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Rapport d’orientation budgétaire de Chambéry : était-il nécessaire d’augmenter la fiscalité en 2022 ?

Par Jérôme Bois • Publié le 01/02/23

Assez curieusement, ce fut le climax du débat d’orientation budgétaire pour l’année 2023… Evoquer un fait vieux d’une année, fantasmer sur ses conséquences ou plutôt son absence de conséquences, s’interroger (une nouvelle fois) sur la justesse de cette décision controversée d’augmenter la fiscalité en 2022 et finalement, adouber tout ou partie de la programmation budgétaire de 2023, le vote du budget ayant lieu le 13 mars. Incongru, sans doute mais pas inintéressant. Retour sur le débat (ou rapport) d’orientation budgétaire du 30 janvier.

Est-il encore utile de faire ici la liste des bosses sur la tête qui nous sont promises, entre inflation, explosion du coût de l’énergie, crise politique et guerre à nos portes ? Allez, au diable le ressassement, parlons perspectives. Et elles semblent plutôt bonnes à en juger par la mine satisfaite de Thierry Repentin, à l’aube d’introduire le rapport d’orientation budgétaire 2023 (ROB) de la ville de Chambéry. Il n’y aura pas « de mauvaises surprises, dit-il, avec une inflation à un niveau inédit depuis les années 80 et les fortes hausses énergétiques. 2022 a, en outre, été marquée par les augmentations du Smic et du point d’indice sans accompagnement de l’Etat. Ça va se poursuivre en 2023… » Aussi, des efforts seront nécessaires, la masse salariale devra être maîtrisée, les dépenses de fonctionnement, abaissées tout en conservant un haut niveau de service à la population. « Ce budget 23 sera celui de l’extrême vigilance car les choses de 22 vont se poursuivre cette année encore » , prophétisait le maire.

Une trajectoire budgétaire difficile à anticiper

En 2022, Chambéry n’avait pu bénéficier du filet de sécurité, un dispositif de soutien des communes et de leurs groupements face à l’inflation qui prévoyait une prise en charge à 70 % de la hausse des dépenses pour l’achat de produits alimentaires. Faute d’avoir pu répondre aux exigences d’admission. Elles seront assouplies en 2023, la ville peut ainsi espérer en être. Mais difficile de compter là-dessus pour bâtir un budget serein. La sérénité ne vaut qu’en paysage dégagé. Et c’est peu dire que la période ne prête pas au relâchement.

C’est pourquoi deux hypothèses, pour chaque analyse des composantes de ce budget, ont été imaginées : haute et basse. Ou tenant compte de variations plus ou moins élevées de certains indicateurs, au premier rang desquels, l’inflation, bien sûr. Coûts énergétiques, charges du personnel, de nombreux postes se trouvent ainsi affectés de façon plus ou moins élevée selon l’hypothèse envisagée. Mais c’est bien l’épargne nette qui pourrait poser problème en cas de gros temps pour 2023 et 2024. L’autofinancement, l’indicateur qui permet de connaître les réserves qui sont disponibles pour pouvoir financer les dépenses d’équipement, pourrait dégringoler au fil des années à venir pour passer sous la ligne de flottaison, en négatif. « Une situation intenable, pour Pierre Brun, sans geste fort pour contrebalancer cette chute : hausse de la fiscalité et réductions drastiques des dépenses publiques » et donc du niveau de service public. On n’en est pas là mais il s’agit bien d’un scénario à imaginer.

Pour réaliser le programme d’investissement prévu pour la période 2023 / 2027, en hypothèse basse, la ville serait tenue d’emprunter à hauteur de 59,725 millions d’euros, « ce qui n’est pas très éloigné de ce qu’on avait présenté l’an dernier au ROB. C’est cohérent » , jugeait l’élu en charge des finances. Par contre, en hypothèse haute, près de 86 millions et là, « c’est une autre aventure » soufflait Pierre Brun. Dans ce deuxième cas de figure, l’encours de la dette reviendrait à des niveaux connus en 2016, « et ça fait peur » , grinçait-il. Et la capacité de désendettement deviendrait insoutenable. « En hypothèse basse, l’encours serait d’à peu près 100 millions avec une capacité de désendettement tout à fait honorable » (au 1er janvier 2023, l’encours est à 101,21 millions d’euros, maintenus par rapport aux trois années précédentes).

« Il faut envisager une baisse des impôts »

Ce budget 2023 sera spécifiquement consacré à la sobriété, à la solidarité et au rayonnement du territoire, un plan détaillé lors du vote du budget en mars prochain et dévoilé par Aurélie Le Meur. Mais lorsque le débat débuta, Benoît Perrotton, ancien adjoint aux finances, dont les joutes amicales et chiffrées avec Pierre Brun sont désormais la règle en cette époque budgétaire, prit la parole.

Pierre Brun, conseiller délégué au pilotage financier.

Et au-delà des interrogations d’un comptable à un autre, il fit mention du grand sujet du précédent budget, la hausse de la fiscalité (lire nos articles du 1er février et du 15 mars 2022). « Vous nous aviez dit alors que cette hausse devait servir à l’investissement mais nous vous donnions des éléments pour éviter d’en arriver là. 2023 est là, le plan pluriannuel d’investissement est adopté chaque année, l’épargne nette est toujours positive, vous avez évalué ces investissements à 27,6 millions d’euros, un montant de 3,3 millions inférieur à ce qui avait été programmé l’an dernier. Alors je vous le demande, pourquoi avoir augmenté la fiscalité des Chambériens ? C’est un an de perdu et c’est triste d’avoir raison par moments. Les impôts levés n’ont pas servi à l’investissement ». Tout juste reconnaissait-il, malgré cette saillie, un ROB « intéressant et travaillé » , constatant « un retour au réalisme et au pragmatisme » bienvenu. « Il faut, poursuivait-il, transformer ce ROB en budget et envisager une baisse des impôts locaux ».

Le conseiller municipal délégué au pilotage financier, Pierre Brun, se voyait plutôt, lui et son équipe, « en visionnaires. Nous avons bien fait de le faire en 22, cela aurait été plus pénalisant de le faire aujourd’hui ». « Grâce à la fiscalité, les hausses budgétaires ont été mangées par ces recettes additionnelles. Effectivement, nous avons revu nos ambitions à la baisse, ce sont des arbitrages, » renchérissait Pierre Brun. Aussitôt appuyé par Martin Noblecourt. « Au bout du compte, ce qui compte, c’est le service public. C’est malheureux d’avoir augmenté la taxe foncière en 2022 pour maintenir les services mais les autres leviers fiscaux, ce ne sont pas les mairies qui peuvent les actionner. Le contexte a évolué, nous avons dû faire des arbitrages ». « Pour moi, reprit Benoît Perrotton, la hausse n’était pas nécessaire et prématurée. La finalité de cette mesure, c’était pour les investissements ».

Le maire, Thierry Repentin, mit fin au débat : « Cette recette d’1,3 million a couvert la hausse du coût de l’énergie et n’a pas couvert toutes les dépenses de fonctionnement, comme les dépenses de personnel. Malgré cela, nous avons été au rendez-vous avec près de 28 millions d’investissement avec un taux d’exécution à près de 80%. Les années précédentes, nous étions plus autour des 60%. Une hausse de la fiscalité a du sens si on sait où a été affecté son produit et s’il a équitablement été réparti pour tous ».

Rendez-vous dans un mois et demi pour le vote du budget mais nul doute que les paroles de Benoît Perrotton ne trouveront pas d’écho. Au moins la fiscalité ne bougera-t-elle pas, avait de toute façon promis le maire lors de ses vœux à la population.

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