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Challes-les-Eaux : mobilisation générale pour sauver les thermes

Par Jérôme Bois • Publié le 06/03/23

Vendredi 3 mars, à l’initiative du collectif pour l’avenir des thermes de Challes-les-Eaux, s’est tenue une réunion publique au château des Comtes-de-Challes en présence d’élus, anciens et actuels, et d’habitants. La venue d’Emilie Bonnivard, députée de la 3e circonscription, a permis de donner un peu d’espoir aux Challésiens. Et de répondre à leurs questions. Le combat pour le maintien d’une activité thermale a commencé.

Ils étaient plus d’une centaine et les sièges manquaient largement. Sans doute les organisateurs n’avaient-ils pas anticipé l’ampleur du mouvement populaire qui émerge de la commune depuis deux semaines. Un mouvement comparable à l’émotion suscitée par l’annonce de la Chaîne thermale du soleil, survenue le 16 février dernier et dont les justifications n’ont pas convaincu grand monde ici bas. Bien préparée par le collectif pour l’avenir des thermes, la réunion a dans un premier temps donné la parole à Michel Arnaud, ancien adjoint de Daniel Grosjean en charge du tourisme et du thermalisme, mémoire de cet établissement dont les origines très lointaines remontent au XIVe siècle jusqu’à l’ouverture officielle de l’établissement en 1876. « Cette fermeture m’a fait mal » , a-t-il affirmé, la larme à l’œil.

Une délégation d’élus savoyards reçue à Paris

Puis, Julien Donzel, premier adjoint démissionnaire, dont le discours, rassembleur dans un premier temps (« C’est avec stupeur que j’ai appris par voie de presse que la Chaîne thermale du Soleil abandonnait son site de Challes-les-Eaux, une année avant son 150e anniversaire. D’aucuns auraient pu penser que nous sommes réunis ce soir dans un but politique mais s’inquiéter de l’avenir du joyau de notre commune revêt-il un enjeu politicien ? Nous, devant ce séisme, nous avons besoin de nous retrouver et d’échanger » ) eut pour effet de remonter, si besoin en était, davantage les habitants. « Peut-être que nous n’avons pas la solution mais au moins, on ne pourra pas nous accuser de n’avoir rien tenté (…) Nous devons sensibiliser les pouvoirs publics, les associations, mais également des personnalités engagées » dans la lutte contre l’endométriose et les problématiques gynécologiques. « On me rétorquera que la part des maladies accueillies pour ces soins est marginale mais là où certains y voient un pourcentage faible, j’y vois la possibilité d’une formidable marge de progression ». Sa récente démission (lire notre article du 25 février) fut « une décision difficile à prendre mais mûrement réfléchie » , soutint-il, décision allant dans le sens de « la fermeture de nos services rendus au public ». Il s’agissait-là de sa première apparition publique depuis la révélation de sa démission.

Puis Emilie Bonnivard, très attendue, a fait son apparition. Engagée dans ce dossier, comme elle le martèle, la députée de Savoie a d’abord tancé le groupe propriétaire des lieux, coupable selon elle « d’avoir gardé l’info de la fermeture pour elle très longtemps. J’ai vécu cette annonce comme un choc, car les thermes, c’est bien plus qu’une simple entreprise, c’est notre identité savoyarde. Il n’y a rien de plus parlant que la gare de Chambéry*. Devra-t-elle changer de nom ? Non, nous n’acceptons pas cette fermeture. Je compte bien me battre jusqu’au bout ». Elle rappela la « pleine mobilisation des élus du territoire ». Eléonore Guérard, la directrice générale du groupe, s’est engagée à recevoir, à Paris, une délégation savoyarde composée de Hervé Gaymard, président du conseil départemental, de Renaud Beretti, maire d’Aix-les-Bains et co-président des villes thermales, de Florence Duvand, conseillère régionale déléguée au thermalisme et d’Emilie Bonnivard, donc. « Nous allons discuter de toutes les autres possibilités » , précisait la députée. Elle s’est étonné par ailleurs que la Chaîne ne tire pas profit du plan thermal régional, « très utilisé par les thermes aixois et de Brides-les-Bains. On a très largement accompagné ces établissements, ça n’a pas été le cas de la Chaîne thermale du Soleil. Je me sentais frustrée car il fallait mettre en place un projet d’investissement, ça n’a pas été fait ». La Région s’apprête en conséquence à voter un vœu en séance réclamant le maintien des thermes.

