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Antoine Duléry, le bon samaritain

Par Jérôme Bois • Publié le 09/06/23

Chaque apparition est un show, c’est la marque de fabrique d’Antoine Duléry, arrivé sur le tard à la reconnaissance publique mais dont on dit qu’il est le bon camarade idéal. Avec lui, la morosité fane, la dépression s’efface, la peine se tasse. Sur les bords du lac, Antoine Duléry a appris à aimer le cadre, la ville, les gens d’Aix comme il aime depuis toujours le cinéma et les grands qui l’ont élevé au rang d’art. Rencontre, les pieds dans l’eau.

5 minutes, pas plus. Enchaînant les entretiens, Antoine Duléry fatigue. Les soirées s’étirent, le soleil écrase et l’humoriste réclame du repos. 5 minutes. On en aura 15. Parce qu’une fois lancé, le TGV Duléry ne s’arrête plus. Inutile de poser des questions, il fait déjà les réponses. Sur Aix, sur le cinéma, sur ses potes du milieu.

« Je n’ai jamais eu peur du ridicule »

Pour sa 2e fois au festival, et sans doute pour très longtemps encore, Antoine Duléry fait partie du mobilier. Débarqué avec sa femme, productrice, et son fils, venu présenter son court « Sans t-y mettre », le 7 juin. Ce petit coin de Savoie, il a appris à l’aimer. Ce festival aussi. « J’aime les petits festivals, c’est plus convivial et on est reçu comme des rois. Je vois des films, des acteurs, des amis de longue date. Laurent Gerra ? J’ai un projet de film avec lui » Chaque tapis rouge est un one man show, un tour de chant, une bonne blague, un bain de foule. Son arrivée est le signe que la soirée peut enfin commencer. « On dit de moi qu’on a toujours besoin d’Antoine sur un tournage » , confie-t-il. Parce qu’il est un bon vivant, parce que surtout, il sait ne pas se prendre au sérieux. Un bon samaritain.

C’est qu’il ne craint pas le ridicule, Antoine. « Sur scène, je me fous en string, je montre mon cul, ça ne me pose pas problème ». Evidemment, on lui lance le défi sur le tapis du casino Grand-Cercle. « Non peut-être pas… Pas ici. Mais je n’ai jamais eu peur du ridicule. Sinon, on ne fait plus rien ! Au départ, j’étais quelqu’un de timide et je combattais cette timidité par un trait d’humour, une pirouette. J’ai fait l’acteur pour lutter contre ça. Ça me désinhibe et je suis plutôt généreux ». Au point qu’il faudrait un Antoine chez chacun d’entre nous. « J’ai mis longtemps à être reconnu et quand c’est arrivé, j’étais plutôt content. Mais ça ne m’a pas changé, je suis resté le même. J’ai vu tellement d’amis être de vraies stars… Belmondo, par exemple. Je suis face à ce monstre sacré, comment aurais-je pu prendre le melon ? J’ai joué ‘la Puce à l’oreille’ pendant deux ans avec lui. Une fois qu’on avait terminé la représentation, il allait signer des autographes pendant trois quarts d’heure. Il faut suivre sa pente, du moment qu’elle monte ». Et celle d’Antoine va « dré dans l’pentu » , comme on dit par ici. C’est qu’il traîne sa silhouette bonhomme depuis plus de 40 ans, sur les planches, les tournages. Il est même actuellement dans les salles, avec Gérard Depardieu dans « Umami » et enchaîne les séries. Pourtant, « même si avec le temps, je suis devenu moins timide, j’ai toujours des accès de timidité, surtout avant de monter sur scène ».

« Mes inspirations, Serrault, Gabin, Belmondo, Richard… »

Il convoque Michel Serrault, Jean-Paul Belmondo, Pierre Richard, Lino Ventura, Jean Gabin… « Mes inspirations, c’était eux ». Laurent Gerra n’en disait pas moins. Son époque, les anciens, glorieux. Il y avait quelque chose de spécial, avec eux, ils étaient comme une certaine idée de la France, cette France attablée au même restaurant que Lino Ventura, Bernard Blier, Henri Verneuil et Gérard Oury. Volontiers, on les aurait vus en compagnie d’un Gerra ou d’un Duléry deviser sur un pot-au-feu en réjouissances d’un copieux repas… Jean Marais ? « Je l’imite, oui. Et lorsqu’un producteur me dit ‘Mais personne ne le connaît’, je lui dit au revoir, souffle Antoine. Bon, il y a des mecs formidables dans toutes les générations, hein, mais j’ai avec eux un lien presque nostalgique. Dans mon spectacle ‘Antoine fait son cinéma’, je ne fais pas d’imitations de jeunes, ça ne serait plus moi ». Certes, il a bien tourné avec Kev Adams, dans « Maison de retraite », un bon souvenir mais il avoue avoir eu « l’amitié des plus grands », et ce lien est étroit. « Dany Brillant m’a dit un jour que les gens se reconnaissaient en moi. C’est joli. De là à me voir comme un gardien du temple… Non, ce serait prétentieux ».

Les personnalités ont changé, leur aura brille toujours au gré des évocations, des documentaires d’hommages et des imitations, mais Antoine parvient néanmoins à trouver quelque filiation entre eux et la génération actuelle, entre un Belmondo et un Dujardin. « Je les ai présentés l’un à l’autre, ils ont cette même capacité à se tourner en dérision, à jouer avec leur image ». On en voudrait tellement plus, pour les voir chanter les louanges d’un bon cassoulet autour d’une table d’un resto de province et d’un aussi grand narrateur que Lino Ventura…

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