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Chambéry Sport 73 au bord du précipice

Par Jérôme Bois • Publié le 18/03/22

L’histoire a tendance à bégayer, elle nous le prouve suffisamment ces dernières semaines, celle du Chambéry Sport 73 aussi. Les tourments vécus par le club – alors Chambéry Foot 73 – et semble-t-il essuyés, ont ressurgi subitement et font planer une ombre au-dessus du club des Hauts de Chambéry. Victime de ses errements, il a été montré du doigt par les instances, les politiques et les services de l’Etat malgré ses louables efforts pour se racheter une image. Parce que le club souffre aujourd’hui d’un manque de moyens humains, il pourrait de nouveau sombrer. Le compte à rebours est lancé. 

Cabale ? Manque de chance ? Fatalité ? Au Chambéry Sport 73, on se fait du jus de crâne pour trouver une explication aux incessants tourments dont il est la victime. Lancé, pourtant, dans une vaste opération « reconquête », le voici aujourd’hui aux portes de l’oubli si ses partenaires historiques venaient à les laisser choir, lui et ses quelque 200 licenciés. Pour comprendre ce dont souffre le CS73, il faut se pencher sur son passé ô combien chaotique.

Sid Ali Randi durant l’AG extraordinaire du 15 mars

Une situation financière « maîtrisée »

Mardi 15 mars, espace des Combes, les dirigeants du club, fusion des clubs des Châtaigniers et de l’USCC du Biollay, organisent à la hâte une assemblée générale extraordinaire afin de rendre compte d’une situation d’urgence. Le président, Sid Ali Randi, en poste depuis octobre 2021, s’adresse alors à une soixantaine de personnes – joueurs, staff, bénévoles en rappelant les dates-clés. Club multi-activités depuis 2014 (boxe, boxe thaï, tennis, handball…), le Chambéry Foot 73 connaissait de grosses difficultés financières et devait être placé en liquidation judiciaire. Une nouvelle structure apparaît, le CS73, « avec peu de moyens, peu de subventions ». Quatre ans plus tard, le CS73 est en redressement judiciaire, la ville, dirigée alors par l’équipe de Michel Dantin, est sollicitée d’urgence afin d’éviter une nouvelle liquidation qui signifierait la fin pure et dure d’une entité à la dimension sociale sans cesse martelée. Ce n’est qu’en avril 2019 que la structure sort du redressement, elle parvient à épurer ses dettes en 2020 pour jouir, aujourd’hui, « d’une situation financière maîtrisée ». Depuis 2018, un comité de pilotage constitué du club, de la mairie, de la Préfecture et du District de Savoie préside aux destinées de la structure en vue de créer un nouveau projet associatif sur la période 2021/2025, de travailler sur la question des moyens humains et financiers et de bûcher sur sa pérennisation. Pour Sid Ali Randi, la clé de voûte permettant la bonne marche de ce plan est l’acquisition de bungalows puisque le siège du club est éloigné du terrain de jeu qu’est le stade Boutron, ce qui ne facilite notamment pas le recrutement de bénévoles. « La relance du club passera par là » , assène le président à Jean-François Beccu, adjoint aux sports et unique représentant de la mairie, mardi soir. Ce dernier, acculé à plusieurs reprises durant cette réunion, rassurera autant que possible ses interlocuteurs, le financement de bungalows figure au programme d’investissements 2022. « Je défends ce sujet, ça ne va pas assez vite, notre premier budget, en 2021, avait été subi, la faute à la crise, il est désormais inscrit au programme 2022 ». Mais l’élu admet toutefois se sentir « mal à l’aise, vous avez fait remonter des dysfonctionnements, vous avez eu des problèmes dans la gestion des ressources humaines, ça nous interroge, structurez-vous et nous vous apporterons des moyens ».

