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Dissolution du conseil Savoie Mont-Blanc : Hervé Gaymard s’en va en guerre et saisit le Préfet… de Haute-Savoie
Par Jérôme Bois • Publié le 17/11/22
Fin octobre, Hervé Gaymard avait, bien malgré lui, acté la fin du conseil Savoie Mont-Blanc, institution vieille de 40 ans et dont il se posait en ardent défenseur. Mais l’opiniâtreté de Martial Saddier, président du conseil départemental haut-savoyard, l’a emporté. Ne reste aujourd’hui que la promesse de lendemains qui déchantent puisque son homologue savoyard ne compte pas en rester là et en appelle à l’arbitrage… de l’Etat. Une première.
Le fragile esquif n’aura tenu que 5 mois à flot depuis les premiers remous avant de sombrer corps et biens. Le 29 avril dernier, nous vous relations les rapports tendus entre les deux conseils départementaux autour de l’existence du conseil Savoie Mont-Blanc, auparavant assemblée des pays de Savoie, créée en 2001, jadis, entente régionale de Savoie, ainsi que les échanges épistolaires qui en découlèrent*.
Arrivé à la tête du département en 2021 sitôt la fin des élections départementales (et après avoir démissionné de son mandat de député en juillet 2021), on se doutait que Martial Saddier allait faire parler son tempérament de feu, lui, le clivant. On n’imaginait seulement pas que le CSMB serait sa première victime. A l’époque, il ne désirait rien d’autre que les deux départements se substituent au CSMB, dans la gouvernance et le financement. En ce qui concerne l’université, le contrat quadriennal s’achevant en 2022, il suggérait ainsi que le prochain contrat soit l’occasion « pour les deux départements d’intervenir en leur nom propre », tout en proposant la création d’une structure juridique ad hoc pour Savoie Biblio « étant entendu que sur le territoire de la Haute-Savoie, le service devra s’appeler Haute-Savoie Biblio comme il s’appelle Savoie Biblio en Savoie ».
On pouvait en rire mais l’homme était bien passé aux actes et le détricotage pouvait débuter. L’ancien député étayait cette volonté farouche d’en finir avec le CSMB par la prise en compte d’un rapport de la chambre régionale des comptes qui estimait que « plus de 15 ans après, d’importantes fragilités juridiques étaient apparues au niveau de l’organisation et du fonctionnement de l’institution ». Un argument jugé léger par de nombreux détracteurs mais qui n’a pas fait fléchir l’inamovible patron du CD 74.
Pas un divorce mais « une répudiation », selon Hervé Gaymard
Le 21 octobre, au terme d’une séance plénière du conseil départemental de Savoie, Hervé Gaymard rappelait que cette décision était celle de son homologue, de façon unilatérale : « Comme je l’ai dit, je regrette cette décision, donc ce n’est pas un divorce pour faute car cette structure fonctionne admirablement, ce n’est pas un divorce par consentement mutuel, c’est une répudiation, nous sommes obligés d’en prendre acte. Le CD délibérera dans les prochaines semaines pour prendre acte de cette dissolution, qui entraînera un certain nombre de conséquences. C’est la mort dans l’âme que nous allons le faire, c’est un gâchis monumental ». Certes, l’élu savoyard confessait son impuissance face à la détermination adverse, mais il n’allait pas s’en tenir à cette posture. Ce qu’il évoqua à demi-mots sur les réseaux sociaux : « Quelle tristesse de voir tant de temps et d’énergie perdus pour détruire plutôt que construire ! Nous aurons donc dans les prochaines semaines à déterminer les termes et les conséquences de la dissolution du Conseil Savoie Mont Blanc car il n’est malheureusement plus possible de rester plus longtemps dans ces faux-semblants et cette hypocrisie ».
En effet, le 28 septembre, il fut destinataire d’une lettre de son homologue haut-savoyard, qui délimitait en substance les contours de ce futur CSMB refaçonné : « Le conseil départemental de la Haute-Savoie a, lors de sa séance publique du 13 juin 2022, adopté une délibération relative à la mise en place de ce nouveau cadre de coopération, plus souple et plus agile, qui doit nous permettre d’enclencher une nouvelle dynamique (…) Il me paraît important de rappeler que le CD 74 entend maintenir les structures et action bi-départementales que les deux départements soutiennent de concert depuis des années, en particulier l’agence Savoie Mont-Blanc, le soutien à l’université Savoie Mont-Blanc, la lecture publique (Savoie Biblio) qui doit continuer à être assurée à l’échelle bi-départementale ».
Dans le respect total de ce qu’avait préconisé Martial Saddier au début du printemps. Il poursuit : « Les crédits du département qui transitaient ces dernières années par le budget du CSMB au profit des actions en faveur des acteurs du monde agricole et forestier, du tourisme, des grands événements sportifs et de la culture seront désormais inscrits au budget du département ». Il souligne, toujours dans ce courrier, que la contribution au CSMB sera « limitée à la quote-part du CD 74 au titre de la lecture publique, de l’enseignement secondaire, des cotisations statutaires du CSMB ». Un méticuleux détricotage.
« Il me revient de saisir l’Etat… »
Pour finir et sans ironie aucune, Martial Saddier dit compter sur la pleine coopération du CD 73 pour maintenir la dynamique des structures « comme la chambre d’agriculture par exemple (…) Je suis convaincu que les élus de nos deux assemblées sauront continuer à travailler ensemble sur ces politiques essentielles pour nos territoires que sont l’agriculture et la forêt, mais aussi le tourisme, la culture, sans devoir passer par une structure intermédiaire telle que le CSMB ». Un courrier qui ne pouvait appeler qu’une réplique cinglante.
Ainsi, le 25 octobre, quatre jours après la plénière, Hervé Gaymard répliqua : « La méthode unilatérale (permettant de mettre fin à certaines coopérations tout en en conservant d’autres de façon provisoire, NDLR) que vous utilisez me semble contraire à l’esprit mais aussi aux statuts du CSMB. En tant que son président (…) il me revient de saisir l’Etat, en l’occurrence le Préfet de la Haute-Savoie, quant à la légalité de la méthode que vous envisagez de suivre ». Et effectivement, le même jour, il transmit au Préfet de Haute-Savoie, Yves Le Breton, une lettre réclamant de « connaître [son] avis quant à la légalité de la méthode proposée par Martial Saddier dans son courrier ». Une décision sans précédent qui confirme, si besoin en était, qu’entre les deux départements, la rupture est bel et bien consommée. Un proche du dossier nous expliquait même que selon lui, Hervé Gaymard « part en guerre » pour que l’histoire ne s’écrive pas à ses dépens. « Parce que le cas échéant, il laisserait le CSMB dans un moindre état que Michel Barnier l’avait laissé en 2001 » …
Lui qui faisait d’une désormais hypothétique fusion des départements son dernier combat avant de passer la main se voit dépossédé d’une institution qu’il a choyé durant 20 ans.
* Un article à retrouver ici.
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1 commentaire
BLANC G
17/11/2022 à 23:59
Si on avait - depuis tant d'années - ouvert le débat et consulté les populations au sujet des coopérations entre 73 et 74, ou sur une éventuelle fusion avec des compétences renforcées (comme en Alsace par ex), on n'en serait pas réduit à ce pitoyable combat de coqs. Quelle légitimité, quels mandats ont-ils pour des décisions aussi importante pour le présent et l'avenir de l'ensemble des savoyards ? Une fois de plus, quelle dérive démocratique !