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La Ravoire : la reconstruction du collège Edmond-Rostand aux Massettes est loin de faire l’unanimité

Par Jérôme Bois • Publié le 25/01/23

Un collège aux Massettes ? Une fausse bonne idée. C’est ce qui est ressorti de la réunion publique organisée mardi 24 janvier, halle Salvador, par l’association Ecoexistons à La Ravoire, en présence d’habitants, d’élus des communes concernées par ce futur collège, d’élus d’opposition et du Cpum, le collectif pour une urbanisation maîtrisée. Si ces derniers ont manifesté une totale désapprobation du projet de collège aux Massettes, les élus se sont montrés plus nuancés, appelant de leurs vœux une concertation de grande ampleur.

Il y a 50 ans, les vieux murs du collège Edmond-Rostand ne se doutaient pas qu’ils feraient l’objet, plusieurs décennies plus tard, d’aussi âpres discussions sur leur devenir. Bourrés d’amiantes, ils réclament pourtant un toilettage certain, qui devrait prendre la forme d’une reconstruction pure et dure compte tenu des coûts de désamiantage. Et c’est là que porte le débat. Où reconstruire un collège plus grand (passant de 400 à 600 élèves), tenu d’accueillir les collégiens de Challes-les-Eaux et de Saint-Jeoire en plus de ceux, majoritaires, de La Ravoire et de Saint-Baldoph et plus respectueux des nouvelles normes énergétiques* ?

D’abord le terrain de rugby et puis…

Tout portait à croire que le terrain de rugby situé entre le boulodrome et le collège actuel ferait office de site idéal. Et puis, en juin 2022, à l’issue de longues négociations avec le département, propriétaire des murs et du tènement, la chose était entendue, le collège restera à La Ravoire, révélait Alexandre Gennaro, maire et conseiller départemental. Deux options étaient soufflées au conseil municipal : au Roc noir ou aux Massettes. La deuxième option tenait la corde pour « sa position centrale stratégique » , près de Médipôle, attenant au lycée du Granier, à proximité de la sortie 20 de la VRU. « Challes est à 5 mn en bus, Saint-Baldoph et le centre-ville de La Ravoire aussi, et Saint-Jeoire, à 8mn » , rappelait-on à l’époque. « Ce sera ça ou le collège se fera dans une autre commune » avait tranché le maire.

En juin dernier, cette décision en avait surpris plus d’un. Frédéric Bret, ancien maire et surtout ancien conseiller départemental (2015-2021) avait d’ailleurs grimacé : « C’était un bel exercice politique pour annoncer que le Département a derechef acté un déménagement pur et simple pour un collège flambant neuf. Et hop, à la poubelle les 13 millions d’euros votés en 2016 pour la reconstruction sur site avec le lot d’études déjà réalisées et présentées aux enseignants en parfait accord avec le plan de la ZAC du centre-ville ». Au diable le concertation, l’affaire était pliée. Ce même mois de juin, une étude commandée par le conseil départemental devrait être rendue avant l’été.

Et puis, mardi 24 janvier, une semaine après les vœux du maire durant lesquels il a été fortement question du futur collège, une réunion d’information se tenait halle Salvador. Objet de la manifestation, discuter de l’avenir du collège en tenant compte des opinions populaires et d’élus des futures communes concernées. Si Alexandre Gennaro et Hervé Gaymard avaient été conviés, tous deux ont in fine décliné l’invitation. Le premier avait toutefois défriché le sujet, lors de ses vœux du 17 janvier. « Si on le construit en centre-ville, nous nous retrouvons contraints. J’ai donc proposé au Département que ce futur collège soit bâti sur le terrain des Massettes, derrière le lycée du Granier, proche de Médipôle. Le terrain est assez grand et le lieu pourrait absorber les flux supplémentaires de véhicules que le centre-ville ne pourra pas. Et le foncier du collège, qui appartient au Département, sera ainsi libéré. Si nous proposions un échange avec lui, nous aurions la main sur ce terrain sachant que notre ambition est de ne pas bâtir 1m² de plus que les 46 000 qu’il reste à accomplir (sur les 80 000m² à construire que prévoyait le projet Valmar en 2012, NDLR) mais de construire de façon plus diffuse, avec plus d’espaces verts et moins de hauteur » , disait-il voici une semaine.

