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La Ravoire : désaccords multiples autour d’un vœu sur l’interdiction des cirques avec animaux

Par Jérôme Bois • Publié le 10/11/22

Ce ne devait être que l’adoption, par le conseil municipal, d’un vœu visant à enjoindre au Parlement de légiférer sur l’interdiction des cirques avec animaux. Un vœu proposé par le groupe Ecoexistons. Remanié, amendé, au grand dam du groupe minoritaire, il sera adopté, au terme d’un débat plus long et âpre que prévu. Depuis, du côté d’Ecoexistons, on ne décolère pas…

Lundi 7 novembre, la séance du conseil municipal s’étirait le long de points financiers et de demandes de subventions diverses. Tout devait alors s’achever par l’adoption d’un vœu (qui rappelons-le n’a qu’une portée symbolique, sans portée décisoire) que bien d’autres avaient déjà déposé dans d’autres communes, dont à Chambéry, et rien ne laissait penser que la réécriture du texte par la majorité allait occasionner un tel débat.

Une réécriture dont Ecoexistons, à l’origine du vœu initial, s’est ému par le biais d’un communiqué, diffusé le lendemain : « L’idée lumineuse [de cette majorité] fut de proposer son propre vœu à partir de celui présenté par le groupe Ecoexistons. Une nouvelle rédaction, déposée sur la table du conseil et que les élus de la minorité ont découvert en arrivant sans être informés au préalable de cette contre-proposition. » Sortir par le haut « (lire plus bas) a consisté à minimiser l’exigence en direction des législateurs, et dans le même temps, à démontrer que l’on sait agir pour le bien-être animal mais en vidant de son sens la démarche initiale des élus de la minorité ». C’est peu dire que le groupe minoritaire est sorti agacé de cette séance et que, si le vœu a bien été adopté, ce n’était pas le sien.

Un vœu écarté car jugé « discriminatoire »

En séance, Viviane Coquillaux, résumait la proposition de vœu émis par le groupe Ecoexistons : « Nous proposons que la présence d’animaux dans les cirques soit interdite. C’était dans notre programme de campagne alors que nous venions d’adhérer à la charte de l’association L 214. Il y a eu, certes, des évolutions dans la législation avec le texte de 2021 qui réglemente la présence d’animaux dans les cirques*. Nous pensons cependant que la loi de 2021 n’est pas allée assez loin ». En avril 2021, son groupe avait déposé une série de propositions autour du bien-être animal, dont une concernant les animaux des cirques, le sujet n’est donc pas nouveau. Du reste, ce vœu était dans les cartons depuis plusieurs mois.

Le texte demandait que le conseil municipal interpelle le Parlement en vue de créer une réglementation nationale interdisant la présence de tout animal, quelle que soit son espèce, dans les cirques et de soutenir la création de sanctuaires pour garantir la prise en charge de l’ensemble des animaux. Un souhait dont le fond était partagé par tous. Le problème résidait dans la forme. « Nous ne voulons pas faire de discrimination entre animaux domestiques et sauvages, je n’en ferai pas entre les établissements. Il ne faut donc pas se cantonner aux cirques mais à tous les établissements itinérants » , indiquait Cécile Mériguet. « Ça nous a fait discuter, renchérissait Emilie Dohrmann, notre souhait a été d’accompagner d’autres types de spectacles et établissements car tous n’ont pas les moyens de se convertir comme Bouglione et son écocirque. Il faut prendre en compte la réalité économique de ces établissements et les accompagner dans leur transition éthique » , précisait l’élue. Haro sur la notion d’interdiction, donc, comme l’opposition chambérienne l’avait relevé le mois dernier.

