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Chambéry : la braderie de printemps, un échec, vraiment ?
Par Jérôme Bois • Publié le 19/05/22
Nous étions le 24 avril, les Français étaient appelés aux urnes pour un deuxième tour de piste, lors de la dernière présidentielle et pendant ce temps, les étals ornaient les rues commerçantes chambériennes pour ce qui était le retour de la braderie en ces lieux après deux années sans. Un retour considéré par beaucoup comme un échec, du fait de la mise en place d’une tarification pour les particuliers, du nombre fléchissant d’exposants et d’un public plus rare que lors de ses années fastes. L’Union des commerçants « Chambéry en ville », organisatrice de l’événement, fait front et souhaite réhabiliter autant son événement que son travail.
Les derniers grands événements chambériens ont eu décidément mauvaise presse, ces derniers mois : depuis le marché de Noël au démarrage désastreux avec sa grève des exposants au troisième jour d’activité, un carnaval moqué pour son peu de démesure et une braderie raillée pour sa baisse de fréquentation, le rayonnement de la cité des Ducs a, en quelques mois, été copieusement terni, de quoi alimenter une fois de plus et avec gourmandise, la chronique locale.
Nouvelle présidence en pleine crise sanitaire
C’en était trop pour l’union des commerçants chambériens, organisatrice de la plus grande manifestation de centre-ville ici-bas (après la braderie d’automne, traditionnellement plus fournie et plus suivie), l’une des plus grandes de la région et désireuse de remettre l’église au centre du village. Mercredi 11 mai, les adhérents étaient conviés à une réunion mensuelle où il a longuement été question des problématiques liées à l’organisation de la manifestation mais aussi des difficultés qu’a connu cette nouvelle équipe aux manettes de l’UCA depuis janvier 2021*, au plus fort de la crise sanitaire.
« Nous avons dû tout revoir de A à Z, la braderie n’avait en effet pas eu lieu depuis 2019 » , rembobine Didier Ervic, co-président de Chambéry en ville. Pourtant, avec moins d’exposants, des tarifs en hausse, l’augmentation du coût de la vie, les contraintes liées à la tenue de six bureaux de vote à Chambéry, les incertitudes météo et la baisse d’activité générale en France, le climat n’affichait pas le plein soleil au moment d’installer les premiers étals. « Le principe d’une braderie, analyse Attila Eter, membre du bureau de l’UCA et co organisateur de la manifestation, c’est de faire des affaires, tous les commerçants qui ont joué le jeu ont gagné leur journée, pas ceux qui ont fait de l’à-peu-près ». Les commerçants ont répondu présent (85 en tout) mais les forains ont été moins nombreux qu’à l’accoutumée. « Avec la crise Covid, beaucoup d’entre eux ont dû cesser leur activité » et ce malgré le plan massif de soutien de l’Etat, l’exonération de charges des TPE ayant subi une fermeture administrative, le report des charges fiscales jusqu’à des remises directes d’impôts… Les aides ont déferlé. « D’autres se sont abstenus de venir du fait de la météo incertaine et de la hausse du prix des carburants, souffle Didier Ervic. Le défi a été de parvenir à organiser une braderie dans ce contexte ».
Hausse des prix, alignement et margoulins
Lors de cette réunion a été posée la question du calendrier, il était pour ainsi dire contraint, aucune autre date n’était disponible en dehors des dimanches électoraux, avec des Chambériens la tête tournée vers l’Elysée dans l’attente d’en connaître le nouveau locataire. Car Albertville faisait sa braderie de printemps le 3 avril, tout comme Beaucroissant sa foire. Pâques tombait le 17 et les 1er et 8 mai étaient fériés sachant que Bourgoin-Jallieu faisait aussi la sienne le dimanche 1er mai. Puis, sur le plan tarifaire, effectivement, les emplacements sont devenus payants, 8 euros les 2m² pour les particuliers, évalués à 400 ce jour-là (72% du nombre de vendeurs). « On s’est tout simplement alignés sur ce qui se fait par ailleurs, estime Sandrine Garcin, co-présidente de l’UCA, car jusqu’à présent, il est vrai que nous étions les seuls gratuits ».
« Avant, renchérit Didier Ervic, la mairie payait tout et nous disposions d’une grosse subvention ». Les temps ont-ils changé à ce point ? Aujourd’hui, la subvention versée par la mairie s’élève à 10 500 euros, une somme que l’UCA juge limite, « à peine de quoi payer le salaire de notre secrétaire ». Toujours est-il qu’en s’alignant sur les tarifs pratiqués un peu partout et en rompant avec la gratuité, l’union commerçante a dû composer avec des attitudes peu scrupuleuses. « Certains exposants n’ont pas payé mais ont quand même participé, reconnaît Sandrine Garcin, on va aller les voir, ça va être rectifié ». « Pourtant, le responsable national des forains nous a dit que la braderie de Chambéry était toujours qualitative et nous a confirmé qu’en ne faisant pas payer, nous risquions de nous retrouver avec trop et n’importe quoi, nuance Attila Eter. Après, on comprend que pour certains, ce ne soit pas rentable de venir ».