Le Cpum ne veut pas d’un collège aux Massettes

Mardi 24, passée la présentation générale d’usage devant une cinquantaine de personnes, le Cpum, par la voix de Jérôme Garnier, prenait le relais. Collectif rassemblant une centaine de Ravoiriens, désireux de « freiner l’urbanisation galopante » , le Cpum avait tenté de rencontrer le maire et les deux minorités du conseil. Chose faite pour les deux oppositions, l’entrevue avec Alexandre Gennaro se tiendra, quant à elle, le 27 janvier. « Mais nous avons aussi rencontré les gens et fait signer une pétition pour la reconstruction du collège sur le terrain de rugby. Les Ravoiriens ne voient pas la nécessité de le mettre aux Massettes et se disent exaspérés par les constructions. Ils nous le disent d’eux-mêmes » , sur le tènement du collège actuel, il poussera du béton, et ce malgré la promesse du maire de voir des espaces végétalisés se multiplier sur le secteur, dont un parc de 5 000m². Cette pétition a été griffée par 1 392 personnes donc 535 en ligne, encore fallait-il pouvoir justifier cette position. Sur la foi de six thématiques, chacun des deux scenarii (terrain de rugby vs Massettes) était passé au banc d’essai. En tennis, on parlerait de roue de vélo, la sentence était inévitable, presque comique, 6-0 en faveur du scénario 1. Etude des trajets, intérêt pédagogique, sécurité physique et morale des élèves, aspect économique pour les familles, pour les pouvoirs publics et impact sur l’urbanisme de la ville, à chaque fois, le collectif tentait de démontrer par A + B que le scénario 1 était le seul viable** (étude complète du Cpum à retrouver ici).

En résumé, le nouveau collège aux Massettes serait « trop cher » , les équipements impossibles à mutualiser avec le lycée, les abords et cheminements appelés à être aménagés, le gymnase du centre ne serait plus utilisé, le centre-ville, déserté, la circulation sur la RD 5 augmenterait massivement, il serait éloigné des autres établissements scolaires ainsi que des équipements culturels, l’environnement serait moins sécurisant pour les collégiens, tant sur l’aspect circulation que sur l’aspect « agressions »… Des projections purement hypothétiques même si fruits de longues recherches de la part du collectif, rappelons-le.

Yannick Boireaud, pour Ecoexistons, prit la parole et tempéra le rejet ambiant de ce collège aux Massettes : « Notre vision est plus nuancée et nous n’avons pas d’avis encore tranché sur la question. Notre message, aujourd’hui, est de dire qu’il manque de la concertation car là, nous parlons des 50 prochaines années. Il y a un an et demi, Alexandre Gennaro avait, lors de sa campagne départementale, fait le choix du terrain de rugby pour accueillir le collège. Ce n’est plus le cas. A chaque réunion d’urbanisme, cette question revient sur le tapis mais on nous répond que ce n’est pas le lieu pour en débattre. Ce débat doit se faire à l’échelle du canton ». Le groupe estime nécessaire la mise en route « d’études d’impact sur les transports » et réclame par ailleurs « moins de peur » chez les habitants. Frédéric Bret, lui, s’interrogeait sur l’opportunité « de déplacer un élément central de la commune au moment où l’on veut centraliser les services publics ». Il rappela qu’au départ, « le département avait un plan pour reconstruire le collège sur site » , les études menées à l’époque semblaient le montrer. « Le Département aurait-il plus d’argent aujourd’hui ? »

A l’issue de ces discussions, plusieurs tables rondes s’organisèrent : l’enjeu était de poser les questions urgentes au Département, à la commune, au collectif afin d’alimenter le débat public qui ne manquera pas de faire réagir la population de tout un canton. Autant dire que le sujet est loin d’être tari…

Les questions posées

 

au Département

 

  • L’idée d’une cité scolaire a-t-elle été prise en compte ?
  • Quel est le prix estimé de la reconstruction du collège en lieu et place de l’actuel bâtiment ?
  • Des études de faisabilité et d’opportunité ont-elles été menées préalablement avec plusieurs scénarios ?
  • Peut-on imaginer un équipement qui serve également à la population en dehors des périodes scolaires ?
  • Est-il envisageable de déplacer le collège vers une autre commune (Challes-les-Eaux, Saint-Baldoph, Saint-Jeoire) ?
  • Pourquoi une seule étude sur un seul scénario ? Quelle restitution à la population ? Que devient l’étude de 2016 ?
  • Pourquoi ne pas conserver un collège au centre-ville de La Ravoire, et en construire un autre à Challes-les-Eaux ?
  • Est-il possible de consulter les études antérieures, notamment celle qui aurait été menée en 2016 ?
  • Quelle est la solution d’emplacement qui génèrerait le moins de déplacements pour les élèves ?
  • Comment sécuriser les déplacements à pied et à vélo vers le collège ?