L’écocirque Bouglione déjà fermé

Le débat était lancé. « Quand vous parlez d’itinérance, à part les cirques, qu’est-ce qu’il y a comme itinérance d’animaux sur le territoire ? J’ai du mal à voir quels sont ces autres établissements dont vous parlez, autre que les cirques… Et tous les lieux de divertissement avec animaux sauvages seront concernés par la loi de 2021 et ce dès le 1er janvier 2023 (les animaux domestiques n’étant pas pris en compte, NDLR), rétorqua Viviane Coquillaux. Il ne reste que les animaux des cirques qui sont les lamas, les zèbres, les ânes etc. Ce que nous voulons, c’est que la loi soit généraliste. On n’est pas en désaccord mais nous n’en sommes pas au même niveau d’information ». « Vous faites erreur, il y a plus que les cirques or votre vœu ne ciblait que les cirques et était par conséquent discriminatoire. Il y a beaucoup d’autres troupes qui ne sont pas des cirques et qui utilisent des animaux domestiques, comme Zingaro, Bartabas etc. ». Le maire Alexandre Gennaro rappela par ailleurs que l’écocirque Bouglione avait déjà fermé ses portes, faute d’un modèle économique viable. « Ils sont allés trop vite, sans avoir d’accompagnement de la part de l’Etat ». André-Joseph Bouglione s’est confronté à une liquidation judiciaire (un fait peu médiatisé), ce qui a en outre réjoui l’association de défense des cirques de famille, dont les termes du communiqué laissent songeur (à retrouver en intégralité ici) : « Le pourfendeur, calomniateur et affabulateur André-Joseph devra bien admettre ce que toute la profession sait très bien : un cirque, c’est avec des animaux ! Les groupuscules animalistes, les hystériques fanatisés, les journalistes militants bobos parisiens n’ont cessé, pendant plus de 4 ans, de nous annoncer chaque semaine la naissance de cet écocirque, de lui tresser des lauriers et de lui chanter des louanges. Cela n’a pas suffi. André-Joseph Bouglione est un piètre gestionnaire, tout le monde le savait. Mais surtout, il a choisi une voie sans animaux, il s’est vendu à la cause animaliste (en échange de quoi ?), et cette voie était sans issue. Fin de partie André-Joseph ! Game over ! »

« On reste sur notre position »

« La loi n’a pas créé un statut d’animaux de cirque, poursuivait le maire. Il y a des animaux domestiques et non domestiques. Les petites erreurs ou maladresses sur ce dossier m’interpelle et ce n’est pas dans vos habitudes. Nous sommes des élus, on ne peut pas dire n’importe quoi et surtout, on ne peut pas faire de discrimination. Je vous alerte sur votre vœu tel qu’il est rédigé qui est discriminatoire. A un moment, vous nous avez donné du fil à retordre, c’est bien, nous avons passé, avec mon équipe, des heures et des heures là-dessus à savoir comment on pouvait sortir par le haut alors que l’on a des administrés, à La Ravoire, qui se posent la question de comment ils paieront leurs factures d’eau ou d’énergie. Nous sommes peut-être terre à terre à nous préoccuper des Ravoiriens au quotidien – un propos qu’il réaffirma à plusieurs reprises – Nous prenons tout de même la cause animale en compte, vous mettez ce sujet sur la table, nous nous en préoccupons ».

La proposition du maire était donc d’amender le vœu d’Ecoexistons avec un certain nombre d’éléments, dont le titre, car en désaccord avec l’interdiction demandée en tant que telle. « Nous voulons que les établissements de spectacles puissent continuer, moi, j’ai encore envie de voir des mini-fermes s’établir dans les écoles, de voir ces troupes évoluant avec des chevaux. Je ne pense pas que nos agriculteurs maltraitent leurs animaux ». Yannick Boireaud d’Ecoexistons, lui, n’en démordait pas : « S’il s’agit de réécrire le vœu en remplaçant les cirques par les établissements itinérants, ça ne me pose pas beaucoup de problèmes mais je reste sur ma position, tant qu’il n’y a pas la notion d’interdiction, il me paraît difficile de cautionner ce vœu, on ne peut pas assurer un bien-être animal pour des établissements itinérants. C’est quelque chose d’assez unanime dans les associations de bien-être animal ».