Des comptes à l’équilibre
Avec la hausse des dépenses de sécurité « qui ont bondi de 30%, reprend la présidente, avec la présence de 40 agents sur plus de 24h, du samedi 23 à 19h au dimanche 24 à 21h », il était impossible de faire autrement. « Nous voulions que tout soit parfaitement cadré ». Par ailleurs, 12 jeunes avaient été embauchés afin de surveiller le stationnement autour des six bureaux de vote. La facture a fini par être salée, autour de 11 463 euros, soit près de la moitié du budget total de la manifestation (23 747 euros). Le bon côté des choses, c’est qu’en faisant payer les exposants, « ces derniers ont été plus responsables et le service nettoyage de la ville a eu moins de travail » , souligne Sandrine Garcin (une tonne et demi de déchets en moins, selon la municipalité). Et on a constaté moins de bagarres entre voisins d’étals.
Côté fréquentation, forains et commerçants étaient au nombre de 157, soit 28% de nombre de vendeurs sur la braderie « quand on en avait au maximum 250 à 260, compare Didier Ervic. Certains ont fait toutes leurs ventes le samedi soir et ce qui nous a été rapporté, c’est que les commerçants ont été globalement ravis ». Ceux qui ont joué le jeu, du moins. « On se bat contre la concurrence d’internet, nous devons sans cesse nous renouveler, animer nos commerces pour faire venir du monde, chacun doit aussi faire son travail de communication » , insistait Attila Eter, alors que des exposants s’étonnaient d’avoir eu peu de monde dans leurs échoppes. Les chiffres démontrent que les comptes de l’UCA sont à l’équilibre puisque la vente des espaces d’exposition a rapporté 26 665 euros. « Pour nous, au vu des circonstances, c’est déjà le jackpot » , se réjouissait-il.
Des relations glaciales avec la ville
Reste un point, crucial, à éclaircir, comment réchauffer les froides relations entretenues avec la mairie et en particulier l’adjointe au commerce Raphaëlle Mouric. « La ville fait quoi ? » , s’interrogeait une commerçante. Une autre : « Pourquoi ne vous aide-t-elle pas » ? « Si elle ne joue pas le jeu » , s’indigne une troisième…
« Je n’ai simplement pas été invitée, réagit sobrement Raphaëlle Mouric, or, quand on m’invite je viens ». Sur les critiques concernant l’action de la ville, l’élue fait front, « ce n’est peut-être pas à leur goût mais ça ne veut pas dire que rien n’est fait ». A titre d’exemple, certes, la subvention municipale reste peu élevée d’après l’Uca mais elle a été augmentée de 1 000 euros cette année, passant de 9 500 à 10 500 euros. « Il est par ailleurs difficile de défendre, se justifie l’adjointe au commerce, une augmentation de subvention lorsque je suis critiquée en permanence. La critique peut aussi être justifiée et constructive ». Pourtant, elle s’est dite plutôt satisfaite de la braderie et assure qu’il y a de la part de cette mairie « une vraie attention à l’égard des commerçants, étant moi-même commerçante ». Elle cite donc la hausse de la subvention, le recrutement d’un manager de commerce et la création de la plateforme d’informations « Chambéry on y vit », sorte de réseau social où chaque commerçant peut proposer ses actions, animations et promotions. « C’est un outil de visibilité et pas seulement pour le centre-ville » , indique-t-elle. Qui devrait être officiellement lancé avant l’été, « c’est mon souhait » , dit-elle.
Un point pourrait être de nature à obliger les deux parties à s’entendre, les animations de Noël, décriée jusqu’ici, sur lesquelles l’UCA a d’ores et déjà phosphoré. Un fascicule présente ainsi une proposition concrète d’animations sur 14 jours, principalement en direction des enfants, chiffrée, dont le budget total s’élève à 93 000 euros. Une façon, selon Sandrine Garcin, de montrer « qu’on sait faire » mais aussi de montrer « comment faire ». Raphaëlle Mouric précise avoir été informée de cette initiative et qu’une réunion doit avoir lieu pour en discuter. « Ce n’est pas une super façon d’amener les choses même si je reconnais la volonté de bien faire. Je ne ferme aucune porte, ce nouveau bureau a plein d’idées, c’est foisonnant ». Pour l’adjointe, l’UCA « fédère et rend le commerce visible à l’échelle de toute la ville, il y a un enjeu collectif à ce que cela fonctionne ». Les relations doivent en définitive être consolidées, « on se démène, côté mairie, pour obtenir des subventions, la vacance commerciale a baissé de 9,5%, nous sommes régulièrement en tête de tous les classements possibles, ce ne sont pas des actions dont les effets se ressentent instantanément mais qui comptent ». A eux de jouer !
* En octobre 2020, Sandrine Zappa et Philippe Guipponi avaient été nommés co-présidents de l’UCA suite à l’assemblée générale. Ils avaient été rejoints par Sandrine Garcin et Didier Ervic en janvier 2021 pour une co présidence à 4 têtes. Puis les deux premiers se sont retirés pour céder la place à une présidence bicéphale.
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