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Chambéry : l’intersyndicale maintient la pression autour de la vente présumée des deux résidences autonomie

Par Jérôme Bois • Publié le 16/09/22

Jeudi 15 septembre, soit trois jours après le préavis de grève déposé par les syndicats FO et CGT, le maire de Chambéry, Thierry Repentin, a enfin pris la parole à l’occasion d’une rencontre avec les agents du CCAS évoluant à la Calamine et Ma Joie, les deux résidences autonomie sous le feu des projecteurs depuis trois semaines. Comme dit et répété jusqu’ici – notamment dans ces colonnes – les deux établissements, susceptibles d’être vendus au privé, demeureront bien sous gestion du centre communal d’action sociale et c’est le maire qui l’a confirmé. Les syndicats, eux, ne sont toujours pas pleinement convaincus.

Une affaire de rentrée dont la ville et le CCAS se seraient allègrement passés. Agents inquiets, syndicats vent debout, opposants politiques sur le pied de guerre, ça bouge dans le microcosme chambérien (lire notre article du 30 août). Dans la ligne de mire, deux résidences autonomie, Ma Joie et la Calamine, vieux établissements bâtis en 1972 et 1965, dont les murs appartiennent à Cristal Habitat et qui auraient fait l’objet d’approches de la part de la foncière Enéal puis de la fondation Alia. Pour le second, les derniers travaux opérés remontent à 1984… Coût estimé d’un total rafraîchissement des deux résidences, 8 millions d’euros, un montant inabordable pour le propriétaire. Alors vendre oui, mais sous condition et en premier lieu, la conservation sans restriction, pour le CCAS, de la gestion des deux résidences*.

L’intersyndicale FO et CGT mobilisée

Peu convaincus par les explications du CCAS depuis le dévoilement de cette affaire et inquiets du devenir des agents concernés, les syndicats, FO et la CGT ont poussé le curseur d’un cran : « Suite à la demande de la CGT, la réponse du maire le 5 juillet est très claire, la réflexion n’est plus de savoir si le CCAS doit continuer à gérer ces structures, mais plutôt quel repreneur sera choisi. Suite aux premières mobilisations la municipalité souhaiterait que la gestion reste au CCAS. C’est un premier pas mais si les bâtiments sont vendus à du privé et ne restent pas à un office HLM public, le CCAS resterait vulnérable. Le nouveau propriétaire fera les travaux et appliquera le loyer qu’il souhaite » ont-ils indiqué sur leur blog. Ainsi, lundi 12 septembre, un préavis de grève a été déposé, courant jusqu’au 30 septembre, au motif que « les choix politiques qui sont faits étouffent financièrement le CCAS de Chambéry alors qu’il est l’outil principal de la municipalité pour fournir un service public de qualité pour nos anciens et pour les plus précaires ». Par ailleurs, « la subvention d’équilibre nécessaire au bon fonctionnement des services n’est pas versée dans sa totalité. Il manque en moyenne 400 000 euros chaque année ce qui met en difficulté le CCAS. Enfin, il n’y a toujours pas d’engagement concernant le devenir des deux résidences Autonomie ». Deux actions ont été menées, les 12 et 13 septembre, respectivement à Ma Joie et à la Calamine, pour interpeller la ville.

Et, depuis le 8 septembre, une pétition faisant suite à ces fameuses rumeurs de rachat circule. A ce jour, 114 signataires. Cependant, dans le laïus explicatif, cette phrase apparaît et sous-entend beaucoup de choses : « La dernière mesure d’économie envisagée par la municipalité est la vente des deux résidences Autonomie (maisons de retraite) : Ma Joie et La Calamine. D’une part les bâtiments détenus par Cristal Habitat seraient vendu à un propriétaire privé. D’autre part, il a été demandé, dans l’offre que doivent proposer les deux repreneurs, de reprendre la mission du CCAS concernant les personnes vieillissantes dans ces résidences ». Les syndicats assurent avec certitude que la gestion des deux établissements jusqu’ici mission du CCAS allait échoir au repreneur des murs, « selon une demande qui a été adressée » aux deux potentiels acheteurs, Enéal et la fondation Alia. « J’ai les éléments qui attestent que cette demande à bien été formulée » , promet Frédéric Dhorne. Mais formulée par qui ? La mairie ? Cristal Habitat ?