« Vous avez l’impression que la commune ne fait rien mais ce n’est pas vrai »

Loick Esposito, à l’initiative du collectif et de la réunion du 3 mars et Josette Remy, maire de la commune.

Les salariés, également présents, ont pris la parole et appelé les gens « à penser » à eux. « On ne parle pas beaucoup de nous dans cette histoire » , se désolaient-ils. Au passage, il faut se souvenir que les saisonniers, dont l’embauche était prévue en vue de la prochaine saison thermale en avril, « n’ont pas été informés de la fermeture ». De quoi provoquer quelques huées dans la salle. Vendredi 10 mars, tous seront conviés à un entretien préalable à licenciement, économique ont-ils précisé. Puis vint l’heure des questions-réponses. Reconnue « grande cause nationale 2021 », l’endométriose touche 10% des femmes, ce qui poussa cette habitante à s’interroger : « N’y a-t-il pas eu un manque de communication autour de l’axe gynécologique porté par ces thermes ? » C’est en effet l’une des deux activités de l’établissement avec le traitement des voies respiratoires, forte de cette eau soufrée si caractéristique, connue pour être la plus soufrée d’Europe. Membre du groupe de curistes d’octobre 2022, Emilie fit un rapide retour en arrière : « C’est nous qui avons alerté sur la fermeture des thermes. A Challes, les soins médicaux sont dispensés par des sages-femmes, parce qu’il n’y a pas de médicaments pour soigner l’endométriose. L’eau soufrée est médicale. Le personnel est qualifié et expert en la matière, c’est dire si l’établissement est essentiel. Ne peut-on pas faire appel aux mutuelles ? Au mécénat ? » Il y a fort à penser que l’axe gynéco sera décisif dans un hypothétique maintien du thermalisme et c’est sur ce point que ce groupe de curistes compte agir.

D’autres se questionnaient sur le tarissement – infondé – de la source, sur l’absence de positionnement de la mairie sur ce sujet ou sur ce qui allait advenir du tènement de 5 hectares, propriété du groupe. « Nous avons classé le secteur en zone touristique et thermale, le terrain ne peut donc accueillir que des constructions à visée touristique, thermale, de santé. Ce classement existe toujours et exclut tout projet de construction immobilière, souligna Josette Remy, maire de la commune, alors que les rumeurs enflaient dans la salle. Nous pouvons classer le bâtiment, les arbres du parc, ce que nous n’avons pas encore fait car rien de ce qui arrive aujourd’hui n’était prévu. Vous avez sans doute l’impression que la commune ne fait rien mais ce n’est pas vrai ». Elle avait du reste eu l’occasion de le signaler voici dix jours dans ces colonnes. Enfin à qui s’étonnait de l’optimisme affiché par Emilie Bonnivard, celle-ci rétorqua. « Je ne suis pas optimiste, je suis déterminée. J’ai l’habitude de traiter des dossiers difficiles, trancha la députée. Ces difficultés sont la conséquence de choix et de stratégies ». Un propos lourd de sous-entendus.

En attendant les suites dans cette affaire, la pétition en ligne lancée par le collectif se gonfle et atteint à ce jour 890 signatures. Vendredi 3 mars, durant le marché hebdomadaire, 178 nouvelles signatures ont été collectées.

* C’est en 1923 que la gare de Chambéry prit l’appellation qu’on lui connaît aujourd’hui, « gare de Chambéry-Challes-les-Eaux ».

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