Des problèmes humains en cascade

Le club souffre d’un déficit d’image criant auprès des interlocuteurs privilégiés susmentionnés, « on ne s’est pas sentis épaulés ou entendus, il reste toujours comme un ressenti négatif autour de nous » , souffle Sid Ali Randi. Et comme un symbole, le contrat d’adulte-relais, financé à 80% par l’Etat n’est pas reconduit, apprenait-on le 24 février, le club avait déjà dû recourir à une rupture amiable avec son directeur technique, un fait figurant parmi les problèmes de gestion des ressources humaines évoquées par Jean-François Beccu. Le dispositif adulte-relais* devait alors être fléché au 1er avril 2022 vers un autre membre de l’encadrement, le responsable technique Nadir Khanfar, ce qui sera donc refusé.
A ceci s’ajoute un niveau de subvention – 35 000 euros – tout juste suffisant pour subsister quand cette manne s’élevait à 190 000 en 2014. « 35 000 euros, ce n’est pas grand chose, c’est dur » , dénonce Alain Ruiz, membre historique de ce club des quartiers populaires de la ville. Enfin, le club a vu sa réputation se ternir au fil du temps, jusqu’à être suspecté, il y a quelques années, de communautarisme par l’ancienne majorité. « Ils m’ont dit, à l’époque qu’ils ne donneraient rien à ce club, lié à du communautarisme » , reprend une bénévole. « Ça date de l’époque où Manuel Valls était premier ministre » , résume le président, « on s’est rendu compte, après les attentats de 2015 que le sport pouvait être touché par ce communautarisme. Je dis toujours aux jeunes de ne pas prier au stade, d’être respectueux des gens et des lieux où ils se rendent ». Autour de ce cadre de l’industrie automobile, membre d’associations musulmanes et « jouant parfois le rôle d’imam » , le raccourci est vite fait. « On en parlait déjà sous l’ancien président, Ibrahim Oumouri. Des rumeurs de jeunes radicalisés ont circulé qui ne collent en aucun cas à la réalité » , rembobine-t-il. Mais quelques défauts de comportement (insultes à arbitre, défaut de pass sanitaire imputé au président lui-même qui lui vaudra contre toute attente une suspension d’un an…) viendront jeter un voile sur un club alors en pleine restructuration et faire traîner un doute dans l’esprit des élus chambériens, comme le fit remarquer Jean-François Beccu. Dommageable car le comité de pilotage 2018/2020, « un outil indispensable et bienveillant » avait permis de remettre financièrement le club à l’endroit avant que la décision du 24 février vienne à nouveau le faire vaciller. En effet, le nouveau CoPil, lui, « semble plus déséquilibré » , insiste le président, depuis le départ de l’ancien délégué au Préfet en charge de la politique de la ville. « On avait pourtant trouvé une bonne dynamique, on avait réglé le cas du directeur technique, on espérait pouvoir rapidement trouver un remplaçant… »

« Le club a longtemps souffert de ses casseroles »

Plusieurs jeunes, membres de l’équipe U20, prendront la parole pour rappeler un fait troublant, « si ce club meurt, nous n’aurons plus rien et nous nous retrouverons à la rue » , comprenez à la merci de toutes les dérives. Pour Alain Ruiz, l’avenir du CS73, garant d’un équilibre social sur le quartier des Hauts de Chambéry, dépend, aujourd’hui, « de l’adhésion de tous : adhérents, habitants, partenaires, instances… Et a besoin de défendre nos valeurs ». Sid Ali Randi ajoutera qu’en cas de départ de Nadir Khanfar, faute de bénéficier du contrat adulte-relais, il sera amené lui aussi à quitter un club dont il a pris la présidence par intérim suite à la démission d’Ibrahim Oumouri, et à en stopper les activités, faute d’un encadrement suffisant « Le club a longtemps souffert de ses casseroles, la situation est désormais grave, critique, même, sans adulte-relais et directeur technique. Je veux alerter, on a besoin d’être aidés, on a commis des erreurs, comme dans n’importe quel club, c’est dû principalement au manque de moyens humains et financiers ». Selon le président, le nouveau CoPil est devenu avec le temps « un tribunal, le District nous enfonçait en permanence** tandis que le club, lui, commençait à gagner la confiance des gens ». L’adjoint aux sports a promis de mettre le maire, Thierry Repentin, dans la boucle afin de faire pression pour que le club soit entendu.Il reste donc peu de temps, d’ici la fin du mois, pour obtenir le financement d’un directeur technique et le maintien de l’adulte-relais, sans quoi le rideau sera une nouvelle fois – définitivement ? – baissé sur un club dont l’histoire récente ne cesse de se tisser de violents soubresauts.

* L’un des critères d’obtention est que la personne bénéficiant de ce contrat doit vivre sur le quartier, ce qui n’était pas le cas dudit directeur technique qui bénéficiait d’une dérogation de la Préfecture. En situation de saturation, il fera l’objet d’une rupture conventionnelle.
** Contacté à plusieurs reprises, le président du District de Savoie n’a pas donné suite à nos appels.

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