Le maire sans équivoque

Toujours est-il qu’enfin, Thierry Repentin est sorti de son silence dans cet épineux dossier, lui le maire, le président du CCAS et de Cristal Habitat. Il s’en est allé, jeudi 15 septembre, à la rencontre des syndicats et des agents. Son discours était calqué sur celui prononcé par son adjointe et vice-présidente du CCAS, Christelle Favetta-Sieyès : le CCAS restera gestionnaire des deux résidences et il n’a jamais été question du contraire. Il a affirmé en outre que la ville abondera financièrement pour faire que le centre ne puisse être déficitaire, ce qui lui est rigoureusement interdit. Le maire aurait enfin laissé entendre que le manque financier, évalué chaque année par les syndicats à 400 000 euros (soit le montant ôté sous la précédente mandature faisant passer la subvention de la ville de 4,3 à 3,9 millions d’euros) serait en réalité bien supérieur.

Régulièrement pendant la campagne, Thierry Repentin répétait cette phrase comme un mantra, « le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas » , reprise lors de nombreuses manifestations pour le maintien des services publics un peu partout en France. Ce n’est donc, a priori, pas à Chambéry que la ville cédera la gestion de ces deux résidences autonomie. Mais ce discours si rassurant soit-il, n’a pas convaincu du tout les syndicats, soutenus par le député Nupes Jean-François Coulomme : « Le maire a été accueilli comme il se doit, soufflait Frédéric Dhorne, il a affirmait que rien ne changerait, il a laissé entendre que Cristal Habitat était plongé dans une détresse financière et donc qu’il devait récupérer de l’argent en vendant ces deux structures ; d’après nos recherches, ce n’est pas du tout le cas et rien ne justifie qu’il se dessaisisse de son patrimoine ». Et les tentatives d’explications de Thierry Repentin n’ont en rien modifié la vision catastrophiste des syndicats. « Enéal est un privé, Alia aussi, leur mission est de faire du chiffre, le risque sera d’assommer le CCAS en demandes de subventions pour éponger le montant des reconstructions. Le CCAS a plus de chances de survivre avec Cristal Habitat qui reste un organisme public (une société d’économie mixte). En outre, selon le propriétaire, il n’y aura pas la même convention pour l’aide sociale. Cristal est conventionné, ce n’est pas forcément le cas d’un propriétaire privé ».

Un courrier pour apaiser

Un argument qui a fait bondir Christelle Favetta-Sieyès : « 80% de nos résidents ont recours à l’aide sociale, M. Repentin a clairement expliqué qu’Enéal et Alia étaient des organismes agréés à l’aide sociale à l’hébergement ». Il restait aux agents de décider du maintien ou non du préavis de grève déposé le 12 septembre. « Sur le fond, nous sommes abasourdis par le discours du maire, il essaie de tout mettre sur le dos des syndicats, même les résidents ne semblent pas convaincus » , conclut Frédéric Dhorne.

Il a fallu l’envoi d’un courrier signé de la main des deux élus adressé aux agents de Ma Joie et de la Calamine (le 16 septembre, lire ci-contre) pour apporter un début de satisfaction : « C’est déjà une première avancée, a estimé l’intersyndicale tout en tempérant toute ardeur : le service public n’est pas sécurisé, nous restons mobilisés tant que le CCAS sera en danger (…) Le maire ne s’engage pas clairement sur la subvention d’équilibre du CCAS non plus ». Le préavis de grève n’a donc pas été levé.

Reste désormais à attendre les suites de cette vente éventuelle des murs, sachant que les travaux seront nécessairement coûteux pour le nouveau propriétaire. Le loyer versé par le CCAS à Cristal Habitat, l’actuel propriétaire, n’est aujourd’hui plus que de 6 000 euros car plus indexé sur les prêts en cours vu qu’aucune réhabilitation n’a été enclenchée. Mais dans le cas d’une réhabilitation totale des deux résidences, évaluée à 8 millions, elle passerait à 350 000 euros. « Nous avons évoqué le vieillissement des bâtiments et la nécessité de les mettre à niveau, est-il écrit dans le courrier, en termes thermiques, d’installations électriques, de chauffage mais aussi d’agencement de logements. Ce projet nécessite des investissements conséquents ce qui explique l’étude de plusieurs scenarii (…) afin de prendre la meilleure décision en matière de financement ». « La question est : faut-il faire pour 8 millions de travaux ? », interroge Christelle Favetta-Sieyès. Un message envoyé à Enéal, notamment. « Enéal est venu 4 fois sans avoir été invité par nos soins. Il n’y a d’ailleurs jamais eu de commande qui leur a été formulée. Maintenant, je ne veux plus les voir si, au bout de 4 visites, ils ne sont toujours pas en mesure de faire une offre ». Les voici prévenus.

* Il faudrait pour cela faire voter, à l’unanimité, une délibération au conseil d’administration du CCAS visant à se dessaisir de la gestion de l’établissement. Ensuite, le Conseil départemental, qui est l’autorité de tutelle du CCAS, doit valider la décision du CA et valider le nouveau gestionnaire.

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