s’allument sur la montée du fort et les costumés surgissent d’un autre univers. Leurs costumes, tricornes, accessoires, tout est illuminé, tout brille dans la nuit. 

Quiconque est allé une fois assister au carnaval de Venise à Venise reste sans voix. Il faut le voir pour le croire. Le temps d’une procession, on oublie le temps, le lieu et on se laisse porter par une atmosphère féérique plutôt inédite. Dans un village de 547 habitants. Pour terminer la première journée de festivités, un feu d’artifice est tiré au-dessus du canal. Pas un petit feu d’artifice. Un FEU d’artifice, un de ceux dont on se souvient, une cerise sur le gâteau, un point d’orgue dans ces deux journées riches, où chaque mur de pierre devient un décor cinématographique. Un de ceux dont quelques moyennes villes voisines devraient pouvoir s’inspirer. Une franche réussite. Les vidéos et reportages photos de ces deux jours parlent d’eux-mêmes. A vivre, dans des temps si complexes, c’est une parenthèse enchantée salutaire.

Néanmoins, ce que l’on retient, ce qui s’imprime en soi et force le respect, au-delà de l’enchantement lié au combo Venise + parade + feu d’artifice, c’est l’esprit qui semble habiter le village tout entier. Les élus sont partout, pas seulement pour les photos officielles ou à serrer des mains, non. Ils ne sont pas là que pour le protocole. Ils sont avant tout investis dans l’organisation, ils sont présents au concert des enfants de l’école à l’église Sainte Apolline, ils allument les bougies pour la parade nocturne, ils sont présents à la sécurité, certains accrochent même les parapluies pour le plus grand bonheur des photographes d’un jour. Les habitants sont bénévoles, ils jouent le jeu, affichant sur leurs façades des pancartes ‘café Florian’ suivies de leur prénom, pour rappeler le célèbre établissement vénitien. Ils sont dans l’Eglise prête à craquer pour applaudir les enfants qui ont appris l’italien avec leur enseignante et le groupe Ascolta venu chanter pour l’occasion. Ils décorent, ils prêtent main forte, ils participent. Les enfants tiens, parlons-en : outre leurs talents pour la comédie et le chant, ils forment une haie d’honneur devant la porte de l’église pour accueillir les derniers arrivants, remplissent les rues de leurs rires et de leurs chants. Les mamans servent la collation, les papas font les navettes. Le maire, Yves Husson, est assis sur un banc, dans l’assistance, le portable à portée de main pour parer au moindre besoin et n’attend aucun égard particulier. Les bénévoles sont partout, régulent le flot de visiteurs qui doivent passer sur l’autre rive pour récupérer leur voiture, indiquent leur chemin aux curieux un peu perdus, sourient. On croit que c’est anodin, le sourire. A Chanaz, les gens sourient. Qu’ils soient restaurateurs, commerçants, cafetiers ou brocanteurs, qu’ils tiennent un stand ou louent des bateaux, ils ont chaud, oui, c’est speed, oui aussi, surtout un week-end comme celui-ci. Mais avant tout ils sont fiers de leur village, fiers de cette communauté à laquelle ils appartiennent.

C’est en tout cas ce qui transpire de ces deux jours sous un soleil de plomb. C’est vrai, il fait (trop) chaud, encore plus sous les costumes et les masques. Pourtant, on dirait que personne n’aurait voulu manquer ça. Regardons le staff des bénévoles, parés de canotiers comme de véritables gondoliers, l’exposition, les objets dérivés, leur disponibilité et leurs indications bienveillantes, les serveurs au stand de boissons face au jardin de l’hôtel de ville, tout le monde est juste content d’être là où il est. S’il y a des couacs, et il y en a sûrement, vu l’envergure de l’événement, le public ne le sent pas. Cette fête, qui a réuni de nombreux visiteurs, à en croire l’affluence sur les parkings du village, les hôtels et chambres d’hôtes pris d’assaut plusieurs semaines avant l’évènement et les terrasses bien remplies, a sans doute permis d’accroître un peu plus la popularité de Chanaz. Et c’est tant mieux.

Bien sûr, certains souhaiteraient sûrement que de nouvelles manifestations soient créées, on est en France ne l’oublions pas, bien sûr certains s’offusquent de voir des costumés en plein soleil.  Pour cette édition 2023, ils étaient 120 à l’appel de l’association ‘Reflets de Venise’ et sont tous venus de leur plein gré, son président en tête de cortège. Voir tout ce monde mouiller autant la chemise pour que tous passent un bon moment, n’est-ce pas cela que l’on appelle ‘l’esprit village’ ? La ruralité a des charmes que l’on ne saurait nier. Et en Chautagne, avec son sens de l’hospitalité et de la fête, la petite Chanaz a vraiment tout d’une grande.

L.C

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