Il n’y a pas eu de cirque sur le domaine public depuis 32 ans à La Ravoire car la commune les refuse, rappelait Grégory Basin, « ce sont des privés qui louent leur parking, comme l’enseigne Besson. On ne peut rien dire, ce sont des privés ». Frédéric Bret suggérait, quant à lui, d’interroger le législateur sur ces privés qui ouvrent leurs portes aux cirques. « On avait interdit les cirques sur la commune, ce qui a réduit le périmètre d’installation car d’autres communes autour l’on fait également. Il faudrait que la loi soit plus précise. Quant au vœu, à triturer des lois qui seront de toute manière évolutives, je veux bien le faire pour rire, à la limite, parce que ça en devient ridicule. La réalité, c’est de parler de la cause animale mais nous, nous ne sommes pas législateurs ». « Moi je veux bien retravailler le sujet avec vous », suggéra Yannick Boireaud. « Eh bien moi je ne souhaite pas, trancha Alexandre Gennaro, moi mon sujet, M. Boireaud, c’est de savoir comment je peux aider les Ravoiriens qui socialement sont dans l’embarras aujourd’hui. On a traité le sujet, on l’a travaillé, on a des commissions développement durable, vous pouvez faire la demande de travailler dessus en commission, le conseil municipal n’est pas une chambre de discussions et de débats philosophiques ».

Pour Pauline Di Nicolantonio, présidente de l’association Ajas (association Justice Animaux Savoie), la mairie « veut faire croire que le vœu initial était discriminatoire – ce qui est faux – et en profite pour le réécrire totalement et vider cette mesure, déjà symbolique, de toute sa substance. C’est de la politique politicienne de bas étage à l’heure où des centaines d’animaux souffrent quotidiennement dans les cirques. Les associations de défense des animaux locales dénoncent un stratagème minable, qui ne dupe personne, alors que Chambéry a adopté il y a un mois un vœu demandant au législateur national l’interdiction des animaux dans les cirques ».

Pas sûr qu’un tel débat autour d’un sujet de consensus comme celui-ci n’ait été anticipé. Le vœu, amendé, a donc été adopté. Le débat, lui, aurait pu continuer toute la nuit…

* En 2015 et 2021, la loi a largement évolué en faveur du monde animal, dans un premier temps en reconnaissant aux animaux le statut d’êtres vivants doués de sensibilité et non plus de biens et, dans un second temps, une loi contre la maltraitance animale. Cette dernière, promulguée le 30 novembre 2021, prévoit de lutter contre les abandons domestiques, d’interdire la vente de chiens et chats en animaleries à compter de 2024, de renforcer les sanctions contre les actes de maltraitance, de réprimer la zoophilie et la zoopornographie et de mettre fin à la présence d’animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums pour 2028.

Tous les commentaires

3 commentaires

BLANC G

10/11/2022 à 20:26

Quel cirque et quels mauvais numéros d'équilibrismes et d'illusionismes politiciens, médiocres et incompréhensibles pour les citoyens spectateurs,et cela simplement pour tenter de reprendre la main sur ce voeu consensuel mais coupable d'être présenté par la minorité.
Cela aurait été si simple et honorable de proposer en amont à la minorité des amendements sur sa proposition afin de rechercher un vote unanime. Les maladroits lanceurs de couteaux n'auront fait que 2 victimes, la cause animale et l'image de la politique locale ! Allez, on se reprend ?

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PAUL DUPRAZ

10/11/2022 à 21:25

d' interdictions en interdictions , on va tout droit vers une dictature ...et pas celle que les gilets jaunes dénonçaient

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CAVAGNIS Fils

12/11/2022 à 21:28

Pas sûr que ce soit la cause de l'animal politique qui anime le plus M Gennaro et non pas la cause animale...

Alors quand il parle de se soucier des citoyens ravoiriens, excusez-moi, mais j'ai tendance à me gausser.

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