 

à la commune

 

  • Quand prévoyez-vous de concerter la population sur la localisation du collège ?
  • Peut-on parler d’un nouveau centre-ville en déportant un équipement public générateur de vie et de lien social vers une zone agricole ?
  • Peut-on envisager un projet de collège avec une vision large intégrant Pré-Hibou ?
  • Comment articuler l’artificialisation des terrains agricoles des Massettes avec les objectifs et obligations de Zéro Artificialisation Nette ? Quels seront les terrains déjà artificialisés qui seront renaturalisés en compensation ?
  • Qu’est-ce qui justifie l’abandon du projet initial sur le terrain de rugby (engagement électoral) et l’absence de concertation avec la population ?
  • Comment concevoir un équipement multifonctionnel qui dépasse une simple fonction d’enseignement ?
  • Comment mettre de la vie dans le centre-ville si on enlève le collège?
  • Comment relier les 3 communes au collège à pied et à vélo?

 

au collectif pour une urbanisation maîtrisée

 

  • Avez-vous évalué la circulation au centre-ville apportée par le collège dont le secteur de recrutement serait étendu à Challes-les-Eaux et Saint-Jeoire ?
  • Comment les arguments du collectif sont-ils entendus par la Mairie ?
  • Avez-vous prévu une actualisation de votre travail tenant compte de l’évolution de la carte scolaire et tenant davantage compte des communes en dehors de La Ravoire ?
  • Quelle solution proposez-vous pour répondre aux objectifs du contrat de concession passé entre la commune et la SAS sans pénalités excessives*** ?
  • Comment expliquer aux autres communes du canton la position décentrée d’un collège au centre-ville de La Ravoire par rapport à Challes-les-Eaux et Saint-Jeoire ?

 

* L’un des éléments-clés de cette reconstruction est le respect du décret tertiaire qui implique la baisse de la consommation énergétique des bâtiment de 40% à l’horizon 2030. Sont concernés tous les bâtiments ou locaux d’activité à usage tertiaire et dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m2.

 

** Les arguments en faveur du scénario 1 présentés par le Cpum sont les suivants :

  • Baisse du nombre de logements à construire sur le reste de la Zac Valmar pour éviter qu’elle ne se transforme en Zup Valmar (zone à urbaniser en priorité).
  • Le collège apporte une animation permanente, crée du lien social et contribue à la mixité intergénérationnelle. Pour éviter que le centre ville ne devienne une cité-dortoir.
  • Permet de demander le retour de la ligne de bus C au cœur du centre-ville.
  • Dynamisation des commerces du centre-ville.
  • L’éco-collège (et son anneau sportif végétalisé et arboré) permet de lutter contre les îlots de chaleur urbains.
  • Hyper-proximité des infrastructures culturelles et sportives existantes, des écoles primaires
  • La centralité garantit un environnement sécurisé pour un climat scolaire de qualité (zones piétonnes, présence permanente d’adultes aux alentours, de la police municipale, des caméras de vidéo-surveillance, de la médiathèque à la sortie des cours…)
  • Favorise les déplacements en mode doux pour la moitié des élèves (200 à 250).
  • Permet de ne pas augmenter le trafic routier par rapport à la situation actuelle.
  • Préserve le pouvoir d’achat des familles modestes du centre ville (notamment des nombreuses familles monoparentales), en évitant des frais de cantine et d’abonnement de bus (183 euros/an à partir de 12 ans)

 

*** Alexandre Gennaro avait estimé le montant des pénalités en cas de renoncement à la suite du projet Valmar à 11 millions d’euros. « Ce qui signifierait tout simplement la faillite de la commune » , avait-il ajouté.

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